Lee “Scratch” Perry and E.R.M. – Humanicity

Chroniquer un « vrai » nouvel album de Mr Lee “Scratch” Perry est un véritable honneur pour moi; alors on va essayer de faire ça dans les règles de l’art !

Voici le menu du jour : en starter, un rapide (mais ô combien intéressant ! si si vous allez voir !) historique sur le personnage, puis dans un second temps, le plat de résistance (de taille), à savoir le nouvel album Humanicity.

Lee Perry est plus connu des services administratifs jamaïcains sous le nom de Rainford Hugh Perry. Né en 1936 à Kendal (Jamaica), le jeune Lee Perry fait ses classes chez le non moins célèbre Clement Coxsone Dodd en tant que vendeur.

Il va enchainer les petits boulots au sein de l’écurie Coxsone : le légendaire Studio One ; jusqu’à devenir le bras droit de Coxsone. Des questions d’argent et le caractère fougueux (dirons-nous) de Perry sonneront le glas de cette collaboration.

Lee Perry va alors simplement à la concurrence, chez le producteur Joe Gibbs. Il continue d’apprendre le métier jusqu’à ce que (roulement de tambours) des questions d’argent et le caractère de Lee Perry mettent un terme à cette fructueuse relation.

En 1968, Perry démarre son propre business, son propre label : Upsetter (un nom qui lui va comme un gant car Upsetter signifie « l’emmerdeur » grosso modo) sur lequel il signe son premier hit en Jamaïque « People funny boy » qui se vend à plusieurs milliers de copies rien que sur l’île.

 

lee perry and the upsetters
 

lee perry's smoking lee scratch perry's screaming

Fort de ce succès, il monte un studio dans son arrière-cour : The Black Ark et se trouve un groupe maison (très évolutif) : The Upsetters dans lequel on retrouve juste la crème des musiciens de l’époque : le pianiste Gladstone Anderson, les frères Aston « Family Man » Barrett et Carlton Barrett respectivement à la bass et à la batterie, Boris Gardiner (Bass), Sly Dunbar (batterie), Earl « Chinna » Smith (guitare), Keith Sterling (clavier), pour ne citer qu’eux.
 

Lee perry at The Black Ark lee perry at the black ark 2


Son style sonore visionnaire et singulièrement unique à l’époque, qui  oscille entre bricolage maison et expérimentations mystico-futuristiques (incursion de reverb, échos, distorsion et autres samples de bruits d’animaux), ainsi que sa dextérité naturelle, font de lui l’un des producteurs les plus prolifiques de ces quarantes dernières années. C’est simple, en expérimentant de la sorte le matériel comme la musique, Lee Perry a marqué à jamais de par son inventivité le Reggae et la Musique de manière générale.

Ce statut de coqueluche underground attire bon nombre de groupes/chanteurs tout au long des 70’s : Max Romeo, Junior Murvin, The Wailers, The Heptones, The Congos, Junior Byles, etc.

 

lee perry and the heptones

Vers la fin de cette décennie, Lee Perry perd de plus en plus pied avec la réalité jusqu’à, selon ses propres dires, brûler le Black Ark et quitter son île natale pour le Royaume-Uni. Les années 80 représentent la période creuse de Scratch qui va rebondir grâce à la rencontre d’Adrian Sherwood et de Mad Professor qui vont lui permettre de relancer sa carrière. Depuis, Scratch enchaine les albums et les collaborations (comme par exemple avec The Beastie Boys sur « Dr. Lee, PhD » en 1998) jusqu’à nos jours.

Cette fois-ci, Lee Perry a travaillé avec E.R.M. pour Easy Riddim Maker. E.R.M., ce sont deux compères basés à Strasbourg : Olivier « Piment » Gangloff (multi-instrumentaliste et ingénieur du son) et Romain « EasyMode » Ferrey (lui aussi ingé son et  Dubman).

Piment et EasyMode sont, comme beaucoup d’entre nous, fans de Lee Perry et décident, dans la plus grande simplicité, de créer un album pour le monsieur. Rien que ça !

L’idée de départ est donc de concocter une bonne dizaine de riddims originaux, fusionnant le bon vieux Roots made in the 70’s avec des techniques plus modernes. A 76 ans, revoici donc Lee « Scratch » Perry au meilleur de sa forme musicale ! 

 

Lee perry and ERM

L’ensemble de l’album est très cohérent et d’une qualité sans faille (ou presque). Les 10 tracks sont toutes de très haut vol. Attention c’est du très lourd ! (Ok 10 tracks c’est un peu court mais là il y a rien à jeter !)
Les textes sont, comme souvent avec Lee Perry, teintés d’humour (beaucoup même), de sexe, de mélancolies (parfois), traitant de toutes sortes de sujets avec son style « upsettant », piquant là où ça fait mal mais toujours avec une pointe (aiguisée comme il faut) de malice et d’ironie. De manière générale, Perry est moins volubile sur cet album que sur le reste de son catalogue, cela permet de placer le mot juste au juste moment.

 

lee perry humanicity

Le 1er titre, « Capricorn » nous met tout de suite dans le bain upbeat syncopé laisse la place au très roots « Diplomat, aristocrat ».
« In the bathroom » est dans la pure tradition des méthodes de mixage du Reggae des années 70 et 80, mettant en avant le chant murmuré de Perry.
Le titre suivant, « Jesus Perry » est moins surprenant mais se laisse apprécier sans problème.

Certains titres comme « 4th Dimension » ou encore « Shuffle » éveilleront des souvenirs c’est certain dans la mesure où les riddims de base utilisés ici sont des classiques de Perry. Vous retrouvez sur « 4th Dimension » la monstrueuse ligne de basse de « Black Board Jungle Dub » et sur « Shuffle » vous reconnaitrez peut être l’ossature de « Rebel’s Hop » des Wailers.

« Lee Meets E.R.M. » vaut le détour rien que pour entendre Lee Perry faire le chaton ! Oui oui ! « Rastafari » est un titre excellent aussi bien mélodiquement qu’au niveau des paroles toujours teintées d’humour. « No Bad Boy » joue la carte du Dub psychédélique avec bruits de poulet en prime, un régal !

Et pour finir, « Move on », un titre étonnant pour certains mais moins surprenant pour d’autres. Je m’explique, ce titre clairement orienté Drum&Bass (à ne pas confondre avec le Dubstep) déconcertera peut-être, mais sachez que c’est un style que Mr Perry a déjà côtoyé et apprivoisé dans les années 90 durant ses multiples passages en UK. < Move on > est moins survolté que les productions Drum&Bass actuelles mais très agréable à écouter.

 


 lee eprry humanicity

Bon en gros, Humanicity, issue d’une très belle rencontre, est clairement l’un de ses albums les plus aboutis et efficaces ces dernières années ! On a du son tout neuf, tout beau et bien Roots qui nous montre clairement que même à 76 ans, le légendaire Scratch est toujours là ! Big up to Mr Perry !

Tracklist :
01. Capricorn
02. Diplomat, Aristocrat
03. In The Bathroom
04. Jesus Perry
05. 4th Dimension
06. Lee Meets ERM
07. Shuffle
08. Rastafari
09. No Bad Boy
10. Move On

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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