Whyzdom – Blind?

Quoi de mieux pour parler d'un groupe de metal symphonique qu'une introduction brève (ahem …) sur le genre ? Non, ça ne vous dit pas ? Tant pis pour vous, ce sera fait quand même. On connaît tous les étendards du genre, les néerlandais, qui ont une grosse réputation, entre Within Temptation, Epica, feu After Forever et maintenant ReVamp … et même des petits groupes qui, s'ils ne sont pas réputés, ont une musique qui vaut la peine d'être écoutée (on pensera à Ex Libris, Magion, Sin7sinS, Autumn et compagnie). Et puis il y a la Finlande avec Nightwish, enfin, vous voyez le topo. Un pays qui est assez productif mais où il est difficile d'émerger reste la France : des formations sympho, il y en a quand même un certain paquet. On pense donc à quelques groupes à chant féminin reconnus sur la scène internationale, comme Eths ou Kells. Mais dans le cas du second nommé, les éléments symphoniques se sont retrouvés clairement effacés par rapport à une musique plus rugueuse, lorgnant désormais davantage vers Korn.

Sauf que la description ci-dessus, on va penser à un autre combo, qui a déjà quelques lettres de noblesse et qui entame son ascension depuis sa première offrande : Whyzdom. Pourtant, les choses auraient pu virer à la catastrophe. Après une livraison de départ, From the Brink of Infinity, la vocaliste Telya annonce, à la stupéfaction générale, qu'elle souhaite quitter ses compères. Et après quelques mois sans chant, nos cinq mousquetaires sont à nouveau six, avec l'arrivée dans leur rang de la belle Clémentine Delauney … qui termine, à son tour, par s'en aller, rejoignant les autrichiens de Serenity. Mais rien n'entame la détermination de Whyzdom, qui trouve, après quelques auditions, sa nouvelle voix : changement de couleur de cheveux, on passe des brunes à la blonde avec la jeune Elvyne Lorient, parfaite inconnue, pour qui tout s'est enchaîné à une vitesse folle : arrivée et pouf, studio pour enregistrer le deuxième rejeton nommé Blind?, album dont les anglophones devineront parfaitement la thématique principale : l'aveuglement, sous toutes ses coutures.

Il est vrai que l'attente était souvent pesante chez les fans, désireux d'entendre un peu de nouveauté de la part de la formation. Et c'est donc avant la sortie qu'arrive « The Lighthouse », titre d'introduction de ce disque. Mais malheureusement, la piste ne convient pas complètement lorsqu'elle doit passer par le contrôle de qualité. Si le refrain est assez prenant et les lignes de chant de la demoiselle judicieuses, le reste manque quelque peu de saveur, se révélant assez banal. La faute, pour commencer, à une guitare dont les distorsions ne sont pas folichonnes pour les tympans, et à une instrumentation assez bateau et plate. Avouons-le, notre sextet français nous avait habitué à être bien plus en forme, laissant ainsi un goût à la fois d'amertume et de curiosité dans la bouche. Mais ce morceau a au moins un bienfait : dissiper le voile de mystère qui pesait sur la présence de la belle Elvyne.

Elvyne Lorient

Chanter dans Blind?, c'est carrément prise de tête !

Un point qu'il est bon d'aborder immédiatement, par ailleurs. Il faut reconnaître que les conditions d'arrivée de la jeune femme ne sont pas particulièrement idéales quand on est, déjà, une relative inconnue, mais qu'en plus, un brûlot est déjà totalement composé et qu'il faut filer directement à la case studio. Et cela se sent de temps en temps, la frontwoman n'étant pas toujours réellement à l'aise, et manquant le coche sur deux-trois morceaux. Pourtant, il faut bien tirer son chapeau à cette nouvelle venue qui a su, globalement, faire abstraction des embûches sur son chemin. La prestation globale est très loin d'être décevante, restant tout à fait honorable sur le long. Cette nouvelle chanteuse n'est donc pas si mauvaise que ça ? Peut-on même dire qu'elle est une bonne relève vocale à Whyzdom ? La réponse est oui. En dépit d'écarts (l'accent anglais très approximatif qui donne parfois lieu à des prononciations étranges, quelques petits couacs comme sur « Paper Princess »), elle offre un joli brin de voix, assez varié même si n'étant pas encore suffisamment exploité à sa juste valeur. On peut cependant affirmer sans vraiment se tromper qu'Elvyne Lorient pourra certainement donner, une fois plus immergée dans la musique, sa petite saveur bien à elle, et embellir encore plus la musique délivrée.

Car sur ce point-là, on retrouve de bonnes et de mauvaises choses. Bien que le premier aspect l'emporte indéniablement sur le second, quelques cas de figure nous laissent mi-figue, mi-raisin, pour un résultat qui, s'il est prometteur, aurait pu être encore meilleur ! Le son de Whyzdom reste cependant identifiable à des kilomètres, dans une mixture teintée de metal progressif sur une base où se mélangent avec harmonie heavy et symphonique. Les guitares ne sont pas cachées sous les énormes orchestrations, ce qui était parfois le point faible de l'opus précédent. Là, au contraire, on sent plus de densité, de vélocité. Blind? se veut plus musclé, plus imposant tout en restant aussi grandiloquent que son prédécesseur. Les arrangements, les chœurs, tout est ici pour nous rappeler que nos français jouent avant tout dans la cour du sympho, scène certes surchargé, mais avec Whyzdom, on veut en mettre plein la vue ! Et là où cette masse était parfois trop écrasante auparavant, l'équilibre et l'harmonie sont des points beaucoup plus travaillés sur ce coup là. On prendra pour preuve « Dancing With Lucifer » où le mariage entre les guitares tranchantes et la chorale est savoureux. Apparemment, des noces réussies, et ce ne sera pas les seules à nous combler. Mais en voulant mélanger les influences, le groupe tombe dans ses travers.

On en prendra pour preuves des longueurs incessantes, qui feront perdre à la fois le côté accrocheur, mais aussi l'intérêt global de Blind? … Le premier constat vient de morceaux qui, eux, vont tous chercher au-dessus des 5 minutes. Ce qui n'est pas une tare en soi n'aide pourtant pas à rentrer dans l'univers déployé par des musiciens pourtant talentueux. La faute à des moments où Whyzdom souhaite combler les vides, et meubler sa musique, là où le groupe aurait largement gagné à se vouloir plus direct et à offrir un propos plus concis. Ce qui donne lieu à quelques mauvaises pistes : « The Foreseer » et « The Wolves » sont littéralement sans queue ni tête, et on se demande du début à la fin où nos six compères souhaitent en venir. Manque d'inspiration, volonté de rentrer dans le quota de minutes ? Il est bien dommage de constater un refus de céder à la simplicité, de temps en temps. Pourtant, allier ces deux éléments rendrait la musique des français non seulement plus attrayante, mais aussi plus riche. Car en prouvant qu'ils savent jouer sur les deux tableaux, le combo parviendrait à s'imposer dans des répertoires plus variés, brisant une légère monotonie pouvant s'installer par-ci, par-là.

Whyzdom

Une exclusivité française : la voyante rebelle !

Ainsi, il n'est pas difficile d'opérer un découpage des pistes en deux parties : celles qui sont intéressantes, et celles qui laissent de marbre. Les premières ont plusieurs caractéristiques, qui sont souvent la vélocité, une osmose guitare / chœurs, un clavier qui fait son boulot à merveille, un refrain accrocheur et une belle ambiance. Le rêve, quoi ! Seront donc nommées « Cassandra's Mirror » pour ses touches celtiques de bon aloi, son refrain prenant et sa cohésion générale. Ce morceau est vraiment très bien composé et nous laisse penser que Whyzdom peut nous réserver d'excellentes surprises pour la suite. « The Spider » et sa petite touche orientale fonctionne bien : le refrain est, encore une fois, très prenant (comme si l'araignée nous emmenait dans sa toile), et les petites vocalises apposées de ça et de là renforcent une atmosphère judicieusement posée. Voilà la recette pour faire du bon ! « Dancing With Lucifer » nous déploie des parties très heavy et lourdes, qui se battent en duel avec des chœurs puissants, et nous démontre que oui, Elvyne sait s'en tirer quand il faut y aller dans la force. On sauvera aussi « Lonely Roads » qui développe une bonne montée en puissance, ou encore « On the Road to Babylon » et sa longue partie symphonique, assez riche pour ne pas ennuyer !

Ces bons morceaux contrebalancent donc avec les décevants déjà évoqués : « The Lighthouse », « The Wolves », « The Foreseer », plutôt plats et mous. Idem pour la ballade « Paper Princess », au piano hasardeux, au chant qui semble trop vaciller, sur le fil, et qui, au final, s'avère être une belle déception. Il reste un titre qui nous laisse le cul entre deux chaises : « Cathedral of the Damned ». Le long titre passage obligatoire dans le metal symphonique, celui-ci, en guise de conclusion de la galette, culmine à plus de onze minutes ! C'est là où réside le problème, car cette pièce alterne entre passages réussis et décevants. Tombant dans des longueurs, dans certains clichés du genre, le morceau est capable, quelques secondes plus tard, de nous envoyer des fulgurances qui sauvent la piste de la noyade. Sans parler d'un chant, encore une fois, remontant le niveau de ce titre. Ainsi, Whyzdom a voulu voir grand mais ne parvient pas encore à être entièrement à la mesure de ses ambitions.

Mais Blind? reste un album à la fois intrigant et intéressant, possédant de belles qualités qui s'avèrent plus fortes que les défauts. L'opus n'est pas parfait et manque encore du petit plus qui fait toute la différence. On ne peut que conseiller à Whyzdom de s'atteler d'arrache-pied à corriger les défauts, et à prendre conscience des nombreuses qualités dont ils font preuve. Il pourrait en résulter, dans l'avenir, un réel sursaut de leur part et un disque à classer dans le panthéon du style symphonique. Cette seconde offrande marque une progression par rapport à From the Brink of Infinity, mais les français ne doivent pas se reposer sur leurs lauriers : la route est longue, mais le chemin vers les sommets est tout à fait réalisable. Le prochain brûlot sera donc attendu avec une certaine impatience !

Whyzdom

Je vois, je vois ... que tu n'as pas mis 10/10 à notre album !

Note finale : 6,5/10

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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