Après une trilogie conceptuelle ayant permis à Evergrey de redorer son blason (Hymns for the Broken, The Storm Within, The Atlantic), les Suédois ont mis à profit le temps dégagé par la crise sanitaire pour composer leur douzième album. Escape of the Phoenix est un album typique d'Evergrey : mélodies superbes, spectre mélancolique, voix expressive de son leader naturel, tout y est pour faire de ce cru 2021 un bon album des Suédois, malgré certains tics de compositions inévitables.
Evergrey est un combo aux multiples facettes. Outre l'art du spleen qui se dégage de ses compositions depuis ses débuts, le quintette maîtrise également à la perfection ceux de l'efficacité mélodique et de la puissance. "Forever Outsider" le prouve aisément et s'inscrit dans la lignée des très bons titres d'ouverture que les Suédois proposent à chaque album ("Distance" sur The Storm Within, "A Silent Arc" sur The Atlantic, "King of Errors" sur Hymns for the Broken, ou si l'on remonte plus loin encore, "A Touch Of Blessing" sur The Inner Circle). De même, "Where August Mourns" ou encore "Eternal Nocturnal", tous choisis comme singles pour représenter cet album restent également dans cette veine et trouvent le juste équilibre entre émotion (la sensibilité dégagée par la voix de Tom Englund montre un leader à fleur de peau), énergie et profondeur. La grande force des Suédois a toujours été de trouver la ligne de chant qui fait mouche, et qui se retient instantanément, et c'est une fois de plus le cas tout au long de l'album ("Run", "Where August Mourns", "Forever Outsider").
"The Beholder" donne l'occasion aux Suédois d'inviter James Labrie à collaborer avec eux. Si la participation du chanteur de Dream Theater n'apporte pas une très grande valeur ajoutée au morceau, sa voix s'avère plaisante sur ce titre qui le sort de sa zone de confort et se marie très bien à celle d'un Tom toutefois plus expressif. La principale surprise de ce titre, c'est qu'il se rapproche d'ailleurs bien plus de la discographie solo de Labrie que d'un titre d'Evergrey ou de Dream Theater.
Inévitablement avec Evergrey, on retrouve de nombreuses ballades, à la manière de ce que Tom propose sur son side project Silent Skies ("In Absence of Sun", "You From You", "Stories"). Si cet exercice n'a toutefois pas toujours été réussi chez les Suédois (on se rappelle de "The Paradox of the Flame" sur The Storm Within ou de "Stories" sur le présent opus), la plupart des ballades présentes sur ce douzième album sont pourtant solides et souvent magnifiées par un grand Tom Englund, à la guitare (le solo guilmourien de "You From You" en témoigne) comme au micro. "In Absence of Sun" s'inscrit d'ailleurs parmi les meilleurs titres de cet album : piano inquiétant, chant habité, seconde moitié de titre plus puissante et surtout solo de guitare aérien, tout y est. En parlant de solo, impossible de passer sous silence la complémentarité des deux guitaristes, Henrik Danaghe et Tom Englund lui-même, qui offrent deux visions de l'instrument, toujours dans le but de servir au mieux les titres ("Eternal Nocturnal", "In Absence of Sun").
Malgré une grande part de ballades/power ballades dans ce recueil de compositions, Evergrey reste un combo de metal avant tout et si la mélodie est toujours présente, la double pédale de Jonas Ekdahl (batterie) n'hésite pas à faire parler la poudre comme sur "Run", "Dandelion Cipher" ou "Escape of the Phoenix", ce dernier constituant probablement l'un des titres les plus heavy de l'album et probablement l'un de ceux que l'on a le plus hâte d'entendre en live. On peut toutefois regretter que le batteur n'offre pas un peu plus de variation dans ses plans, souvent construits de manière similaires ("Eternal Nocturnal", "Leader Saint", Dandelion Cipher") même s'ils font désormais partie de la signature sonore d'Evergrey. La batterie aurait également gagné à sonner de façon plus naturelle, les trigs dominant parfois l'espace sonore ("Eternal Nocturnal", "Leader Saint").
Parmi les titres moins aboutis, notons un "Leader Saint" qui ne sort pas du lot ou encore la power ballade "Stories", qui démarre comme un titre de Silent Skies avant un refrain plus puissant (formule largement éculée par Evergrey et une pléiade d'autres groupes). On lui préférera sans doute les deux autres ballades précédemment mentionnées, "In Absence of Sun" ou "You From You", dans la lignée du très bon "The Impossible" (The Storm Within).
Mais dans l'ensemble, malgré des gimmicks de composition récurrents (ces discrètes lignes de synthé qui apportent une touche parfois glaciale comme sur "The Beholder" ou "Where August Mourns"), Escape of the Phoenix est un bon album d'Evergrey. Soutenu par la voix d'un Englund une fois de plus magistral sur l'ensemble des titres, ce douzième opus porte clairement l'empreinte d'Evergrey, et prouve que le quintette suédois possède une personnalité bien affirmée. Comme le mentionne Tom dans notre récente interview, Evergrey n'est pas un "gros groupe et ne peut que continuer son ascension". C'est tout le bien qu'on lui souhaite, mais Escape of the Phoenix ne peut qu'aller dans ce sens et permettre au combo d'enfin obtenir la reconnaissance qui leur est due.
Tracklist :
Forever Outsider
Where August Mourns
Stories
Dandelion Cipher
The Beholder
In Absence of Sun
Eternal Nocturnal
Escape of the Phoenix
You From You
Leader Saint
Run
Disponible le 26 février chez AFM records
Photographie promotionnelle : DR.