On avait quitté End Of Mankind fin 2019, après la sortie de Faciem Diaboli retraçant le phénomène des recluses* dont le point de départ avait été la lecture de Je, François Villon de Jean Teulé. L’ouvrage de fiction relatait la vie et les méfaits de François de Montcorbier dit Villon, poète français de la fin du moyen âge mais aussi membre des Coquillards, une confrérie de brigands sanguinaires.
En 2020 après une année « blanche » sans tournée, End Of Mankind opère un changement radical de line-up avec Volodia à la batterie et Gasha à la basse afin de commencer l'écriture d'un nouvel album, Antérieur à la Lumière, inspiré par l’ouvre de Pierre Soulages. Ce dernier est né en 1919 et est associé depuis la fin des années 1940 à l'art abstrait. Il est particulièrement connu pour son usage des reflets de la couleur noire, qu'il appelle « noir-lumière » ou « outrenoir ».
End of Mankind nous propose ainsi un voyage « au-delà de l’obscurité », dans les chemins les plus sombres tracés par l’Homme en commençant par « 1957 », un extrait du discours d'Albert Camus quand il avait reçu son Prix Nobel de Littérature sur un fond musical inquiétant.
Les paroles inquiétantes sont d’actualité et mettent en parallèle notre monde avec celui de Camus : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde […] Elle consiste à empêcher que le monde se défasse […] les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression […] Devant un monde menacé de désintégration […] et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. »
La brutalité des premières mesures de « Temporary Flesh Suit » nous rappelle qu’on a affaire à un black metal brutal et entrainant fait de rebondissement au travers d’une rythmique impressionnante et variée. La voix de Anxiferath est toujours aussi écorchée et entrainante au travers de textes en français avec une minutie musicale jusqu’à la dernière seconde du titre.
Les guitares de Ghoulaxe et de Nesh donnent un cadre inquiétant et bien noir à « La peste dansante » d’actualité avec une mélodie étourdissante dans les dernières mesures qui devient une transition parfaite au chant crié « Je suis antérieur à la lumière » entrecoupé de breaks parlés de Quai des Orfèvres sur « Outrenoir ».
La plage musicale « Géhenne » nous permet de respirer avant l’avalanche de blasts qui nous tombe dessus juste après (« Golgotha »). A nouveau la mélodie tout en ambiance des guitares sur « Opponent Deity » nous permet de décoller vers des stratosphères déjà englouties par des trous noirs musicaux pour nous emmener jusqu’à de légères notes de saxo. Il en est de même avec « Step Towards Oblivion » chanté en anglais où les plages musicales sont aussi tout en délicatesse. Enfin, la mélodieuse instrumentale « Le Boël » aux relents « post black metal » clôt l’album dans une ambiance pesante qui nous permet de nous poser des questions sur notre période sombre et anxiogène.
Avec Antérieur à la Lumière, End of Mankind nous propose une œuvre très sombre et inquiétante. Bien que la musique soit du black metal et que cette dernière soit rarement optimiste, la pandémie a peut-être accentué la noirceur de l’Homme perçue par le groupe. Entre la brutalité des accélérations et les moments plus contemplatifs, les Français mettent en lumière « clair-obscur » une humanité à l’agonie.
*La recluse était emmurée dans un cube de maçonnerie humide et étroit avec l’impossibilité de s’y mouvoir. Les « recluseries » étaient des petites loges situées à l’entrée des villes ou des cimetières. Elle n’en sortait qu’à l’état de cadavre. Le rôle de la recluse était d’être en communion avec Dieu, afin d’épargner à la cité tous les maux (guerres, famines, épidémies).
Setlisting :
1957
Temporary Flesh Suit
La peste dansante
Outrenoir
Géhenne
Golgotha
Opponent Deity
Step Towards Oblivion
Le Boël
Album déjà sorti chez Mallevs Records
