To The End : nos voisins germaniques d'Orden Ogan ont condensé leurs derniers mots et leurs dernières croyances dans un troisième effort studio qui sort ces jours-ci. Avec un titre qui charmera volontiers les prédicateurs de tout poil, il est néanmoins à appréhender selon un deuxième angle : une attitude sans concession, une détermination jusqu'au-boutiste. Car bien que la pochette de l'album (signée Andreas Marschall, à qui l'on doit les pochettes de Blind Guardian, Running Wild, Hammerfall entre autres) pourrait suggérer un énième groupe de power metal mélodique, la musique d'Orden Ogan explore bien d'autres sentiers. Entretien avec Seeb, le chanteur / guitariste et fondateur du groupe, et invitation au voyage...
Bonjour Seeb ! Orden Ogan sort un nouvel album ces jours-ci, intitulé To The End : peux-tu nous en toucher quelques mots ?
Seeb : Il s’agit de notre troisième album studio, qui sort sous le label AFM Records. En termes de musique, l’auditeur retrouvera le son caractéristique d’Orden Ogan, bien que nous ayons perdu un peu de poids je dirais. Enfin, personnellement j’ai gagné du poids, comme tu le vois ! Mais l’album contient de nombreuses parties orchestrales, et pas loin de cent soixante bandes d’instruments orchestraux il me semble. Nous voulions que l’album soit plus « in your face », qu’il aille plus droit au but, aussi nous avons dû pas mal épurer. Mais il demeure cependant quelques chansons aux structures complexes.
Vous avez réalisé un vidéo-clip pour la chanson « The Things We Believe In », que j’ai trouvé très intéressant. On y retrouve un univers visuel assez Dickensien (ndlr : du romancier Britannique Charles Dickens, surtout connu pour Oliver Twist, Un Chant de Noël, et David Copperfield), mettant en scène des indigents se battant dans un monde où règnent la froideur et les glaces – tant littéralement que métaphoriquement.
Seeb : Ah tu trouves ? Et bien ce n’était pas intentionnel ! L’idée-maîtresse de notre album et de son titre éponyme est : des gens tentant de survivre dans le contexte de la fin du monde. Le froid est une métaphore pour le tempérament des gens également. Le message que nous tentons de faire passer est que si nous avions travaillé tous ensemble main dans la main, nous aurions pu nous en sortir. C’est également un clin d’œil à notre détermination en tant que groupe depuis des années : en effet, en Allemagne il y a très peu de groupes dans notre style ; il y a une grosse scène de metal extrême, mais pour tout ce qui est metal mélodique ou power metal, rien du tout. Très peu de groupes comme nous arrivent à susciter de l’intérêt et à percer. Le titre de notre album ainsi que sa chanson éponyme est aussi à prendre comme ça : nous nous battrons jusqu’à la fin des temps pour faire valoir la musique que nous aimons.
L’écoute de votre album s’avère fort intéressante, dans la mesure où chacun peut y trouver chaussure à son pied à mon sens. Sur toile de fond de metal mélodique, on peut distinguer pêle-mêle des éléments empruntés à la folk, le power metal, et même le metal extrême.
Seeb : Quand j’ai commencé à écouter de la musique, j’étais assez branché metal mélodique à la Blind Guardian, Gamma Ray, mais c’était seulement une phase de ma vie. J’ai par la suite totalement perdu le fil de ce style, qui a atteint son apogée à un moment, puis a fini par se mordre la queue à la longue. A l’heure actuelle, je n’écoute pas du tout de power metal mélodique. Il faut savoir que je possède mon studio d’enregistrement en Allemagne, où j’encadre toutes sortes d’artistes, et je pense que leur musique m’influence au quotidien. Il y a de tout : des artistes folk, des gens branchés 60’s, de l’a capella. J’apprécie le metal extrême, j’aime beaucoup Chimaira et Cannibal Corpse, par exemple. J’écoute aussi pas mal de groupes en fonction de leur production. Pour moi les meilleurs producteurs du moment en matière de metal sont Andy Sneap et Colin Richardson. Ce que je tente de faire en terme de production est à mi-chemin entre ces deux-là. Je n’ai pas l’arrogance de clamer que je me situe entre ces deux bien-sûr, simplement je suis fortement influencé par ces deux grands producteurs dans ma démarche, et ils m’inspirent au quotidien.
Tu as apparemment tout réalisé sur cet album ?
Seeb : En effet, à l’exception du mastering, qui a été réalisé par Dennis Koehne (Sentenced, Tiamat, Lacuna Coil…).
Comment se passe le processus d’écriture chez Orden Ogan ?
Seeb : Tout le monde s'attèle un peu au processus de composition. Mais j'écris toujours dans un premier temps l’idée de base. Il faut savoir que nous avons perdu trois membres du groupe l’année dernière. Je dois avouer que ces deux dernières années n’ont pas été terribles pour moi, en particulier émotionnellement. C’est ce qui explique peut-être un peu le ton dur de ce nouvel album.
Personnellement, j’ai adoré certains titres de l’album : "The Ice Kings", "Angels War", "Take This Light".
Seeb : J’aimerais te parler un peu de la chanson "Take This Light" justement : c’est une histoire très triste, qui a été mal comprise par certains journalistes. On m’a souvent demandé récemment : « mais qu’avais-tu à l’esprit quand tu as écrit cette chanson sur les dauphins ? ». En réalité, il s’agit de l’histoire d’une femme qui tient sa fille mourante dans ses bras. Elle se raccroche à ces quelques images qui apporteraient de la joie à sa fille. C'est une chanson sur l'espoir alors que tout semble perdu. Il n’y a rien de cheesy dans ces paroles, j’utilise juste des images du monde enfantin pour relater une histoire triste qui pourrait être commune à certaines personnes.
Peux-tu me développer un peu les thèmes abordés dans les chansons du nouvel album ?
Seeb : To The End évolue autour du thème de la fin du monde, comme son titre le suggère. Je suis du type plutôt solitaire, j’aime me retrouver seul pour réfléchir. Et les chansons sont la mise en forme de beaucoup de mes réflexions : par exemple, la chanson "The Ice Kings" évoque les gens qui suivent bêtement des leaders politiques, sans se poser de questions, sans broncher. Tout est très métaphorique dans cet album, et je m’inspire de tout : de l’actualité, de la politique, je lis aussi pas mal.
Vous avez choisi de ré-enregistrer deux anciens titres sur votre nouvel album : "Mystic Symphony" et "Angels War". Pourquoi ?
Seeb : La chanson "Angels War" figurait sur une de nos démos, qui s’était écoulée à 4000 exemplaires (ce qui était vraiment pas mal pour une démo) et beaucoup de gens voulaient la voir figurer sur un de nos enregistrements studio un jour. Aussi nous lui avons donné un nouveau souffle sur ce disque. Quant au titre "Mystic Symphony", il faisait partie de notre set live et beaucoup de gens l’aimait également, aussi nous avons aussi voulu lui donner ses galons de noblesse sur cette nouvelle production.
Vous existez depuis 1996 et avez sorti trois démos. Vous n’en êtes pas à votre coup d’essai là !
Seeb : Oui, si tu regardes sur internet tu vois pas mal d’albums à notre actif, mais il s’agit en réalité de démos… Les différents profils et biographies qui ont été édités pour nous comptabilisent même nos tout débuts… Or, nous ne savions même pas tenir nos guitares à l’époque ! Donc ça ne compte pas tout ça. Nous avons réalisé trois démos dans un premier temps, puis une auto-production. Mais il faut prendre en compte nos trois derniers albums studio seulement à mon sens.
Orden Ogan circa 2004
Le paysage de la musique nordique et du power metal mélodique est assez dense. Comment avez-vous réussi à opérer votre percée dans ce contexte musical si saturé ?
Seeb : C’est une question intéressante, car de mon côté je pense que nous sommes loin du style que tu décris. Nous dispensons certes une musique metal avec des refrains aux élans héroïques, mais nous n’avons aucun rapport avec des groupes de power metal comme Freedom Call par exemple. Notre musique est plus sombre, triste, et n’a rien de sirupeux. Et puis nous ne tentons pas de copier qui que ce soit. Je pense que le rapprochement que l’on fait souvent entre nous et des groupes comme Blind Guardian ou Gamma Ray provient en grande partie de l’omniprésence de chœurs dans nos chansons. Peut-être aussi à cause de l’artwork, comme tu l’as suggéré.
Que signifie le nom Orden Ogan ?
Seeb : C’est un mélange du mot allemand orden qui signifie l’ordre (à comprendre au sens : la caste), et du mot celtique ogan qui signifie la peur. Notre nom signifie donc l’ordre de la peur. On trouvait que c’était très cool pour un nom de groupe de metal à l’époque où nous nous sommes formés ! Ca nous habillait d’un voile mystique.
Vous êtes plutôt populaires en Allemagne et dans les pays Nordiques, mais pour la France vous restez quasi-inconnus au bataillon. Quel message pourrais-tu transmettre à nos lecteurs afin de les inviter vers votre musique ?
Seeb : Je leur conseillerais dans un premier temps de regarder notre vidéo-clip, "The Things We Believe In". Si notre univers vous parle, alors donnez une chance à l’album complet !
Vous allez bientôt commencer votre tournée avec Luca Turilli, et partagez l’affiche avec Freedom Call et Vexillum. Comment s’est présentée cette opportunité ?
Seeb : Je crois que c’est Luca qui souhaitait nous voir figurer sur l’affiche, tout comme Freedom Call. Les négociations se sont faites très rapidement car nous avons le même booker. C’est un très bon package je pense. Je sais qu’en Angleterre, nous marchons très bien, mais je suis impatient de voir comment notre musique va être accueillie en France !