Meta and The Cornerstones – La Grosse Interview

Meta and The Cornerstones nous ont fait le plaisir d'un concert intimiste au château de Biron le 21 juillet dernier (voir le live report). Rencontre avec Meta, qui pour l'occasion, a même fait l'effort de nous accorder cette belle interview en français.

Meta and The Cornerstones,

l'entretien avec Meta. 

LGR: Meta, quel plaisir et quel honneur de te rencontrer ici ce soir! Merci de nous accorder cette interview !
Meta: Yeahhhh

Pour ceux qui te découvriraient, Meta, tu es chanteur auteur compositeur. Tout d'abord, tu as fait tes débuts dans le rap à Dakar sous le nom de Meta Crazy avant de partir pour New York il y a une vingtaine d'années. Finalement, de jam en jam, tu t'es rendu compte que le reggae était la musique qui te parlait le plus, à travers la positivité du message. Tu fusionnes tous les styles qui t'inspirent (afro pop, hip hop, rock, soul, jazz) avec une colonne vertébrale reggae roots.
Yes!

Ta doctrine "Peace, Love, Harmony" est le langage de l'âme libre, et tu la diffuses partout avec ton équipe des Cornerstones. Une équipe de musiciens des 4 coins du monde, qui évolue au fil des années et des rencontres.

...et son équipe des Cornerstones !

Alors, qui sont les Cornerstones ce soir?
Les Cornerstones ce soir, il y a Simon aux drums. Les autres viennent de Hollande. Il y a Kay à la basse, Randy au keyboard et Rekesh, et Dinesh à la guitare.

Ensemble vous incarnez en quelque sorte l'universalité du reggae.
Yes, pour moi la musique c'est aussi le partage. Essayer de trouver d'autres styles, d'autres musiciens, construire une team en route et faire la musique ensemble. Parce que chacun amène sa propre touche. Ça inspire aussi l'artiste et nous inspire nous tous. Il y a une belle communauté de connaissances. Parce que le reggae, c'est un mouvement. En cette période il y a beaucoup de tournées, beaucoup de musiciens. Nous tous nous connaissons et on est sur la route. Et parfois cela amène des collaborations pour faire le job plus facilement et partager le message.

Dia, le 4e album

Après 3 albums salués par la critique, dont 1 enregistré au studio Tuff Gong à Kingston (Ancient Power), tu as sorti en 2021 ton 4e album Dia (prononcé Jah). 16 titres enregistrés dans les studios Real World de Peter Gabriel à Londres.
Dia, c'est ton nom de famille, un hommage donc à tes racines africaines.
Exactement!

Un album qui se veut encore une fois très spirituel. En effet, tu y soulèves les problèmes de la société et tu lances un appel au rassemblement, car c'est ensemble que nous apporterons le changement.
Si je m'écoutais, on parlerai de tous les titres, mais cette interview durerait toute la nuit.
Rires
Donc j'en ai choisi 2, particulièrement parlants pour moi.

"Breeze" 

Le 1er, "Breeze", 1er single que tu as sorti après la crise sanitaire, avec une mélodie et des paroles percutantes. "Forgiveness will make us heal", ça résume bien ton message je trouve. Parle nous de ce titre puissant.
Oui, avec "Breeze", c'était quand on était dans le covid, et je voyais partout il y avait ce racisme, avec cette histoire de George Floyd, le mouvement 'Black Lives Matter'. Donald Trump aussi était président des Etats-Unis. Puis je voyais que, on the border, à la frontière des USA, il y avait des problèmes d'immigration. Les parents qui n'avaient pas le choix, you know. on les a séparés avec les enfants. Il y avait plein de nouvelles qui n'étaient pas positives. Tout le monde se sentait incarcéré. Et c'était difficile avec la musique, les voyages, et "Breeze" m'a inspiré.
Parce que, c'est 3 côtés que j'ai pris, immigration, racisme qui venait dans tous les sens. Et je me suis dit : "Si on continue comme ça dans la vie à se rappeler toujours le négatif, ce n'est pas facile d'avancer". J'ai écrit ce titre pour dire simplement que c'est le pardon qui peut nous guérir. Pour moi, le pardon est très important. Et c'est ça le titre quoi, "Breeze", yes!

"Cells"

Le 2nd que j'ai choisi, c'est "Cells", parce qu'il véhicule énormément d'émotions. Qu'est-ce qui a inspiré ce titre?
Alors "Cells"... J'avais commencé l'album déjà. "Cells" est venu à la dernière minute. Je marchais vers Montrouge à Paris, seul dans la rue. Je faisais les enregistrements en Angleterre et je revenais à Paris, you know, pour me connecter avec les gars. Et à un moment je me suis senti... avec tout ce qui se passe, quand on fait les albums, parfois il y a des petits troubles. On voyage, on ne dort pas, et il y avait beaucoup de choses qui se passaient dans ma tête et dans mon cœur. Et je voulais seulement sortir, the spirit you know?

Exorciser?
Yes exactement, et je commençais à chanter dans la rue "I just feel it, deep in my heart and my soul, vibes and spirit". C'est pas quelque chose de réfléchi. This is not only one thing. C'est beaucoup de choses qui se sont mélangées, beaucoup de feelings. Et pour cela j'ai dit "prend ton canevas, et peint ce que tu veux" parce que ce morceau c'est comme ça. Il y a beaucoup de choses que je veux dire, mais la façon de le dire c'est ces 4 lignes. Un morceau de 4 phrases, et le reste c'est aux écouteurs de l'interpréter. J'ai donné sur ce morceau une profonde émotion, c'est ça.
Merci
Good (rires)

Un subtil mélange des genres

Pour illustrer l'affranchissement des frontières et des styles, ce qui représente ta musique, j'aimerai que tu nous parles du titre "Do", extrait de ton album Hira. Parce que c'était dingue d'associer du flamenco avec du reggae roots, et le résultat est incroyable.
Yes
Raconte nous l'histoire de ce titre.
So "Do", you know. On finissait notre tournée, et je me suis dit "Waouh, il y a une bonne nouvelle qui va venir bientôt, mon fils". Et j'étais dans la voiture et je me dis "je vais devenir papa". Mais avec ce métier d'artiste, j'avais la pression. Et je me dis, "man, oh, qu'est-ce que je dirai à mon fils?", tu vois? Qu'est-ce que j'aimerai dire aux nouveau-nés? Et qu'est-ce que je veux dire aussi au futur. Et je commençais à chanter dans la voiture. Les mots venaient et derrière on me dit "Meta, garde cette mélodie là, c'est super! Ça c'est nice!".

Amour et liberté

On est arrivé à l'hôtel, on a pris la guitare, j'ai commencé à chanter. J'ai pensé beaucoup à ma relation avec mes parents, et comment ils m'ont donné cet amour et m'ont laissé libre. Parce que au Sénégal, you know, on est de la tribu Fulani et mes parents sont connus avec l'Islam, le Coran, tout ça. Il n'y a pas de musicien dans ma famille. Ma mère aimait chanter tout le temps, you know. Ils attendaient que j'aille à l'école, pas chanteur. Mais quand ils ont su que je faisais de la musique, ils m'ont laissé libre de faire mes choix. Et c'est ça que je dis dans le morceau. De passer ça à mon fils "don't be afraid to go far, be loyal, fais what you believe in", c'est ça.

La création, en coulisses

Tu prends ton temps, pour nous offrir des albums de qualité et généreux, avec des morceaux de parfois 5 ou 6 minutes. Indéniablement, on sent que tu aimes le travail bien fait. Comment se passe ce temps de création?
Well, yeah, bonne question. Pour moi, les albums c'est comme des livres, tu vois. On a juste beaucoup de morceaux. Chaque jour on est dans le studio. Et à un moment, on fait les enregistrements. Il y a quelque chose qui dit "oh, je suis prêt", you know ? Et après on écoute les maquettes, tout ça. Après, à travers les maquettes, je vois que j'étais dans un état d'esprit aussi, sans me rendre même compte de l'état d'esprit dans lequel j'étais ces 3 dernières années. Et je sors tous les morceaux, j'écoute bien. Je me dis "ok, ça c'est le même topic, ça c'est connecté, ça c'est connecté...".  Après je reprends ces morceaux, je retravaille les écrits, pour en sortir plus de vibes.

Les étapes

C'est un travail en plusieurs étapes
Exactement, et je suis comme ça aussi avec la composition. Parce que j'aime la mélodie, you know. M'assoir avec le keyboard, la basse. J'aime quand la musique aussi joue avec les paroles et les mélodies. Et l'enregistrement aussi c'est quelque chose que j'aime beaucoup, parce que j'aime que quand on joue un album, qu'il y ait cette qualité, tout le travail. Il y a des musiciens qui sont super talentueux, et j'aime amener beaucoup de musiciens. 2 bassistes, 3 keyboardistes, et faire des featuring pour donner cette vibe, yes. Et ça prend du temps. Les albums ça prend 4 ans, 5 ans, you know, et j'aime cette façon. Il y a des gens qui me disent "il faut sortir des singles, des singles". Mais les singles c'est naze quoi! (rires). Il n'y a pas d'histoire avec les singles tu vois!

Des featurings prestigieux

On va faire un petit détour sur tes nombreux featurings: Julian et Damian Marley, Malik Work, Skankin'Monks, Capleton, Dub Inc, et d'autres. De plus, j'aimerai faire un zoom sur ta collaboration avec Lidiop (dont l'interview est à retrouver ici). Parce que vous défendez des valeurs communes, notamment sur le titre "Road Of Jah", un des plus beaux titres de l'album Soul'n Mind. Raconte nous cette sublime collab.
Well, Lidiop, on s'est connu au Sénégal. Moi j'étais un mauvais student à l'époque. J'étais tout le temps sous l'arbre avec des amis qui fuyaient les cours. On jouait de la guitare tout le temps, on chantait.  C'est comme ça que j'ai connu Lidiop. Il fuyait les cours pour venir nous voir jouer.

Lidiop reconnexion à Paris

Et à un moment donné je suis allé à New York et je commençais à tourner en Europe. Et quand je suis venu à Paris, j'ai rencontré un de mes amis d'école qui m'a dit "tu connais Lidiop ? Il est ici, il joue aussi". C'est comme ça qu'on s'est reconnecté. Il venait dans les concerts. Et je l'invite sur scène, on chante, parce qu'on vient du Sénégal. It's the connexion of our culture. Et aussi entre artiste qui vit à l'extérieur, il faut qu'on se pousse, qu'on se supporte. C'est comme ça, c'était organique. Il est devenu un bon frère pour moi, et on fait tout ensemble quand je suis à Paris. Je suis chez lui, je dors parfois chez lui, you know. C'est aussi ce qu'il a dit, il a une grande simplicité et humilité. Et c'est ça le Sénégal, c'est un pays de la Teranga, yes I.

Le Sénégal, encore à l'honneur

Alors c'est super parce que je vais rebondir là-dessus. En parlant de Lidiop et du Sénégal, je n'ai pas pu être présente au cabaret sauvage en 2018, lorsque vous vous êtes réunis avec Lidiop, Puppa Lek Sen, Natty Jean et Malikal sous le nom de The Gardians. (article à retrouver ici)
Yeah exactly
Alors, est-ce qu'on pourrait remettre ça? (rires)
Yeah, you know, on va le faire. On voulait le remettre depuis longtemps mais après il y a le covid qui est venu. Mais j'espère que bientôt on va recadrer ça et le faire bien, ouai !
Ca va être une belle scène, on va suivre ça!
Yes I!

Les projets

Tu es actuellement en tournée mondiale: Pays Bas, Belgique, New York, Suisse, Allemagne, Canada, Californie, France et Dakar
Yes
On te revoit au Nomade Festival le 4 août?
Oui c'est ça
Il y a une autre date en France en novembre?
En novembre, il y a... (rires), ok, il faut que je regarde parce que j'ai pas tout en tête (rires).
Il y a très peu de dates en France donc on est vraiment ravi de t'avoir aujourd'hui au château de Biron.
Yes, mais peut-être l'année prochaine on va venir avec plein de dates in France, yes!

Et donc, tu termines par Dakar en décembre, c'est la 1ère fois que tu présente l'album au pays?
Cet album oui c'est la 1ère fois. Mais j'y étais, 7 mois passés, pour promouvoir l'album you know et me préparer pour décembre, et faire un bon truc avec les amis, yes

Merci pour ta musique
Merci beaucoup!
Pour ce que tu représentes, l'ambassadeur de la paix. Et merci pour ce temps accordé.
Yes I
Bon concert à toi.



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