Interview avec Wolf Hoffman d’Accept

Nous ne présentons plus Accept. Le groupe allemand fondé au début des années 70 par Udo Dirkschneider au chant (depuis remplacé par Mark Tornillo), et Michael Wagener, qui est maintenant leur producteur, sort son 16ème album ce mois-ci, Too Mean To Die. La tête pensante est depuis de nombreuses années Wolf Hoffmann, seul membre originel restant, connu pour son amour de la musique classique. Ce dernier a accepté de revenir avec nous sur l'actualité qui concerne Accept en ce début d'année 2021.

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Bonjour Wolf et merci de nous accorder de ton temps.

Wolf Hoffmann : Bonjour, merci à toi !

Nous allons évoquer les changements de line up dans le groupe avant d’attaquer le sujet de l’album.

Oooooh c’est chiant ! (rires)

Est-ce que cela signifie que Martin Motnik et Philip Shouse sont ennuyants ? (rires)

Non non je rigole ! Oui nous avons deux nouveaux membres dans le groupe, c’est assez excitant en fait. Philip Shouse est un guitariste qui vit à Nashville. Il a été sympa de jouer avec nous sur la tournée avec l’orchestre, la tournée Symphonic Terror en 2019 et nous avons découvert quel superbe guitariste il est et à quel point il est gentil. Il s’intègre bien dans le groupe. Nous avons alors décidé de lui demander de rester parmi nous après la tournée et nous avons maintenant trois guitaristes dans le groupe. C’est vraiment génial parce que ça nous permet de faire plus de choses sur scène que nous n’avions jamais faites. Il a également bien participé au nouvel album, donc c’est définitivement une bonne recrue.
Et bien sûr nous avons notre nouveau bassiste, Martin Motnik, également de Nashville bien qu’allemand. Il a voulu nous rejoindre lorsqu’il a entendu que Peter quittait malheureusement le groupe il y a deux ans et il a été choisi parce que c’est un excellent bassiste et à notre grande surprise il a aussi beaucoup contribué aux morceaux du dernier album. C’est génial car je demande à tout le monde de contribuer à l’écriture de l’album. Il était un de ceux qui a eu le plus d’idées et j’ai hâte de travailler à nouveau avec lui dans le futur.

Avant ça, Peter Baltes et toi écriviez la plupart des morceaux.

Oui, nous avons fait beaucoup de choses ensemble. Nous écrivions des choses séparément puis nous travaillions sur les morceaux ensemble. Cela dit, nous avons fait pas mal de choses individuellement également. Et maintenant que Peter est parti, je me suis retrouvé seul avec mes idées et c'était bien d'avoir quelqu'un comme Martin pour contribuer à l'écriture.

Peter a quitté le groupe il y a deux ans, quelle a été ta réaction quand tu as appris qu'il travaillait avec Udo sur son nouvel album ?

Pas de commentaires là-dessus. Je ne sais pas pourquoi il a fait ça et je ne veux pas spéculer là-dessus, il a probablement ses raisons. J'étais juste triste qu'il ait quitté le groupe car il était mon ami depuis si longtemps. Il l'est toujours même si nous n'avons plus aucun contact aujourd'hui. J'espère qu'il a pris une décision sage. Jusqu'aujourd'hui, je n'ai jamais eu l'opportunité de discuter de tout ça avec lui. Je suis triste, pas en colère. La vie continue, nous passons chacun à autre chose. La machine est en route et il n'y aucun moyen de la stopper. J'aurais espéré qu'il fasse toujours partie de notre projet mais il a fait un choix que je dois respecter.

Vous avez eu quelques soucis avec la production à cause du virus, vous avez dû tout arrêter puis vous avez dû travailler avec votre producteur, Andy Sneap, qui se trouvait en Angleterre.

Oui il était en Angleterre et nous étions tous aux Etats-Unis à Nashville au studio. C'était bizarre parce que la seule façon de travailler était avec Internet. C'était comme une visio sur Zoom, nous avons trouvé un moyen pour qu'il écoute les sessions d'enregistrement et il nous guidait après chaque enregistrement. Donc en gros nous appuyions sur les boutons à Nashville, nous enregistrions à Nashville, mais il était connecté et nous disait "Refaites-la !", "Faites ci", "Faites ça"... Nous l'écoutions puis lui envoyions les fichiers qu'il a pu mixer au final donc c'était un peu étrange mais ça a fonctionné. Parfois tu n'as pas le choix et tu dois faire en sorte que le travail avance. Notre plus grande peur avant cette crise avait été qu'Andy ne soit plus disponible parce qu'il aurait été en tournée avec Judas Priest mais à cause du Coronavirus il avait le temps.

Donc s'il avait été en tournée, vous auriez enregistré l'album plus tard ?

Nous ne savons pas. Nous n'avions pas planifié si loin mais nous nous sommes dit "Travaillons tant que nous pouvons et faisons avancer les choses, nous nous inquièterons plus tard".

Et le résultat est là et il est bon.

Ouais le truc c'est que nous avons eu un peu plus de temps pour réfléchir à tout ça, revenir sur les chansons parce que d'un seul coup nous n'avions plus de pression pour le temps. Enfin pas autant, nous savions que nous voulions être prêt pour l'automne mais d'un seul coup nous avons eu du temps, rien d'autre que du temps.

Vous avez dit que cet album n'a pas été influencé par ce contexte sanitaire, et Accept est connu pour ses paroles travaillées. Peux-tu nous en dire plus sur les paroles de cet album ?

Nous parlons toujours de sujets qui nous touchent, qui nous intéressent. Un morceau [NDLR : "Overnight Sensation"] parle de succès instantanés : c'est à propos de la génération Youtube et ses youtubeurs qui deviennent célèbre du jour au lendemain sans vraiment rien avoir fait de leur vie. Nous réalisons que c'est un monde complètement différent de l'époque où nous étions enfants. Nous avons grandi en apprenant des instruments, en répétant pendant des années pour en arriver là et aujourd'hui certains gamins deviennent célèbres du jour au lendemain.

Sur certains morceaux, Mark a écrit les paroles en premier, comme par exemple "The Undertaker". Il m'a envoyé quelques mots pour cette chanson et c'était écrit sous forme d'un poème sans aucune musique en tête et j'ai juste ajouté de la musique pour que ça corresponde. Bizarrement c'est plus facile pour moi dans ce sens. La plupart du temps j'écris de la musique puis je m'asseois et passe la main dans mes cheveux, enfin si j'en avais, [rires] et j'essaie de trouver des mots qui correspondent à cette musique et parfois c'est difficile.

Nous n'avons pas voulu écrire de morceaux liés au coronavirus, nous voulions un album normal qui aurait pu être écrit à n'importe quel moment et laisser nos auditeurs en profiter sans qu'ils aient à penser à cette crise. Cela passe déjà au journal tous les jours, les gens en ont probablement marre d'en entendre parler.

Tout le monde connaît ta passion pour la musique classique, tu as sorti deux albums solos reprenant des musiques classiques à la guitare électrique [NDLR : Classical en 1997 et Headbangers Symphony en 2016]. D'où te vient cette passion ? Quelles émotions t'apporte la musique classique ?

Je ne sais pas d'où ça vient. Je ne dirais pas que j'ai été éduqué dans le contexte du classique, je suis juste un observateur extérieur, un guitariste de heavy metal qui se trouve être friand de musique classique. Je les admire beaucoup, j'aime beaucoup voler des extraits et les transformer en morceaux heavy metal. C'est un sacré challenge et c'est très agréable quand ça marche. Tu montres juste une manière différente de jouer ces mélodies écrites pour des orchestres. C'est sympa d'expérimenter et adapter ça à la guitare électrique, y ajouter un groove de batterie et d'écrire des riffs d'accompagnement.

Dans cet album je l'ai fait sur deux morceaux. J'ai réussi à voler une mélodie à Beethoven et la mettre dans le morceau "Symphony of Pain". Cette chanson parle de l'histoire de Beethoven lui-même, ça parle en quelque sorte de son combat avec la surdité. Et il y a évidemment le morceau "Samson and Delilah" qui inclut deux compositions qui viennent de "Samson et Dalila" [NDLR : opéra de Camille Saint-Saëns] et "Nouveau Monde", la symphonie n°9 d'Antonin Dvorak. Ce sont deux morceaux complètement différents que j'ai raffistolés ensemble.

Comment te viennent ces idées ? Est-ce qu'en écrivant un morceau tu te dis "tiens je devrais mettre du classique ici" ou alors une fois le morceau écrit tu te dis plutôt "tiens j'aurais du mettre du classique là" ?

Je ne sais pas vraiment, je ne sais jamais d'où ces idées viennent. Tu t'asseois, tu jammes, tu enregistres et soudainement tu trouves quelque chose qui marche. Mais d'où ça vient ? Je ne sais jamais vraiment. Pour moi c'est la partie magique de la composition. J'adore ça !

Votre dernier concert remonte à un festival au Brésil en décembre 2019. Qu'as-tu fait en 2020 à part cet album ?

L'album nous a pas mal occupés mais comme tout le monde dans le groupe et tout le monde sur Terre j'en ai profité pour rester à la maison, réfléchir à ma vie et faire des choses que tu ne fais normalement pas par manque de temps. J'ai trouvé du temps pour me débarrasser de mes vieux instruments car soudain je n'avais plus d'excuses pour repousser. J'ai donc trouvé du temps pour prendre des photos, les poster en ligne et les vendre. J'imagine que beaucoup de monde a eu du temps pour repeindre le séjour, ou trier de vieux albums photos, ces choses que tu veux toujours faire mais dont tu ne trouves jamais le temps. Nous avons tous affronté le Corona de différentes manières.

Si on oublie toute cette crise, j'imagine que vous voudriez partir en tournée pour promouvoir l'album. Y a-t-il un lieu en particulier où tu n'es jamais allé et où tu aimerais aller ?

Oui, quelques uns en fait. En Chine, en Inde. En Afrique également. Tu penses toujours que tu voyages à travers le monde en tant que groupe de metal mais en fait pas du tout. Il y a tant de lieux qui sont juste vides sur une carte du metal. Je ne pense pas que nous irions en Afrique par exemple parce que ce n'est pas un continent où il y a beaucoup de metal. Il y a par contre quelques festivals metal en Inde donc qui sait ? La Chine s'ouvre un peu plus mais bon...

Quelle est la playlist actuelle de Wolf Hoffmann ?

Elle est vide, je n'écoute rien. Personnellement je n'écoute pas beaucoup de musique, je n'ai pas besoin de musique dans ma vie chaque jour. Je suis complètement différent de tous mes amis et tout mon entourage, la plupart des gens ont constamment de la musique dans les oreilles, mais j'apprécie beaucoup le silence. Quand je veux écouter de la musique, je mets du classique. J'aime aussi ne pas entendre de musique du tout, car je travaille tellement sur la mienne que je ne veux pas en entendre d'autre, particulièrement d'autres musiques de metal.

Ah bon... (rires) Ma prochaine question va paraître bizarre alors, mais qui verrais-tu en remplacement des géants tels que Metallica, Iron Maiden ou autres dans le futur ?

Qui ? Je ne sais pas vraiment. Même Metallica ou Iron Maiden sont toujours assez jeunes comparés aux premiers groupes de metal ou de hard rock. Pour moi la première génération comprenait Deep Purple, Uriah Heep, Status Quo, Queen, tous ces groupes qui sont arrivés à la fin des années 70. La seconde vague est arrivée au début des années 80 avec Iron Maiden, Accept, Saxon, Metallica. Je pense qu'il reste toujours quelques années avant qu'ils pensent à se retirer. Peut-être qu'il leur reste 15-20 ans de carrière, qui sait ?

Mais tu te demandes toujours, qui arrivera après eux ? Mais je pense que n'importe qui peut prendre cette place, je suis assez confiant sur le fait que le metal va exister encore pour très très longtemps. Moi par exemple je ne veux jamais partir à la retraite. On me demande parfois : "Pendant combien de temps tu comptes encore faire ça ?" et je réponds toujours que je veux mourir sur scène à 95 ans.

Mais tu es toujours dans la vingtaine donc c'est bon !

Exactement ! Et aussi je suis trop méchant pour mourir [NDLR : Too Mean To Die en anglais] ! [rires]

Quelque chose à ajouter pour les fans francophones d'Accept ?

Salut les Français, veuillez acheter le nouvel album d'Accept s'il-vous-plaît ! [rires] Sérieusement, je suis super content que nous ayons toujours tous ces fans partout dans le monde et j'espère pouvoir les revoir rapidement. En attendant, j'espère que vous apprécierez notre dernier album qui vous tiendra éloigné de toute cette crise sanitaire. "Until we meet again, au revoir !"

Propos recueillis le 10 novembre 2020 via Skype.



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