Dans la famille rétro rock, si vous demandez les enfants prodiges, pas de doute : il s’agit de la jeune formation nordique The Vintage Caravan, qui, déjà, sort son cinquième album. Connu et reconnu pour des prestations live enflammées et un son vintage, donc, entre rock classique, psychédélique et proto-heavy, l’hyperactif trio islandais devait rester fidèle à son ADN tout en évitant la répétition confortable d'une recette seventies devenue tendance chez bon nombre de groupes aujourd’hui. Avec Monuments, la caravane ne fait pas que rassurer. Gonflée à la puissance et au groove, elle poursuit son périple sur les chemins nostalgiques tout en négociant avec brio quelques virages progressifs, bluesy et même poétiques.
En une dizaine d’années d’existence, le bouillonnant combo The Vintage Caravan s’est bâti une solide réputation grâce à des performances live musclées et inspirées sur les scènes internationales (dernièrement, la tournée avec Opeth les a d’ailleurs emmenés sur la scène de l’Olympia), et a su s’élever au rang de référence dans un genre protéiforme, celui du rétro rock, ne faisant mentir ni son nom, ni le style vestimentaire chamarré qu’arborent les trois membres du groupe.
Aucun doute, sur le dernier effort, Monuments, la marque de fabrique de la formation islandaise est bien là, plus puissante que jamais : ce classic rock au parfum vintage, efficace et groovy, délivré de façon directe et entraînante, à coups de riffs meurtriers et de grosse rythmique. Stoner et heavy rock sont à l’honneur dans des titres rythmés comme "Said & Done" ou "Dark Times", l’occasion de montrer le chant toujours aussi inspiré d'Óskar Logi Ágústsson, les accords de guitares bien lourds rappelant Deep Purple ou Black Sabbath, agrémentés de passages psychédéliques et portés par la basse omniprésente pour parachever l’effet seventies. Avec un groove aussi enlevé qu’efficace, un solo dément et une construction finalement pas si simple qu’il n’y paraît, par touches subtiles, on sent les Islandais en pleine maîtrise sur le single "Whispers".
Cependant, tout n’est pas vintage dans le son du trio. Les onze morceaux de Monuments sont mis en valeur par des arrangements ingénieux, et une production tout en puissance et en densité. L’équilibre entre les trois protagonistes est sans cesse respecté, au service du groove et de mélodies accrocheuses au possible. Difficile de ne pas être happé par le refrain à la mélodie irrésistible dans le bondissant "I Can’t Get You Out Of My Mind", ponctué par Stefán Ari Stefánsson, magistral derrière les fûts. Toutefois, efficacité ne rime pas forcément avec simplicité ici. Tout est travaillé, du son lourd et ronflant à la subtilité de la rythmique, sans oublier un solo épique et ces lignes de basse géniales d’Alexander Örn Númason, s’imposant à chaque seconde.
Le côté bouillonnant et éruptif – so Icelandic – laisse parfois place à des moments de tendresse bienvenus. The Vintage Caravan se la joue sentimental dans la ballade "This One’s For You", sur laquelle la batterie feutrée et les accords discrets mettent en valeur l’interprétation sincère d’Óskar au chant. Ce sont des volcans, ou plutôt des montagnes russes d’émotions qui nous attendent sur "Torn in Two". Une rythmique enlevée et un solo inspiré laissent place à un passage intimiste, délicat et bluesy, avant de repartir dans des riffs à la Led Zep - dont l’esprit n’est pas loin, ni celui d’un certain Hendrix d’ailleurs, sur nombre de passages de Monuments.
Dans le single "Crystallized", évoquant la détresse d’un personnage perdu dans les grandes étendues désertiques d’Islande, on retrouve ainsi un riff entêtant, un refrain accrocheur et un groove imparable, mais encore une fois, l’espiègle trio n’en reste pas là. La fraîcheur vient des nuances et variations rythmiques, portées d’abord par petites pointes discrètes, puis par le break complètement blues-jazz, où Óskar s'adonne à un nouveau solo à la construction intrigante et très particulière. Une franche réussite que ce titre alliant la délicatesse à l’explosivité, servi par une mélodie efficace au possible.
Le trio, plus qu’à l’aise dans ces réalisations variées, s’autorise enfin des incursions franches dans les univers progressifs, sur deux morceaux dépassant les huit minutes. La force et les belles harmonies de l’énergique "Forgotten" révèlent pourtant beaucoup de subtilités. Le riff en spirale se répète et s’enrichit d’ornements rythmiques, d’un solo en stéréo, d’un refrain psychédélique, pour une montée en puissance impressionnante.
L'ultime morceau, "Clarity", se pose comme un voyage atmosphérique pour l’auditeur, porté par les accords doux de guitare classique et les nappes de synthés, que le chant éthéré vient agrémenter d’une dimension poétique. Cette subtile intro-ballade laisse place, après cinq minutes, à un nouveau tableau tout en énergie, rythmique et riffs mettant en valeur une mélodie prenante, superbe, de concert entre basse, guitare, et le chant en harmonie d’Óskar et Alexander. C'est sur cette épopée prog, à la fois planante et intense, que toutes les pérégrinations de Monuments trouvent une conclusion, mais également une cohérence, un liant singulier.
Sans révolutionner le genre de façon franche ni dévoyer son identité rétro, The Vintage Caravan montre ici une palette suffisamment nuancée, riche et maîtrisée pour balayer les quelques inquiétudes ayant pu surgir avec le précédent opus, Gateways (2018), solide et bien réalisé mais manquant parfois d’audace ou de mordant.
La démarche ne se réduit pas à un simple désir, creux, de surfer sur une tendance au revival. Le « vintage » de cette caravane islandaise s’apparente plutôt à un hommage appuyé à la subtilité et à la modernité d’une époque où distorsion des guitares et mélange des genres ont été les pierres angulaires d’une révolution dans le monde de la musique. Remis au goût du jour et teinté de volcanisme tout islandais, que ce soit en revisitant le classic rock de façon éruptive ou en agrémentant des ambiances heavy rock à la sauce progressive, ce néo-rétro irradie dans Monuments, qui possède de sérieux atouts pour faire date dans la discographie de The Vintage Caravan. Souhaitons désormais que le sympathique trio puisse au plus vite défendre ces compositions efficaces et puissantes dans son élément naturel : sur scène.
Tracklist de l’album Monuments :
01. Whispers (3:44)
02. Crystallized (5:46)
03. Can't Get You Off My Mind (4:39)
04. Dark Times (4:44)
05. This One's For You (4:53)
06. Forgotten (8:11)
07. Sharp Teeth (5:30)
08. Hell (4:42)
09. Torn in Two (5:32)
10. Said & Done (4:30)
11. Clarity (8:15)
Line-up The Vintage Caravan :
Óskar Logi Ágústsson – chant, guitare
Alexander Örn Númason – basse, choeurs
Stefán Ari Stefánsson – batterie
Monuments, cinquième opus de The Vintage Caravan, sort le 16 avril 2021 via Napalm Records.