Sólstafir – Endless Twilight Of Codependent Love

La mue de Sólstafir fut majestueuse pour qui suit les Islandais depuis longtemps. À la violence des débuts succéda la beauté de Köld et Svartir Sandar, dont Ótta fut la quintessence stylistique. Berdreyminn s'aventurait lui sur des sentiers inédits, délaissant le metal pour amener ses compositions aux limites du post rock. L'annonce du premier single de leur nouvel album Endless Twilight of Codependent Love laissait pourtant entrevoir un retour aux sources, soutenu par un chant intégralement en islandais. Qu'en est-il donc du reste de ce disque ? A-t-il réussi à concilier cette envie d’innovations et ce qui a rendu populaire la musique du groupe auprès du public ?

"Akkeri", le single sus-cité ouvre l’ouvrage de fort belle manière, mais sans surprise pour les fans du groupe. Dix minutes pendant lesquelles Sólstafir déroule ce qu'il sait faire de mieux. Le chant est sur un fil tant plaintif qu'agressif et empli d'émotions, tandis que les instruments jouent avec cette énergie mélancolique, à la fois agréable et désespérée propre à la mélodie des Islandais. Les riffs rock'n'roll fusionnent aux plages atmosphériques, se succèdent et s'assemblent tellement que la musique semble palpable et ultra imagée. Même s’il n'y a aucune surprise, cette mise en bouche montre à quel point le groupe est très fort pour toucher avec ce type de morceau.

Plus encore que sur Beyrdremmin, on sent à quel point le post-rock attire et transforme les instrumentistes, tant et si bien que l’on pourrait se demander si Sólstafir joue davantage du metal ou bien du post-rock très énervé ? La réponse est probablement un peu des deux, tant le groupe ne semble parfois pas choisir, ce qui est à la fois sa plus grande qualité et son plus malheureux défaut. Qualité dans la beauté que sont capables de transcender Aðalbjörn Tryggvason et ses collègues. Défaut dans cette manie qu’a le quatuor de quelquefois étirer inutilement ces passages.

"Drýsill" est à ce titre frappant, avec cette introduction en mid-tempo, qui laisse apparaître un hypnotique riff, qui s’allonge, s’allonge, avant qu’une cavalcade à la batterie surgisse… Et que rien ne suive. La montée, à l’inverse de bien des formations de post-rock, ne se fait pas et le morceau manque de ce souffle épique pour se conclure majestueusement. On pourrait encore citer "Rökkur" et "Her Fall From Grace", paraissant souffrir des mêmes errements. Il ne s’agit pas de comparer avec ce qui a déjà été fait, les Islandais ayant énormément évolué. L’idée n’est pas non plus de leur demander de rejouer le passé, au contraire, la déception se fait sentir tant le groupe ne semble pas aller au bout de ses concepts.

Néanmoins comme toujours chez Sólstafir, on ne peut nier le talent des musiciens à créer un univers personnel. "Til Moldar" est à ce titre un excellent exemple. Malgré son mid tempo, ses airs de morceau pop, on reconnaît immédiatement cette patte propre à la bande. Que ce soit par ses sonorités, cette empreinte harmonieuse directement identifiable, ses guitares lumineuses ou son chant, le combo islandais est unique. Et il l’est encore plus quand, au détour des pistes, celui-ci joue des genres et des cadences de manière étonnante.

Comment ne pas être surpris par "Dionysus", cri d’amour qui semble rendre hommage à ses débuts d’un furieux son qui se rapproche de son black metal original ? Attendait-on un morceau tel qu’"Alda Syranna" sur un album de Sólstafir? Malgré sa durée réduite, celui-ci sonne comme un grunge dissonant, où le chant en islandais donne une puissance décuplée aux émotions de la chanson. Dans ces moments magnifiques, il n’est pas possible de faire l’impasse sur "Or" et son blues hypnotique qui explose dans un déferlement de guitares saturées qui déboussolera plus d’un auditeur.

Ces instants, et le final de l’album avec "Úlfur", sont véritablement les pièces maîtresses de ce nouveau disque… Et celles-ci font d’autant plus regretter les longueurs et ce ventre mou, prisonnier des non-choix et semblant se limiter tant émotionnellement que musicalement.

Que l’on soit bien d’accord. Malgré la légère déception, Endless Twilight of Codependent Love n’est pas un mauvais album. Celui-ci ruisselle de moments de grâce et de beauté qui nous rappellent, au milieu de trop grandes longueurs, à quel point Sólstafir sait sublimer la froideur du pays qui l’entoure. Le problème n’est pas tant l’évolution, qui paraît être nécessaire dans le processus de compositions des musiciens. Ce serait même le contraire tant le groupe se révèle être bridé par l’attente qu’a son public de sa musique. A trop vouloir ménager les changements de ton, de tempos, on sent les Islandais comme enfermés dans un carcan propre, qui ne demande qu’à exploser. Alors tant qu’à faire, on ne peut que leur souhaiter de percer cette trop présente chrysalide pour être enfin libérés de ces chaînes qui semblent désormais les étriquer. 

Sólstafir - Endless Twilight of Codependent Love : sortie le 06 novembre 2020 chez Season Of Mist

Tracklist :

1. Akkeri
2. Drýsill
3. Rökkur
4. Her Fall From Grace 
5. Dionysus
6. Til Moldar
7. Alda Syndanna
8. Or
9. Úlfur

Bonus tracks
10. Hrollkalda Þoka Einmanaleikans
11. Hann For Sjalfur

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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