Quatrième album pour les sorcières suisses du heavy metal, et premier depuis l’arrivée de Larissa Ernst à la guitare. Le titre, The Witch of the North, annonce la couleur : il va beaucoup être question de mythes nordiques, thème traditionnel du metal s’il en est, ici essentiellement sous le prisme des personnages féminins.
Sur ses trois premiers opus, le quintette de Burning Witches officiait dans un registre de heavy metal tout ce qu’il y a de plus traditionnel et diablement efficace. Nulle révolution à attendre sur The Witch of the North, et le groupe l’assume dans le communiqué de presse comme dans ses interviews : bercé par Judas Priest, Iron Maiden et consorts, il est là pour porter la flamme du heavy des années 80.
On est donc en terrain connu dès les premières écoutes : que ce soit dans les mélodies, les structures des morceaux, les arrangements, les nombreux soli, chaque morceau sonne comme un modèle de heavy. Pourtant, ce classicisme assumé n’empêche pas de se prendre des claques, dès le début de l’album. Le triptyque d’introduction « The Witch of the North » / « Tainted Ritual » / « We Stand as One » offre des morceaux épiques aux refrains ultra puissants, qui emportent tout sur leur passage et sont incontestablement faits pour être hurlés en concert. Quand le premier est très traditionnel, le deuxième s’aventure dans des sonorités plus agressives, et le troisième adopte un rythme très martial qui devrait conquérir le public sans difficultés. Déception avec l’introduction de « Flight of the Valkyries », une ballade heavy metal convenue, avec des « wouhouhou » cliché et affectés. Mais il s’agit d’un leurre : la ballade se mue après moins d’une minute en une nouvelle déflagration enragée, et « The Circle of Five » qui suit est à l’avenant.
La technique est là, mais les sorcières n’oublient jamais de l’accorder à une vraie musicalité, offrant des morceaux solides formellement qui en même temps accrochent l’oreille et retiennent l’attention. La nouvelle guitariste soliste Larissa Ernst s’intègre d’ailleurs parfaitement dans ce schéma : la shreddeuse, arrivée en 2020, enchaine les soli et les effets virtuoses, mais toujours avec un grand sens de la mélodie, et domine l’ensemble.
Sur cet album, les Suissesses osent tout de même faire montre de plus d’agressivité sur certains passages, pour sortir du pur heavy, et cela leur va extrêmement bien. On a parfois droit à des passages de blast (Lala Frischknecht, parfois un peu primaire sur certains passages, mais capable d’explosions de violence et de cavalcades échevelées clairement réjouissantes). La basse de Jeanine Grob et la guitare rythmique de Romana Kalkuhldonnent aussi parfois dans des sonorités plus agressives et plus saturées.
Et la nouvelle chanteuse Laura Guldemond, dont c’est le deuxième album avec le groupe, propose une palette variée. De prime abord, sa voix est puissante sans être exceptionnelle, et elle semble forcer un peu sur certaines montées dans les aigus clairs. Cependant, elle compense plus que largement avec des descentes dans les graves beaucoup plus prenantes, un chant qui flirte souvent avec le saturé, ce qui renforce les ambiances agressives, voire s’aventure carrément dans le growl avec un franc succès. Elle est capable à l’occasion de montrer de vraies facultés d’interprétation, sonnant presque comme possédée sur « We Stand as One », ou donnant une couleur pas loin d’un cabaret des horreurs dans « Circle of Five », où l’on croit entendre une sorcière qui apporterait néanmoins beaucoup de variations dans son chant.
Une interprétation qui colle avec les thématiques abordées dans cet opus. Le quintette continue de s’intéresser aux personnages féminins dotés de pouvoirs surnaturels, et se focalise avec Witch Of The North sur ceux des légendes nordiques, notamment Freyja, déesse de l’amour et la fertilité, fille du dieu des océans et de la déesse des montagnes, et Frigg, aussi liée à l’amour et la maternité, parfois présentées comme les protectrices des magiciennes, qui possèdent aussi toutes deux une face guerrière. C’est plutôt ce second aspect qui est exploré dans la musique, et les compositions rentre-dedans et épiques (« We Stand as One » en tête) donnent irrémédiablement envie de partir en guerre contre le premier abruti venu sous l’égide de ces vénérables déesses.
Mais la musique souligne aussi, par moments, le retour aux racines des croyances nord-européennes et à une harmonie avec la nature qu’on imagine associée à ces traditions. Cela s’entend notamment sur la lente introduction de « Flight of the Valkyries », sur les intermèdes instrumentaux « Omen » et « Eternal Frost » ou la ballade « Lady of the Wood », qui ont quelque chose de champêtre. La pochette (un brin kitsch diront certains, pas plus que la moyenne du genre leur rétorqueront d’autres), illustre d’ailleurs bien cette double approche, avec une déesse tirant sa force de la nature et des musiciennes prêtes à un combat beaucoup plus prosaïque, à grand coups d’épées. Il est d’ailleurs amusant de noter que dans l’introduction solennelle « Winter’s Wrath », qui elle aussi évoque plutôt la nature et un certain retour aux sources, les chœurs masculins sont progressivement remplacés par des chœurs féminins, comme si par l’intermédiaire des sorcières, les divinités femelles prenaient finalement le pas sur leurs alter ego mâles.
Soyons honnêtes, ce nouvel album n’invente rien. Mais il le fait avec une intensité qui force le respect, une sincérité indubitable et une efficacité particulièrement savoureuse. Sans sombrer dans la caricature dénuée d’inspiration du heavy metal traditionnel, The Withch Of The North y insuffle une fraicheur bienvenue et une modernité dans le son et le traitement des thématiques qui en font un disque ancré dans son époque. Vivement le prochain Sabbat !
Tracklist
1. Winter's Wrath 1:41
2. The Witch Of The North 5:29
3. Tainted Ritual 4:38
4. We Stand As One 5:11
5. Flight Of The Valkyries 4:58
6. The Circle Of Five 5:19
7. Lady Of The Woods 5:48
8. Thrall 5:03
9. Omen 0:48
10. Nine Worlds 4:50
11. For Eternity 5:55
12. Dragon's Dream 4:15
13. Eternal Frost 1:20
14. Hall Of The Mountain King (Bonus) 5:46
Sortie le 28 mai chez Nuclear Blast