Le H'Elles on Stage, c'est l’événement musical de l'année ! Et si vous ne me croyez pas, demandez-donc aux Femâles ! … Trêve de plaisanterie, il s'agit donc d'un festival qui, comme son nom l'indique, est consacré au grindcore … ou plutôt au metal à chant féminin. Et c'est, cette année encore, dans la région lyonnaise que se déroulera cette cinquième édition ! Au programme : bière, chanteuses, douze groupes de diverses nationalités (des français mais aussi des suisses, des belges, des néerlandais, des hongrois et des russes), pour deux jours de folie ! C'est pour cela que mon auguste personne de St-Modestie ainsi que dame Amaurea la distinguée allons vous narrer les aventures de cette édition prometteuse.
EVENPATH
Amaurea : Le premier groupe qui monte sur scène, ce sont les lyonnais d'Evenpath, dont mon confrère Sanguine_sky a déjà parlé en chronique. Premier concert de cette jeune formation qui vient de retrouver un tout nouveau batteur, Marc-Henri. Et il faut bien avouer que pour un premier concert, la formation s'en tire plutôt bien ! Pour commencer, évoquons leur frontwoman, Sarah Liodenot, dont les progrès vocaux ont été la première surprise de ce set. A la fois énergique et heureuse d'être là, elle rayonne de bonheur, et peut-être un peu trop. Ainsi, sur le morceau de conclusion, « Haven », la jeune femme est à bout de souffle, ayant un peu trop bougé tout au long du concert. Une énergique qu'il faudra canaliser par la suite.
Cependant, sa présence scénique est un atout indéniable pour Evenpath, tout comme sa voix. Occupant très convenablement l'espace, n'hésitant pas à jouer avec le public qui répond présent, elle fait oublier son stress initial pour nous emporter complètement dans le set. La demoiselle n'a d'ailleurs aucun mal à atteindre ses notes, même les plus difficiles. On sent que les difficultés ont été travaillées, et sa prestation est largement meilleure que tout ce qu'elle a pu offrir par le passé, et même que sur leur premier EP. Les autres membres, eux, bougent assez, mais le guitariste et le bassiste semblent avoir moins d'expérience scénique que la chanteuse, qui n'est pas à sa première fois sur une scène, ayant officié au sein de Bel O Kan. Les deux compères manquent même parfois de se rentrer dedans. Mais celui qui a le plus de mal, c'est le batteur, faisant parfois tomber son matériel, mais gageons que l'anxiété d'une première scène pour le groupe et son intégration encore tout fraîche sont des facteurs qui jouent énormément.
Côté setlist, on retrouve les titres de l'EP ainsi que deux nouveaux : « My Ninth Life » et « The Virus », sympathiques mais semblant parfois manquer un peu d'énergie. Pas facile cependant de juger du potentiel d'un tout nouveau titre sur scène. Bien que ceux-ci ne semblent pas mauvais du tout, on attendra d'entendre l'album pour approfondir tout ça.
Un concert globalement intéressant. Pour une première scène le groupe se débrouille bien, et, s'ils doivent encore se perfectionner, ils nous feront passer un bon moment !
Setlist :
Glory
Mess'Anger
My Ninth Life
The Nightmare
The Virus
Haven
HELIANTHA
Sanguine_sky : Heliantha, c'est l'histoire d'une démo qui ne m'avait pas particulièrement marqué. Mais le potentiel d'une formation se jugeant aussi sur la scène, une certaine curiosité restait, pour voir si le groupe allait mieux s'en tirer une fois leur espace de prédilection investi. Beaucoup de questions, qui se dissiperont une fois le set joué et terminé.
L'ensemble reste plutôt mitigé, mais, cependant, tirant tout de même vers le positif, et un certain espoir de voir ce groupe aller bien plus loin que ce qu'il a pu présenter lors de sa première offrande studio. Premièrement, le principal point qui laisse prévoir du bon pour les lillois vient de sa chanteuse, la jeune Audrey. Quelques remarques cependant : parfois, sa voix reste un peu trop noyée sous l'écho, qu'elle semble utiliser pour masquer un certain manque de confiance en elle et dans ses capacités. Et c'est tout à fait dommage car la technique de la jeune femme est bien présente, la frontwoman n'ayant visiblement aucun mal à atteindre ses notes ou à capter l'attention. Son jeu de scène est vivant, et elle semble réellement prise dans les morceaux. Loin d'être froide, elle permet d'établir cette connexion entre le public et la musique, pour ainsi tenter d'acquérir à sa cause une foule trop peu réactive.
Il faut dire que les compositions n'aident pas, et c'est là d'où vient le principal problème du set d'Heliantha. Bon, ce qui rassure, c'est que les titres les moins convaincants joués ce soir-là sont ceux qui proviennent de la démo. Signe d'amélioration n'est-ce pas ? Mais le combo ne parvient pas encore à échapper totalement à certains clichés du metal progressif, à savoir les longueurs excessives, et un aspect technique à l'excès, pouvant sembler étouffant. Et pourtant, il y a de bons points. Outre un jeu impeccable de la part d'un excellent bassiste, la maîtrise instrumentale est réelle de la part du groupe. Ce ne sont pas des manchots, ce qui n'est pas non plus une garantie d'excellence musicale. Au niveau des pistes, le bât blesse. Le combo semble tenir le bon bout, instaurer une atmosphère, pour ensuite tout déconstruite et repartir sur autre chose, et ce, trop de fois au sein du même titre, n'offrant pas non plus de thématique récurrente, ou de passages musicaux identifiables. Ainsi, Heliantha perd son auditoire en cours de route, dans des morceaux qui sont encore à creuser, un peu trop fourre-tout en l'état actuel. Comme s'ils avaient collés des bouts de titres différents les uns aux autres.
Mais le bilan est loin d'être catastrophique, bien au contraire. Si le sextet est encore jeune, et doit gagner davantage en maturité musicale, la convaincante performance de sa chanteuse, la bonne tenue des instruments ainsi que les progrès accomplis promettent du bon pour la suite. Une fois les défauts corrigés, Heliantha peut aller loin. A eux de travailler les points qui sont encore à revoir, car on peut vraiment tenir quelque chose d'intéressant pour la suite !
FENRIR
Amaurea : Tranchant avec le style des autres groupes de cette journée, Fenrir, tous de kilts vêtus et de maquillage peinturlurés sur la tronche, débarquent pour nous asséner en pleine gueule leur folk metal.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que celui-ci est beaucoup plus pêchu sur scène ! Les morceaux bougent bien, et sont très variés. Entre quelques influences black metal (« Tristan & Iseult ») ou des racines folk plus classiques (« Morrigane's Fury », « Fenrir »), les titres joués se distinguent très bien les uns des autres, ne tombant pas dans la répétition inutile. Au contraire, ils apportent, déjà, beaucoup de fraîcheur par la présence d'un violon de bon aloi, mais aussi par le chant lyrique fragile et doux de la jolie Elsa Thouvenot.
Parlons donc de cette voix. La demoiselle a un chant plutôt fragile, mais bien maîtrisé. Rare sont les couacs, sa justesse étant une qualité qui peut être attribuée à son éventail. La chanteuse semble un peu timide et en retrait au début, mais au fur et à mesure du show, elle prend ses marques et n'hésite pas à communiquer avec le public. Quelques problèmes sur le micro de Sylvère cependant, venant de son chant clair épauler, de temps en temps, la voix d'Elsa. Dommage, car cette dualité ne sera pas assez soulignée, la faute au son capricieux.
De temps en temps, Fenrir fait aussi de l'instrumental, et là, Elsa prend son violon pour nous jouer, elle aussi, quelques belles mesures de cet instrument ravissant. On ne refusera donc pas l'invitation à danser et boire dans la taverne avec « Prancing Poney », apportant une belle touche de diversité dans le show.
Fenrir est donc une excellente surprise et découverte. Ce groupe semble encore un peu jeune dans son attitude scénique de temps en temps mais nul doute qu'un bel avenir peut leur être promis. Allez, on croise les doigts pour eux ! Un grand en devenir.
EX LIBRIS
Sanguine_sky : Les inconnus, pour beaucoup, de la journée, ce sont les néerlandais d'Ex Libris (dont vous pouvez retrouver, tout comme c'est le cas pour Evenpath et Heliantha, un titre de leur EP Medea dans le second volume de la compilation World of Glass). Qui sont-ils, que nous veulent-ils ? Sont-ils là en paix ou pour transformer la scène en champ de bataille ? Réponse en quelques lignes.
Ex Libris, c'est tout d'abord une voix. Une présence. Et celle-ci se nomme Dianne Van Giersbergen, une jeune femme qui n'a absolument rien à envier aux plus grands noms du genre, sa maîtrise technique renvoyant Tarja au rang de novice. Son chant lyrique est stupéfiant, tant par son expressivité que ses montées qui semblent si naturelles, comme si elle n'avait aucune difficulté à les accomplir. Le genre de demoiselle qui te laisse bouché-bée, juste le temps d'admirer le spectacle. Parce qu'elle ne fait pas que du lyrique, cette jolie dame. Elle officie aussi dans un chant plus grave tout aussi surprenant. Et encore une fois, comme ma collègue Amaurea le dirait, on est tout simplement sur le cul. Cette frontwoman est époustouflante (la chroniqueuse, elle même chanteuse lyrique, a presque bavé devant le show tant elle était dmirative).
Mais cette jeune femme ne se repose pas que sur sa voix. Elle sait aussi proposer un vrai jeu de scène, qui ne fera sûrement pas l'unanimité, cependant. La belle n'est pas là pour rester statique au milieu des musiciens. Non, elle est habitée, et vit littéralement l'histoire des personnages dont elle compte les récits, comme sur « Medea » ou la très difficile « Daughter of Corinth », aux lignes de chant d'une complexité redoutable. Et le stress initial de la néerlandaise s'envolera une fois le morceau débuté. Elle sait nous entraîner, au fur et à mesure, dans son univers. Captivant, voilà un mot qui décrit à merveille le concert donné par le groupe.
Et les compositions ne sont pas en reste. D'un « Love is Thy Sin » tiré de leur très bon premier opus Amygdala, aux morceaux de leur EP Medea, ainsi que des titres de leur nouvel album à venir, Ex Libris prouve qu'ils ne sont pas des débutants. Leur metal progressif à touches heavy mélodiques et symphoniques est, lui aussi, très entraînant. Suffisamment varié pour ne pas tomber dans la redondance, mais gardant tout de même un fil d'Ariane qui permet de maintenir une bouffée d'air frais, et de retenir les morceaux. Ainsi, on ne se perd pas au fil de l'exploration, bien loin de là. On suit tranquillement le déroulement, sans ennui ni bâillements, toujours avec l'intérêt éveillé. Car ces musiciens là, tout comme Heliantha, ne sont pas des manchots qui ne se reposent que sur la voix phénoménale de leur chanteuse ! Ils ont aussi blindé ce qui est derrière, et encore une fois, mention spéciale au guitariste Paul Van Der Broek et au bassiste Peter Den Bakker, qui disposent d'un très bon jeu ! « Daughter of Corinth » et « Murderess in Me » sont le théâtre de leur créativité, et on en redemande bien vite.
Le set se termine ainsi sur l'éponyme « Medea », et laisse un public divisé. Certains ont eu du mal à entrer dans l'univers d'Ex Libris, d'autres, au contraire, viennent de prendre la claque de la soirée. De la part d'Amaurea et de moi-même, vous comprenez donc que c'est dans le second camp que vos serviteurs se situent. A revoir au plus vite !
KELLS
Sanguine_sky : La soirée se termine avec Kells, groupe qui monte de plus en plus, en France et même ailleurs ! Leurs shows sont connus pour leur bonne qualité, pour leur énergie et pour la ferveur d'un public de plus en plus grandissant, acquis à la cause de cette formation lyonnaise, qui n'hésite pas, à chaque concert, à balancer la sauce. Bon show, pas bon ce coup-ci ?
Il faut reconnaître que Kells sait tenir une scène, et le prouvera une fois de plus lors de ce H'Elles on Stage ! Le groupe ne lésine pas sur l'énergie, et Virginie Goncalves, la chanteuse, est une vraie pile électrique ! En revanche, par rapport au concert de Pratteln en première partie des norvégiens de Tristania, la jeune femme paraît un peu moins en forme vocalement, faisant ainsi quelques couacs, notamment sur « Se Taire » où elle semble avoir un peu plus de mal. Mais cela arrive même aux meilleurs, et le set complet sera, de sa part, encore une fois de très bonne tenue, autant dans le chant clair que dans le growl, nous démontrant sa versatilité exemplaire, cette chanteuse n'étant pas du genre à baisser les bras à la première difficulté. Sur le désormais célèbre « La Sphère », elle nous fera le plaisir d'inviter Sarah Liodenot (Evenpath), pour un duo de très bonne tenue !
Sur « Lueur » et « Nuances », c'est Jano, ancien batteur de la formation, qui viendra prêter sa voix. D'ailleurs, la setlist, elle, est encore composée des classiques du groupe, Anachromie une fois de plus majoritairement représenté. Ainsi, le défaut qu'on peut peut-être trouver à Kells est un léger manque de surprises, compensé nettement par une prestation d'ensemble vraiment agréable et pêchue.
En gros, un show de très bonne tenue et qui offre une bonne conclusion à ce Vendredi. Kells prouve une fois de plus qu'ils savent tenir une scène avec brio, même s'il manque, sur cette prestation, ce petit truc qui rend leurs shows si prenants d'habitude. Mais ne crachons pas dans la soupe, la formation a, une fois de plus, fait passer le temps très rapidement. Ce qui est un bon signe. Celui des plus grands, certainement.
Bilan de ce Vendredi ? Trois très bons shows (avec des mentions spéciales pour Ex Libris et Fenrir), un Evenpath prometteur et un Heliantha à surveiller.
Photos : © 2012 Emilie Garcin
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