Il y a un peu plus de deux décennies, Dream Theater sortait ce que beaucoup considèrent encore aujourd'hui comme un chef d'oeuvre du metal progressif, Scenes From a Memory. Avec cet album-concept, le quintette américain avait su redonner un coup de fouet à sa carrière, en intégrant également à l'époque Jordan Rudess aux claviers. Vingt ans après, Dream Theater n'a plus tout à fait le même visage, Mike Portnoy, membre fondateur et batteur historique du groupe a cédé sa place à Mike Mangini, et les albums du groupe ne fédèrent plus autant sa fan-base qu'auparavant. Mais le groupe ne pouvait pas manquer l'anniversaire de cet album culte, et a choisi de le rejouer en intégralité sur scène, lors d'une tournée ayant eu lieu à l'hiver 2020. Alors qu'aujourd'hui les concerts manquent cruellement, replongeons-nous dans le témoignage audio et vidéo de ces concerts donnés à l'aube de la pandémie de Covid-19 avec ce Distant Memories, récemment sorti chez Inside Out.
La tentation de comparer ce nouveau live de Dream Theater avec le Live Scenes From New-York, documentant la tournée mondiale de 2000, est grande. En effet, ce dernier constitue l'un des albums live préférés des fans, en raison d'une setlist XXL, centrée autour de Scenes From a Memory, bien sûr, mais également des pièces épiques du groupe telles que "A Change of Seasons" ou "Learning to Live". En 2020, sur ce DVD shooté à Londres, le combo met également l'accent sur Distance Over Time, son dernier opus en date, au cours du premier set. Alors que cet album ne nous avait pas totalement convaincu, la version live permet de mieux en apprécier les titres comme "Barstool Warrior" ou "Fall Into The Light" sur lequel le public accompagne bien le groupe sur le solo de John Petrucci. Premier constat, la voix de James Labrie apparaît légèrement en retrait dans le mix mais toujours précise, ce dernier étant souvent pointé du doigt pour sa justesse parfois approximative en live. On peut toutefois lui reprocher une interprétation parfois maniérée sur certains passages comme l'introduction de "Fatal Tragedy".
Les Américains ont également eu la bonne idée de présenter des morceaux moins souvent interprétés en concerts, comme "A Nightmare to Remember" ou "In the Presence of Enemies", que l'on apprécie dans ce contexte. Mais c'est réellement l'interprétation de Scenes from a Memory qui donne tout l'intérêt à ce live. On retrouve ainsi un groupe appliqué et bien plus professionnel qu'il y a vingt ans : le témoignage vidéo montre un groupe toujours aussi peu mobile sur scène mais la qualité de l'image et des choix de production évitent les images psychédéliques présentes sur le DVD du Live Scenes From New-York, ce que les fans apprécieront. Visuellement, les plans sur les musiciens permettent à tout le monde de profiter de la technique irréprochable de John Petrucci, John Myung, Jordan Rudess et Mike Mangini ("The Dance of Eternity"). Le combo a également fait le choix d'intégrer une animation illustrant le concept, pour un rendu visuel de qualité ("Scenes Live Intro", "Home", "Through My Words" et son hommage rendu à des artistes décédés comme Bowie, Randy Rhoads ou Chris Squire).
Toutefois, au jeu des sept différences avec le Live Scenes from New York, on ne peut que constater qu'il manque un petit grain de folie à l'interprétation très propre de l'album. Le solo final de guitare de John Petrucci sur "Through Her Eyes" n'est pas reconduit, le groupe se contentant d'une version trop proche de la version studio. Les invités présents il y a vingt ans (un choeur gospel accompagnait le groupe sur "The Spirit Carries On" et un acteur jouait le rôle du thérapeute du concept) sont cette fois-ci absents. De même, on regrette le final de "Finally Free" dans sa version new-yorkaise : le solo de batterie de Mangini en contretemps et polyrythmie donne la désagréable impression que le batteur est en décalage avec le reste du groupe, là où son prédécesseur servait bien mieux la composition. Hormis ces quelques reproches, le quintette réalise une prestation quasiment sans faute, parfois trop propre, mais bien plus professionnelle qu'il y a vingt ans, à l'image de son évolution musicale. L'efficacité des morceaux et la nostalgie aidant, il est difficile de résister à des thèmes comme ceux de "One Last Time", où à des titres comme "Home" ou "Fatal Tragedy".
La version londonienne de 2020 de Scenes from a Memory montre un combo plus sage et plus expérimenté qu'il y a vingt ans, moins surprenant peut-être. Même si l'on peut toutefois lui préférer le Live Scenes from New-York, plus émotionnel et à la setlist parfaite, ce Distant Memories constitue toutefois le meilleur témoignage scenique audio/vidéo de la période Mangini, à travers une image et une mise en son de qualité, ainsi qu'une setlist osée, écartant tout titre antérieur à 1999. Les amateurs du groupe en manque de concerts apprécieront certainement !
Tracklist :
Untethered Angel
A Nightmare To Remember
Fall Into The Light
Barstool Warrior
In The Presence of Enemies Pt 1
Pale Blue Dot
Scenes Live Intro
Regression
Overture 1928
Strange Déjà Vu
Through My Words
Fatal Tragedy
Beyond This Life
Through Her Eyes
Home
The Dance of Eternity
One Last Time
The Spirit Carries On
Finally Free
At Wit's End
Paralyzed
Déjà disponible chez Inside Out
Photographie : © Mark Maryanovitch