Parfois, tu ne t'attends à rien, et certainement pas à recevoir une claque assez dingue dans la tronche. Mais vraiment, quand tu as des tonnes d'albums à devoir écouter, que ce soit pour des chroniques ou même pour le plaisir, quelques groupes ne semblent pas prédestinés à devenir des baffes qui vous foutent le cul à terre. Surtout quand au départ, tout semble assez banal dans cette formation, qui n'a pas l'air de se démarquer de toutes les autres. Et quand on écoute une grosse proportion d'opus, le côté blasé peut arriver, se dire que finalement, des gros noms comme ça, on en trouvera pas, pas comme ceux qui vous font déjà rêver, et que ces petites nouveautés laisseront peut-être froid. Ouais, tu parles …
Et cette surprise vient principalement d'un élément, qui suscitera des réactions diverses et variées. A commencer, bien évidemment, par celles des collègues de notre charmante petite équipe de La Grosse Radio qui, tout innocents, frais et ouverts aux découvertes, ne connaissaient pas non plus le groupe du jour. Puis après une écoute de la chanson « Outlaw », voilà une première réaction, celle de notre ami Ju de Melon, notre vénéré rédacteur en chef, celui qui brille comme le soleil au zénith, celui que nous adulons tel un parangon nous guidant dans … (quota de lettres dépassé pour la formulation de compliments)
Ju : « Excellent The Mystery, bon chanteur ! »
Une fois le sexe du frontman … frontwoman, pardon, découvert :
Ju : « ah bon ??? »
Et enfin :
Ju : « On dirait Andi Deris décoiffé par le vent xD ».
Donc n'y allons pas par quatre chemins, l'attraction principale de The Mystery et de ce nouveau brûlot, affublé du ridicule patronyme d'Apolycapse 666, c'est bien Iris Boanta, son chanteur … sa chanteuse. Car il est vrai qu'il n'est pas aisé, dès les premières notes de l'opus, de reconnaître qu'il s'agit bien d'une demoiselle derrière le micro, tant la façon de chanter de l'allemande est rauque, virile, puissante, et son timbre très masculin. Alors bien sûr, il existe, généralement, pour les détracteurs de femmes dans le heavy metal, un argument qui ressort très souvent. Celui du « si ça avait été un homme, on en ferait pas un tel foin ». Et là, ils se trompent. Car le sexe de notre charmante blonde importe peu, car c'est bien sa voix qui reste tout bonnement exceptionnelle. Qu'elle soit homme ou femme, par ailleurs, notre frontwoman se classe indubitablement parmi le haut de gamme, la crème de la crème, les valeurs sûres du genre. Quand elle ne monte pas dans des aigus à faire pâlir de jalousie bon nombre de confrères et de consœurs, elle reste souvent dans son registre standard qui, lui, va pouvoir susciter l'admiration une fois de plus. Pour ce que l'on entend de féminin, d'ailleurs. Mais une grande partie des pistes comptent sur son chant qui vous colle une grosse raclée dans la tronche pour gagner en valeur et en charisme. D'un « Outlaw » rugueux et efficace, à un « Ride On » où elle contribue complètement à l'aspect épique d'un titre au refrain littéralement imparable, cette dame sait tout faire, avec une aisance déconcertante. Et ça, vous ne l'aviez pas vu venir. Quand on sait qu'il ne s'agit que du premier effort du combo avec la chanteuse (et le cinquième en tout), il y a de quoi être bluffé.
Et donc, on voit déjà arriver un défaut gros comme une maison, assez prévisible s'il en est : les pistes ne survivent que grâce à la qualité de leur chanteuse. Et malheureusement, c'est un cas de figure qui s'avère réel dans de nombreux cas. Parfois, un chant surprenant ne peut pas toujours remonter la pente et sauver entièrement les meubles. Dans un genre totalement différent, un exemple de ce propos pourrait être ReVamp, ne comptant que sur Floor Jansen, cachant des compositions peu à la hauteur. Mais nos chers allemands sont bien plus intelligents qu'il n'y paraît, détrompez-vous, car ils évitent ce piège avec une malice qui nous fait durer le plaisir encore quelques longues heures, le temps de se remettre une fois de plus cet album. Les morceaux sont, globalement, assez bien rodés, loin d'avoir été composés en deux minutes (n'est-ce pas Running Wild ?), et ça ce ressent lors de l'écoute, où il y a souvent cette recherche du riff qui va faire décoller le titre, du refrain qui restera incrusté en tête, ou de l'ensemble musical cohérent qui soutiendra la voix de la talentueuse Iris tout en restant très inspiré. Au bout de cinq brûlots, The Mystery n'est pas une bande de débutants.
C'est ce qui vient aboutir à ce type de réactions (notre cher ami le Boucher sur le single « Nailed to the Cross » visible en bas de l'article) :
LeBoucherSlave : « tous les titres sont dans cet esprit? C'est vrai que je suis difficile en heavy épique/true (pour rester dans le etc, etc... ^^) mais là faut admettre que c'est du (oh my dog non.... :/) du SOLIDE!! »
Le mystère sur cette grosse voix n'est plus : c'est une blonde !
Pourquoi c'est aussi solide ? Pourquoi ça fait réagir des difficiles de façon aussi ? C'est bien simple, les refrains sont la clé. Ne trouvez-vous pas « War Cry » et « Ride On » plus que puissantes ? The Mystery n'ira pas chercher à se sortir des carcans du style. L'expérimentation, c'est pas trop leur truc. C'est donc du traditionnel, comme Accept aurait pu en composer, enfin, digne des plus gros noms du heavy teuton. La seule différence, c'est que le quintet n'est pas encore très connu, et surtout pas hors de leurs contrées. Et là où notre groupe d'outre-Rhin est plutôt malin, c'est en se disant que tout composer dans le même moule, ça ne sert pas à grand chose. Après tout, s'il est vrai que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures, chez cette formation, on voit les choses un peu différemment. Évidemment, tous les pots peuvent avoir un aspect et un goût de daté, de quoi raviver la douce flamme de la nostalgie dans les petits cœurs d'artichauts des metalleux de tous âges. Mais parfois, les pots n'ont pas la même étiquette. Bien sûr, on pourra peut-être reprocher un petit manque d'accalmie à un ensemble qui se veut très dynamique, sans concessions. La batterie martèle, la guitare balance des riffs tranchants, et le tout ne s'avère que peu répétitif. Quelquefois, on pourra observer des légères imperfections (des influences trop présentes par moment, qui peuvent aller lorgner vers Iron Maiden de temps en temps), mais rien n'entachant un bilan plus que positif.
Pourtant, les compositions sont plutôt simples au premier abord. Et même au second, et par la suite encore. Le quintet a conservé, tout au long de la galette, une certaine simplicité qui aide les titres à passer comme une lettre à la poste. Ce qui amène à un petit défaut : là où des titres sont carrément excellents et ne vous quitteront pas avant des lustres, d'autres sont bons, mais souffrent simplement de l'être moins. Une légère discontinuité qualitative, donc, ce qui explique la disparition soudaine de nos mémoires de l'éponyme « Apocalypse 666 », ou de « Cashgame » un peu plus passe-partout, agréable mais une fois incluse dans le lot, plongeant vers le fond, ne parvenant pas à maintenir la cadence imposée par de vrais hymnes heavy. On a, tout d'abord, « In Heaven or Hell », dont le titre ne trompe pas : l'influence majeure de cette piste, ce sera Black Sabbath ! Les riffs, notamment, peuvent nous faire penser à ces légendaires britanniques. Chose intéressante, ce titre apporte un peu de souffle, de respiration. Il commence plutôt calmement, de manière posée, sans briser le rythme. Un bon moment, qui est loin d'être isolé. « Outlaw » est tubesque, acharnée, et sa pierre angulaire nommée refrain est incisive. Vous ne vous débarrasserez pas si facilement des paroles. L'autre piste qu'il est ainsi bon de mentionner est « Ride On », et, encore une fois, pour son refrain, mais pas que. Le titre vire parfois plus vers le power, variant les inspirations de The Mystery.
Concluons avec un bref résumé de la situation : de très bonnes compositions, où les redondances sont rares mais montrant deux-trois signes de faiblesse, pas bien méchants. Une production ni trop vieille, ni trop moderne, parfaitement adaptée au style pratiqué. Mais, surtout, une voix rarement entendue dans le milieu, surtout pour une représentante de la gente féminine. Loin des clichés de la banale imitatrice de Doro, cette Iris Boanta a les qualités requises pour devenir une icône du heavy metal. Qu'est-ce qu'il manque donc à ce Apocalypse 666 pour se hisser par les étendards ? Trouver sa propre patte, justement. La personnalité est le point qu'il faudra encore affiner par la suite pour The Mystery. Mais vu la qualité du produit, nul doute qu'ils y arriveront par la suite de leur carrière. Et que l'année 2012 doit compter sur ces allemands parmi les grands crus. Et on se ressert avec plaisir !