Tout commençait pourtant très mal … une pochette pas franchement évocatrice, un nom plus cliché tu meurs, et un line-up plus que classique. C'est un petit résumé assez bref et rapide sur Enchantya, et ça pourrait peut-être suffire à certains. Il faut bien l'avouer : ce groupe en provenance du Portugal, pays ayant enfanté les excellents Moonspell, Ava Inferi, Desire ou Thee Orakle, n'est pas le plus fort qu'il soit dans la promo et l'image. Déjà, 7 longues années se sont écoulées entre la sortie de leur premier EP du nom de Moonlightning the Dreamer et leur première offrande longue durée, Dark Rising, au patronyme lui aussi assez bateau. Bon, histoire d’enfoncer encore quelques préjugés dans la tête (bien qu'on s'en doutait) : c'est à chanteuse. Voilà, certains peuvent raccrocher et d'autres continuer la lecture.
Pourtant, certains signes donnent quelques lettres de noblesse à ce charmant petit quintet qu'on a, en dépit des clichés, envie d'aimer quand même (parce que les formations de ce genre ne sont pas légion au Portugal, un pays nous habituant à un metal d'une certaine qualité néanmoins). Déjà, le combo a gagné un concours dans son pays, "Bandas Procuram-se" et, en plus, a été repéré par le label d'outre-Rhin Massacre Records pour une signature. Rien que ça ! Donc il doit bien y avoir une certaine qualité, dans tout ça ? Comme on le dit si bien, l'habit ne fait pas le moine. Ou comme le disent nos amis anglophones, ne juge pas un livre par sa couverture. Alors autant ranger tous les préjugés dans une armoire qu'on ira fermer à clé, jeter la clé aux ordures, et se lancer d'une oreille neutre à l'écoute de ce méfait portugais.
Mais quand on écoute Dark Rising, on ne doit pas s'attendre à une révolution dans le petit monde merveilleux tout rose et plein de corsets du metal à chanteuse. Qu'est-ce qu'on trouvera chez Enchantya, finalement ? Une recette que l'on connaît très bien, histoire de ne pas trop déstabiliser les oreilles sensibles. Inutile d'aller rechercher une quelconque originalité ici, ni même un réel apport au metal symphonique / gothique un peu power sur les bords, parfois plus dark tout de même. Le groupe a au moins la décence d'apporter, dans la musique pratiquée, un léger melting-pot de diverses inspirations, cherchant dans d'autres genres que dans le style officié ici. Alors qu'est-ce qu'on va entendre ? Des claviers un peu partout, abordant diverses teintes : tantôt purement symphoniques, tantôt en renfort d'une atmosphère histoire de donner un peu de saveur et de couleur à la piste sur laquelle il vient se greffer et, parfois, se laisser aller à des teintes un peu futuristes (« No Stars in the Sky », « Moonlightning the Dreamer »). Cet instrument est d’ailleurs le grand maître du jeu, omniprésent du début à la fin, et s'octroyant même le luxe d'ouvrir à peu près toutes les chansons. Un aspect un peu répétitif qui ne sera pas apposé que par ce perturbateur. Non, malheureusement, en dépit de très bonnes intentions, Enchantya tombe dans des travers qui font perdre en qualité à ce brûlot qui n'est pourtant pas si mauvais que ça.
Si un mot devait décrire cet opus à merveille, ce serait celui-ci : linéaire. Pourquoi ? Car les structures sont répétitives à mourir, et les artifices utilisés deviennent les mêmes de morceau en morceau. Résultat, une profonde dose d'ennui nous assomme dans un milieu d'album qui peine à convaincre, manquant cruellement de moments forts et de titres efficaces, et, lassé d'entendre les mêmes ficelles tout le temps, l'auditeur détournera son attention vers quelque chose de plus intéressant. Ainsi, Dark Rising a de grande chance de ne devenir qu'un bruit de fond, et si la formation souhaite viser davantage de public, il lui faudra corriger ces points négatifs à l'avenir. Tout y est trop prévisible, en réalité. De l'utilisation du clavier au manque de guitare sur le devant, aux interventions du chant et à la teneur d'un refrain, il est trop évident de deviner de quoi sera faite la musique d'Enchantya, donc de la comprendre et de la laisser tomber trop rapidement, réduisant considérablement la durée de vie d'une offrande qui pêche ainsi par manque d'ambition et d'inventivité, en plus d'être dénuée d'originalité. Oui, il y a un peu d'énergie, quelques parties incisives, des moments passionnants. Mais que représentent-ils dans un ensemble globalement terne et décevant ? Pas grand chose, et c'est bien ça le principal problème. Car les bons points pourraient passer à la trappe si le courage n'y est pas d'approfondir l'écoute et de revenir sur l'album. Et cette envie de ne pas l'écouter de nouvelles fois est compréhensible par les défauts qui empêchent réellement l'opus de s'élever vers des sommets.
Pas si poilus que ça, les portugais ...
Mais ce n'est pas comme si Enchantya était un groupe dénué de qualités, bien au contraire. Ils en ont, c'est évident, mais celles-ci se cachent un peu trop, ne montrant que timidement le bout de leur nez. Sauf une ou deux. Et l'une de celles qui est particulièrement mise en avant, comme dans tout groupe à chanteuse qui se respecte, c'est bien sur la voix de Rute Fevereiro, qui n'est, elle, pas si commune que ça. Elle sait même prendre quelques allures plutôt atypique dans son registre lyrique qui n'est pas inintéressant, et même fort bien maîtrisé. Si elle reste de temps en temps un peu linéaire, elle n'hésite pas non plus à surprendre en poussant quelques gueulantes qui, si elles ne sont pas encore parfaites, restent prometteuses, et ajoutent un éventail de compétence supplémentaire à la belle. Est-ce que le quintet se repose un peu trop sur les capacités d'une chanteuse plus convaincante que la musique ? Parfois, oui. On en prendra pour exemple « Winter Dreams » ou « She Devil », instrumentalement sans intérêt, mais où la voix de Rute reste le seul point qui nous aide à ne pas entièrement décrocher. Elle sauve parfois, voir souvent les meubles, mais ne peut pas garder toute la qualité d'une galette entière sur ses frêles épaules ! Et quand le poids est trop important (« Your Tattoo », la plus mauvaise du lot), alors la fondation cède.
Clichés, clichés, quand vous êtes là … on pourrait dire que toute la partie centrale de Dark Rising est emplie de ces défauts rédhibitoires. Ce qui laisse un disque bancal, mais qui n'est donc pas dénué de bons morceaux, hé oui ! Car il faut se faire une raison : Enchantya sait composer de bonnes choses, et ce sont ces pistes-là qui laissent encore une réelle lueur d'espoir quant à un éventuel avenir prometteur pour les portugais. Déjà, « Night in Whisper » possède un refrain atmosphérique très abouti, en contre-pied avec la traditionnelle montée en puissance de ce point d'orgue. La voix de Rute y développe un côté aérien séduisant, et ça fonctionne, il y a ce petit truc qui plaît plus qu'il ne déçoit. Dans les morceaux bien composés, on demandera aussi à « Moonlightning the Dreamer » de se présenter. Posée en fin de parcours, cette place est à double-tranchant : à la fois car les moins hardis n'oseront s'aventurer jusque là (il faut dire que cette offrande dure plus d'une heure !), mais également car elle permet une bonne conclusion, nous aidant à terminer sur une note positive. Et cette piste est excellente, tant dans la prestation de la chanteuse que dans sa construction. Le refrain conquiert (notamment, une fois de plus, grâce à la frontwoman), l'inspiration est au rendez-vous, le morceau prend le temps de développer une ambiance sombre et intrigante (le clavier qui se posait au départ augurait déjà du bon), voilà enfin un Enchantya qui tient le bon bout, va à fond dans sa démarche, dans ses bonnes idées et prouve qu'il a de l'ambition ! On retrouve donc de telles qualités sur « Interlude Become of Me », « Longing for You » ou « Clad in Black ».
Au moment de poser la conclusion, une chose nous titille. Les meilleurs morceaux ne seraient-ils pas, en général, ceux tirés de leur précédent EP Moonlightning the Dreamer ? Qu'on fasse le compte, en mettant la banale (mais loin d'être dans les mauvaises de Dark Rising) « Ocean Drops » de côté : « Moonlightning the Dreamer », « Night in Whisper » et « Longing for You » parmi les bonnes pistes ? Un ratio de 3 morceaux sur 4, donc … ce qui signifie que ceux qui ont été composés plus récemment sont clairement en dessous. Bref, il va falloir que les portugais d'Enchantya revoient certains points fondamentaux, et peut-être même s'intéressent davantage aux qualités de leur premier EP. Car le potentiel est là. De plus, le combo peut se targuer de posséder en ses rangs une chanteuse au-dessus de moult consœurs officiant dans ce style. Mais trop de défauts entachent encore un Dark Rising qui aurait pu être nettement meilleur ! En espérant donc que notre quintet apprenne de ses erreurs : ce serait un gâchis de voir un tel potentiel se perdre ...