Wintersun – Time I

Tout ça pour ça?

Attendu de pied ferme par quelques irréductibles fans, le nouveau Wintersun est enfin disponible. Huit ans après le premier, et unique, album, Jari Mäenpää et ses compères reviennent avec la première partie d’un projet qui tiendra finalement sur deux disques. En attendant le deuxième, prévu courant 2013, Time I propose une mise en bouche qui, après écoute, provoque trois sentiments : frustration, déception et arnaque. Comme dirait l’autre, c’est mal barré.

Avant d’entrer dans les entrailles de la bête, il convient de la présenter et de rappeler le contexte dans lequel elle débarque. Time I  est le deuxième album de Wintersun, groupe death-mélodique-folk fondé en 2004 par celui qui était dans le même temps chanteur et guitariste d’Ensiferum : Jari Mäenpää. Suite à son départ d’Ensiferum la même année, Wintersun devient son projet à plein temps et il ne chôme pas pour sortir, toujours en 2004, Wintersun, album culte de la scène death-folk. Célèbre également pour sa superbe pochette, il est aujourd’hui difficile à trouver dans les crémeries, plutôt rare et prisé pour sa qualité. Car il faut dire que Jari Mäenpää avait livré dix pistes mélangeant habilement et intelligemment la puissance du heavy à l’euphorie du folk et avait permis à la bande de se hisser au même rang qu’un Moonsorrow et autres Ensiferum. Fort du succès de Wintersun Jari Mäenpää se met à plancher sur un deuxième album annoncé pour 2007 et finalement maintes fois repoussé jusqu’à aujourd’hui.

Pourquoi une telle attente ? Dans une interview accordée au mensuel RockHard, le musicien invoque plusieurs raisons. La première serait un problème d’ampli qui n’aurait été remarqué que lors du dernier mixage et aurait obligé à tout recommencer. Des ennuis techniques auxquels se seraient ajoutés quelques soucis de moyens. Un point à souligner également, Jari Mäenpää avoue dans cette même interview que l’ensemble devait durer 80 min et que le mixage aurait engendré une « dépression nerveuse ». Autre aveu, celui d’un ultimatum fixé par Nuclear Blast qui aurait menacé, en 2010, Mäenpää de publier les démos sans son accord. Voici donc les théories, fumeuses, qui expliqueraient l’attente et surtout le fait que ce disque sorte en deux temps. Une attitude plutôt douteuse et cela d’autant plus face à la qualité de cette première sortie.

Wintersun, Time I

Il est temps maintenant de décortiquer ce Time I qui, autant briser la glace, s’avère médiocre. Première constatation assez inquiétante : une tracklist composée de seulement cinq morceaux de trois à treize minutes. Un nombre aussi modeste peut laisser imaginer une sortie précipitée. L’introduction symphonique, « When Times Fades Away » n’est pas mauvaise, loin de là. Magnifiquement orchestrée et épique, cette composition n’a rien à envier au travail d’un certain Hans Zimmer. Belle mais longue (plus de 4 min), c’est surtout par son manque de mélodies folks que cette introduction laisse dubitatif.

Les doutes se confirment après la première écoute de « Sons of Winter and Stars » qui est une bouillie incohérente, maladroite et déstabilisante de treize minutes. À vouloir être trop ambitieux, Wintersun en fait trop. Les passages s’enchaînent et ne ressemblent malheureusement pas. Voix gutturales côtoient chants clairs et lyriques pour un résultat qui n’est pas des plus efficaces. Même constat pour la musique : la rythmique, et surtout la batterie, se retrouve noyée dans un océan de claviers et de symphonies qui s'enchaïnent sans réelle logique. Un morceau qui, en dépit de proposer certains passages épiques à hérisser chaque poil de son corps, est franchement indigeste. Le principal défaut restant la prépondérance de symphonie au détriment du folk qui apportait beaucoup d’énergie au premier album.

Le troisième acte, « Land of Snow and Sorrow », se révèle tout de même plus carré et plus proche du précédent travail de Wintersun mais conserve ce côté « n’importe quoi » étalé sur 8 minutes. « Darkness and Frost », est le grand frère de «When Times Fades Away ». Un petit interlude de deux minutes qui aide à faire digérer les compostions précédentes et qui est étrangement bien sympathique. Et c’est à ce moment que les auditeurs mauvaises langues, ou objectifs, se diront que les compositions orchestrales de Time I  dominent les titres metal. Quant au dernier espoir que représente « Time », il s’envole bien vite puisque le morceau est dans la continuité  de « Sons of Winter and Stars » à savoir long, granguignolesque et manquant de punch. Un morceau de douze minutes trop long qui vient mettre un terme à une production finalement trop courte. Un seul mot vient à la bouche après écoute complète de ce Time I  : frustration.

Frustré de se dire que le nouveau Wintersun, et ses bonnes idées, aurait pu être un voyage musicale très agréable. Vouloir absolument rouler sur la bonne vieille recette couplet/refrain/solo est une chose, le maitriser en est une autre. En laissant la part belle à la symphonie, Jari Mäenpää a oublié qu’il était également attendu pour quelque chose de puissant et metal. Frustré également face au contenu quelque peu rachitique qui ne propose au final que trois compositions heavy et ramène la durée à 32 min. Vient donc s’ajouter le sentiment d’avoir été arnaqué soit à cause des trop grandes ambitions du compositeur soit parce que Nuclear Blast a perdu patience et qu’il fallait donc sortir quelque chose, d’où une œuvre bâclée. Dans tous les cas, l’attitude des deux protagonistes est plus que discutable surtout quand le résultat est aussi maladroit. L’acheteur tranchera.

Wintersun, Time I, Time II

Si la note finale paraîtra sévère, c’est avant tout parce qu’elle s’adresse aux fans de Wintersun qui ont patiemment attendu pendant huit ans. Pour ces derniers, la déception sera inévitable car  Time I n’a rien à voir avec son grand frère paru en 2004, qu’il est court et manque énormément de puissance. En revanche les amateurs de musique bien épique pourront se laisser tenter et ainsi rajouter un point, ou deux s’ils ont vraiment la dalle, tout en gardant à l’esprit qu’ils paieront le prix fort pour une œuvre incomplète. Dans tous les cas une chose est certaine : Time II  aura du boulot, beaucoup de boulot.

 

NOTE DE L'AUTEUR : 4 / 10



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