Les Ukrainiens de Jinjer ont été particulièrement actifs en 2020. En plus d'avoir donné des concerts dans une ambiance virale, avec masques et distances de sécurité, le quatuor a proposé le 20 novembre dernier un live de l'un des derniers concerts ayant eu lieu dans des circonstances normales : sa prestation pour le Knotfest de Melbourne le 5 mars 2020. Nous nous sommes entretenus avec Tatiana Schmailyuk, chanteuse du groupe, pour l'occasion.
Bonjour Tatiana et merci de permettre à La Grosse Radio de vous poser quelques questions. Jinjer a été créé en 2009 mais aucun des membres originels n'est resté. Sais-tu pourquoi ? Ont-ils essayé de revenir plus tard ?
Tatiana : C'est une longue histoire, et pour être honnête trop longue pour être racontée dans une interview. Mais ce que je peux dire c'est que pour Alive in Melbourne, Eugene [NDLR : Abdukhanov, le bassiste du groupe] a écrit un historique du groupe vraiment sincère et honnête, et qui concerne pratiquement tous les anciens membres. C'est un récit tellement touchant qu'il va falloir acheter ou voler l'album pour en connaître le contenu.
Lorsque tu as rejoint Jinjer, tu disais que tu voulais juste les dépanner pour quelques mois. Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis et décider de rester ?
Ca s'est juste passé comme ça je dirais. C'est mon job et le chemin que j'ai choisi et je suis contente que ce soit avec ces mecs.
Micro et Macro vous ont apporté une notoriété internationale. J'imagine que vous ne vous attendiez pas à cela. Comment expliques-tu que votre musique, qui est peut-être plus techniquement compliquée et progressive que d'autres, est appréciée à ce point ?
Je pense qu'au niveau du jeu, nous venons juste d'une direction complètement différente de celle de la plupart des groupes. La route pour sortir d'Urkaine n'est pas si facile et une fois que tu atteins l'Occident, le combat ne fait que commencer. Je pense qu'on peut ressentir cette lutte dans notre musique... Il y a une certaine pression qui est plus réelle que pour d'autres groupes. Ou nous sommes justes chanceux [rires].
Nous connaissons tous l'histoire, la tournée de Macro a été annulée à cause de ce fichu virus mais vous avez tout de même réussi à planifier quelques dates dans des circonstances particulières. Comment était-ce pour vous ? Plusieurs de ces concerts étaient complets, quelle est ta réaction quand vous atteignez le maximum de places vendues ?
Oui nous avons réussi à le faire et c'était génial et effrayant à la fois ! Vendre des places c'est bien mais ce n'est pas pour ça que nous l'avons fait. Nous avons déjà été complets plein de fois mais là c'était différent. Nous sommes venus et avons joué parce que nous avons vu cette opportunité comme la seule chance de ne pas faire de 2020 une année perdue et pleine de négativité. Nous l'avons fait pour nous mais aussi pour les fans, pour qu'ils puissent profiter de quelques moments comme avant la Covid. Nous l'avons fait pour les promoteurs, les équipes locales... C'étaient six jours vraiment mémorables !
Est-ce la même énergie venant de la foule lorsque tous les spectateurs sont assis et distants ?
C'était étrange et vraiment différent de jouer dans ces conditions mais l'énergie était si épaisse dans l'air que nous pouvions presque la toucher. Le public (et nous aussi) a attendu des mois pour que quelque chose comme ça ait lieu. Un petit signe que les choses peuvent et vont s'améliorer à nouveau.
Alive in Melbourne est un album live d'un des derniers concerts "normaux" dans le monde en 2020, cela le rend-il spécial ? L'auriez-vous fait sans ce contexte ?
Effectivement n'importe quel concert en 2020 est spécial et rare ! Ce live est littéralement le résultat de cette putain de pandémie. Nous l'aurions normalement juste diffusé sur Youtube et laissé comme ça. Mais avec le confinement qui durait, notre bassiste a décidé de sortir le concert complet sur le site du Knotfest comme quelque chose pour remonter le moral de nos fans. A cause de certains problèmes de droits, le stream était un désastre. Notre label [NDLR : Napalm Records] nous a alors demandé de le sortir physiquement. Je n'avais pas grand chose à voir avec cette décision mais j'en suis contente. Aucun de nous n'oubliera ce moment incroyable et maintenant nous avons un support pour nous en souvenir !
Pourquoi avoir choisi Melbourne ? Le public australien est-il spécial ? Ou ce concert était-il mieux que d'autres ?
Nous n'avons pas réellement choisi Melbourne, Melbourne nous a choisis [rires]. Non c'est juste que ce concert était enregistré. Nous avions aussi prévu d'enregistrer notre concert à Buenos Aires mais il a été annulé à cause de ce tsunami Covid. La foule à Melbourne était incroyable. Les gens étaient si gracieux et accueillants ! Mais pour être honnête, la plupart des endroits où nous jouons les gens sont tout simplement cool. Nous sommes un groupe chanceux d'avoir des supporters aussi géniaux !
Comment trouves-tu toute cette énergie sur scène ? Est-ce que tu te prépares pour ça, en ne buvant pas d'alcool ou en te couchant tôt par exemple ?
Hum... Vodka et peu de sommeil... [rires] Plus sérieusement, je suis toujours nerveuse avant chaque concert mais je pense que l'adrénaline mélangée avec l'énergie de la foule est ce qui nous motive. Il n'y a pas d'autre sentiment comme celui-ci, nous le faisons automatiquement !
Est-ce que tu as une chanson préférée à jouer en live ? Et y en a-t-il une que tu en as assez de jouer ?
J'aime toutes nos chansons ! J'aimerais que nous puissions TOUTES les jouer mais je pense que je ne survivrais pas à des concerts de trois heures tous les soirs pendant six semaines... Je pense que celle qui me dérange le plus maintenant est "Pisces", pas parce que je ne l'apprécie pas mais les gens semblent s'arrêter sur celle-ci alors que nous avons tellement de titres auxquels j'aimerais que les gens portent plus d'attention. Mais j'imagine que c'est normal de se concentrer sur un ou deux morceaux. Et je ne me plains pas car nous n'avons aucune chanson que les gens n'aiment pas [rires]... Prochaine question s'il-te-plaît !
Quels sont les plans de Jinjer pour ces prochains mois si la situation n'évolue pas ?
Paniquer ? [rires] Non nous avons beaucoup de choses à venir, beaucoup de plans B, C, D... Alive in Melbourne nous occupe pas mal, nous travaillons sur une vidéo sur Macro, Macro Anthology Video et nous avons bien avancé sur l'écriture du nouvel album. Mais je dois dire que s'il y a un groupe qui n'aura jamais aucun problème pour s'occuper, c'est JINJER !
Merci Tatiana, quelque chose à ajouter pour tes auditeurs français ?
Restez prudents et nous espérons vous voir en avril, ça fait beaucoup trop longtemps !
Propos recueillis le 23 novembre 2020 par mail.
Crédits photos : Javier Bragado pour la première, Oleg Rooz pour les deux suivantes.