Nanowar Of Steel – Italian Folk Metal

Quel groupe de metal peut se targuer d’avoir engendré un tube de l’été imparable, écrit une chanson épique sur un présentateur télé, et une autre tout aussi fracassante sur Ikea ? Depuis leurs débuts, les Italiens de Nanowar Of Steel ont toujours assumé un univers particulièrement déjanté, qui ne prend rien au sérieux, mais en s'appropriant avec suffisamment de conviction les codes des différents genres repris pour donner des chansons crédibles. Avec leur nouvel opus, Italian Folk Metal, ils ont décidé de revisiter la culture de leur pays, et une fois de plus, le résultat simultanément hilarant et crédible.

Depuis ses débuts, le groupe assume clairement son côté parodique, en joue énormément, fait globalement n’importe quoi, et la plupart du temps, c’est très drôle. D’autant qu’il a un goût prononcé pour les mélanges les moins compatibles possibles : la mythologie nordique, Noël, le judaïsme et le culte à Ikea dans « Valhallellujah », ou le metal et le reggaeton dans « Norwegian Reggaeton », pour citer ses deux plus grands succès.

Mais en même temps, s’il tourne tout en ridicule, on sent un vrai travail derrière les chansons, qui sont toujours crédibles. Si le groupe pousse les codes des genres utilisés à l’extrême, on sent une affection sincère pour les genres en question, ce qui donne une vraie solidité aux morceaux, qui sont largement aussi appréciables que les compositions des groupes premier degré dans les mêmes catégories. Il faut dire que Nanowar Of Steel donne beaucoup dans le power metal, un genre qui supporte très bien l’emphase et un côté vaguement ridicule.

Italian Folk Metal, le nouveau méfait du quintette, est le premier album sorti chez Napalm Records, et pour bien montrer qu’il se fout de tout, le groupe a décidé de l’enregistrer presque exclusivement en italien. Là où on aurait pu s’attendre à ce qu’il cherche à toucher un plus large public, avec un disque entièrement en anglais (la majeure partie de ses compositions précédentes était de toute façon déjà dans la langue de Shakespeare), il fait donc le choix inverse. A l’exception des deux bonus de fin, des versions en allemand (hommage au nouveau label ?) et en espagnol de titres de l’album. Et une chanson en napolitain au milieu de l’album, histoire qu’encore moins de gens ne comprennent.

Tout le monde ne pourra donc pas profiter de la délicatesse et de la profondeur des paroles des Romains. Et quel dommage. En effet, avec Italian Folk Metal, le groupe veut rendre hommage à la culture de son pays natal, et cela commence par les paroles qui empilent les références plus ou moins compréhensibles pour les étrangers. Les présentateurs télé et autres people, les joueurs de foot, les personnalités politiques, la géographie de certains coins très précis du pays, les spécialités gastronomiques, il ne manque pas grand-chose au tableau.

C’est toujours très moqueur, mais sur cet album, Nanowar est partagé entre ses racines et des thématiques plus traditionnelles du metal. C’est ainsi que des présentateurs télé partent pour une guerre épique (« L’Asseddio di Porto Cervo », ou « L’assaut de Porto Cervo », localité de villégiature très prisée des célébrités ; mais aussi « La Marcia su Piazza Grande », faux hommage qui tourne en ridicule un autre présentateur, avec un champ lexical qui évoque étrangement les chants fascistes). On a aussi droit à des considérations très techniques sur l’évasion fiscale et les règlements de compte sanglants (« Sulle Alliquote della Libertà »), à une chanson de sexe à grands renforts de métaphores agricoles (« Rosario » - pour le coup, le côté traditionnel est moins évident) et à un chef d’œuvre de fusion (« Polenta Taragnarok ») qui chante les louanges de la polenta (plat traditionnel italien très bon mais assez bourratif) en convoquant des références nordiques que les Romains affectionnent tant. C’est ainsi que la polenta serait « forgée par la louche de Thor » (qui a donc quitté la construction de meubles après «  Valhallellujah » – et « protège du sida et des grossesses » non désirées, mais la rédaction décline toute responsabilité s’il vous prend l’envie de vérifier par vous-même.

C’est souvent volontairement stupide, mais on peut peut-être y trouver, avec un peu d’imagination, des idées plus sérieuses en sous-texte (les élites enfermées dans leur tout d’ivoire, l’évasion fiscale, la pêche industrielle illégale, le culte de la personnalité de certaines célébrités). Ou pas. Difficile d’être sûrs avec ces cinq-là, qui semblent surtout s’éclater à partir dans les délires les plus improbables possibles.

Et ce mélange des genres foutraque autant que dépaysant s’entend aussi dans la musique, avec un mélange constant entre metal et références à la musique du Bel Paese. Comme sur ses précédentes productions, le groupe montre sa capacité à produire un travail ridicule à dessein, avec beaucoup trop d’emphase, caricatural, et pourtant, qui fonctionne admirablement bien.

Au fond, ce qu’on entend, des groupes de folk metal auraient quasiment pu le faire. Ainsi, « La Maledizione di Capitan Findus » évoque Alestorm, les violons de « L’Assedio di Porto Cervo » ne dépareilleraient pas dans un groupe de folk, « La Polenta Taragnarok » peut faire penser à In Extremo dans les instruments et aux groupes adeptes de chœurs virils et épiques à la Amon Amarth dans le chant. Et si le groupe ne cherche pas à faire des démonstrations de virtuosité, l’ensemble est très solide techniquement – l’agressivité de la première chanson « L’Assedio di Porto Cervo » avec son growl et ses blasts est par exemple particulièrement réjouissante.

Au milieu de tout cela, le groupe convoque des sonorités ancestrales, comme la mazurka sur « Mazurka del Vecchio che Guarda i Cantieri », ou une musique traditionnelle napolitaine sur « Scugnizzi of the Land of Fires ». Mais il rend aussi hommage à une culture plus contemporaine en Italie, comme la variété italienne : « Rosario » pourrait concourir à San Remo, avec sa mélodie dégoulinante et son refrain faussement grandiose, quand « Polenta Taragnarok » emprunte des éléments de mélodie à un chanteur italien des années 80, entre deux vociférations barbares. « La Marcia su Piazza Grande » fait furieusement penser à « Maréchal nous voilà », on peut donc supposer que c’est une réminiscence d’un chant du temps de Mussolini – après tout, cela fait aussi partie de l’histoire italienne. Avec « Il Signore degli Annelli dello Stadio », c’est le chant de supporter qui s’invite, après une introduction parfaitement folk metal, le tout pour parler du Seigneur des Anneaux. Mélange des genres, quand tu nous tiens.

Nanowar Of Steel a franchi une étape en signant chez Napalm, et cela n’a en rien entamé la verve et l’énergie débridée du groupe. Italian Folk Metal est drôle de bout en bout, même si une partie de la multitude de références plus ou moins apparentes nous échappe forcément de l’autre côté des Alpes. Et plusieurs morceaux sont des hymnes en puissance, qui donnent envie de s’égosiller, de préférence en concert, où les chansons du quintette prennent encore une autre dimension.

Tracklist
   1. Requiem per Gigi Sabani in Re minore  2:19 
  2. L'Assedio di Porto Cervo  4:14 
  3. La Maledizione di Capitan Findus  4:15 
  4. La Marcia su Piazza Grande  2:24 
  5. La Mazurka del Vecchio che Guarda i Cantieri  4:44 
  6. La Polenta Taragnarock  4:44 
  7. Scugnizzi of the Land of Fires  3:56 
  8. Rosario  5:36 
  9.Il Signore degli Anelli dello Stadio  3:10 
  10. Gabonzo Robot  4:20 
  11. Sulle Aliquote Della Libertà  3:29 
  12. Der Fluch des Kapt’n Iglo  4:16 
  13. El baile de los Viejo que Mira las Obras  4:41

Sortie le 2 juillet chez Napalm Records

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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