La dernière fois que l'on avait vu Niklas après l’édition 2012 de la Hellfest c'était lors d'un clip vidéo, nu dans une baignoire, le visage peint, se versant du sang sur le corps, un couteau dans une main et un godemichet de l’autre, faisant un cunnilingus à une sculpture de vulve. Donc tout paraissait aller pour le mieux pour le suédois. Il allait à priori beaucoup mieux…
Et maintenant que ce passe-t-il? Plus de numérotations avec des chiffres romains pour nous indiquer que Redefining Darkness est le 8ème album des suédois dont le titre est en anglais.
On a donc six morceaux dépassant les sept minutes enregistrées aux studios d’Andy LaRoque, les fameux Sonic Train Studios à Varberg en Suède. Il y a aussi du beau monde sur cet album, Hoest de Taake, Peter Bjärgö d'Arcana et Crypt of Kerberos au chant, Olli Ahvenlahti au piano, Rob Caggiano d'Anthrax et Andy LaRocque de King Diamond aux solos, sans oublier Andreas Huss au saxophone.
Quant au groupe de Niklas Kvarforth, en plus de son chant, il joue un peu de clavier mais reprend la guitare depuis le départ de Fredric Gråby. Peter Huss est toujours là. Pour la section rythmique, on retrouve Christian Larsson à la basse et Ludwig Witt le nouveau batteur de Grand Magus, ancien musicien de Spiritual Beggars à la place de Richard Schill.
Depuis plus de 10 ans on a vu le groupe jouer un Black Metal avec une teinte de blues rock totalement décalé dans une ambiance malsaine, déstructurée, suicidaire autodestructrice pour arriver en 2011 à VII - Född Förlorare qui nous avait subjugué.
Ici, on est dans un vide abyssal et froid, dénué d'inspiration, à rallonge pour en faire un album, avec des plages tirant sur la longueur pour essayer de remplir les sillons, sans parler des paroles en anglais d'un niveau cours élémentaire première année.
Et pourtant ça commence fort. De toute façon, jamais Niklas n’est aussi bon que lorsqu’il chante dans sa langue maternelle. Avec une très jolie progression tout au long des 7 minutes de « Du, Mitt Konstverk » où la délicatesse de la guitare est jouée tout en finesse (reconnaissable et caractéristique de Shining). Elle nous amène à des plages acoustiques où Niklas prend une voix délicate pour nous répéter longuement une même phrase « Snällä, snällä, snällä, snällä, snällä, snällä, Låt mig få skada dig, Snällä, snällä, snällä, snällä, snällä, snällä, Låt mig få skada dig »; puis la basse prend le relai avant qu’une avalanche de violence reprenne le dessus.
Avec ce titre on voit où le suédois veut nous emmener et plus particulièrement avec « The Ghastly Silence » relativement mou où le chant en anglais nous fait plus penser à celui de Nocturno Culto lorsqu’il joue dans Sarke. On a même le droit à du saxophone comme celui que l’on retrouve dans le groupe du même nom jouant en Norvège.
Passage long en finesse, il faut bien l’avouer, Niklas sait créer des ambiances assez magiques mais les paroles en anglais pêchent par leur manque de conviction : « I couldn't move, I couldn't speak nor could I flee » et ce même si il maîtrise parfaitement toutes les ficelles du chant cela reste indigeste même avec les arpèges cristallins que l’on aime entendre dans Shining.
« Han Som Hatar Människan » est un titre assez parfait quand on retrouve le chant en suédois, bon blast, excellente guitare avec toujours ces envolées Heavy caractéristiques.
« Uøøøååårgghhhh » comme le dit si bien Niklas, puissant à l’entame de « Hail Darkness Hail », voix écorchée et agressive sur une rythmique entraînante c’est vrai que Kvarforth sait facilement passer d’un chant clair à une voix murmurée ou se déchirer les cordes vocales jusqu’à ce qu’elles saignent…pour aboutir à un « Satanas » bercé sur des arpèges mélodieux où les chœurs sont proche d’une ambiance à la Twin Peaks.
Originalité avec ces paroles en espagnol sur le break suivi de paroles en anglais « Without you, There is no light at the end of the tunnel » très bien joué, romantique….joué avec une guitare hispanisante du plus bel effet dans une structure très bien élaborée. J’ai même cru un moment qu’il parlait de tango…
« Det Stora Grå » est un interlude au piano dispensable dans une ambiance classique proche d’un Hayden.
« For The God Below » est assez soporifique, normal il chante en anglais. Avec un dernier « Satanas Worldwide » pou la route. En revanche la guitare est d’une subtilité et d’une beauté à faire chavirer les âmes sensibles.
Redefining Darkness est assez beau, un peu trop calme à mon gout mais tout de même, cette délicatesse dans le phrasé que possède Niklas, loin de celle qu’il a (ou se force d’avoir) sur scène. Il est inégalable pour transmettre ses émotions, son mal-être, ses phobies, son esprit autodestructeur, mais en anglais la sauce ne prend pas même si les guitares y sont ici sublimées.
Si on est toujours ébloui par l’intensité des morceaux construits avec des structures complexes qui suintent la sincérité, on regrette tout de même le manque de rébellion et d’inspiration. Coupable!
Lionel / Born 666