Siska - Interview Diggin’The Roots
Siska vient tout juste de dévoiler l’EP Diggin’The Roots. Un projet dans lequel la chanteuse revisite quatre morceaux qui ont marqué sa vie et sa carrière. La Grosse Radio s’est entretenue avec l'artiste originaire de Marseille, il y a quelques jours par téléphone. L’occasion de découvrir cette talentueuse artiste et de comprendre le message de ce Diggin’ The Roots. Un échange que l’on vous invite maintenant à lire.
LGR reggae -Enchanté Siska. Merci de nous accorder du temps pour cette discussion autour de ton EP Diggin’the Roots. C’est un projet sorti le 29 mars et dont la promo est faite par iWelcom Promo (Max – c’est grâce à lui que cet échange a lieu. Merci !!). Il rassemble quatre reprises, quatre morceaux qui ont marqué ton parcours musical et personnel. On va en discuter un peu s’il te plait.
Siska – Qui est ce ?
Tout d’abord. Est-il possible que tu te présentes à nos auditeurs stp ?
Siska - Enchanté La Grosse Radio et merci !! Je m'appelle Siska. Cela fait, je pense 30 ans que je fais de la musique, j'ai commencé petite !! J'ai vite beaucoup tourné. Auparavant, je faisais partie d'un groupe qui s'appelait Watcha Clan. L’ambiance musicale était plus de la World&Base. C'était un mélange de musique un peu chanté en hébreu et en arabe et derrière c'était très électro.
Et là, aujourd’hui, j’ai changé de formation…En fait, quand j'ai fondé ma famille, je me suis dit qu'il fallait que je sois moins sur les routes. Et puis, en fait j'ai recommencé à composer et est apparu le personnage de Siska. C'est quelque chose de plus personnel, ce sont des chansons que j'écris en anglais. Alors, il y a toujours, on sent toujours cette racine un peu électro, mais là c'est un retour un peu à ma, à la musique qui m'a mise à la musique, c'est-à-dire le reggae. Parce que, c'est vrai que, en fait, je n’ai pas fait d'études musicales, je suis autodidacte complète et mon école de musique, on va dire et de vie, ça a été Rasta, la rencontre avec Rasta. Et voilà, là, c'est un peu le retour aux sources.
Le projet Diggin’The Roots
Ce projet, il retrace ton parcours musical.
C'est ça, ce projet, c'est un EP de reprises. Des morceaux qui retracent mon parcours musical, mes influences musicales majeures. Mon truc c'est la composition, je suis compositrice, interprète. L'expérience de la reprise tu vois, c'est périlleux. Donc, j'ai fait vraiment un truc, j'essaie de le faire le plus personnellement possible et le plus sincèrement possible, avec le plus d'humilité possible. Mais c'est vrai que ce n'est pas quelque chose que je fais normalement, mais là c'était vraiment important pour moi de revenir à la source en fait, tu vois.
“Arabian Knight”- Siska (Siouxsie And The Banshees)
On va s’intéresser aux premier morceau dévoilé “Arabian Knight”. On l’a découvert en décembre. Tu peux nous en parler stp ?
Bah écoute. “Arabian Knight” donc de Siouxsie and The Banshees… Bon, Siouxsie, moi, c'est vraiment un personnage qui m'a beaucoup marquée quand j'étais gamine.
Siouxsie
J’ai vu ça en fouillant sur ton Facebook. Que c'était vraiment la chanteuse qui t'avait marquée.
Elle faisait partie d'un crew, en fait de nana un peu post-punk qui… En plus tu vois, c'était à l'époque où justement... Parce que moi, j'aime beaucoup le reggae Music anglais et c'était vraiment la période où voilà, il y avait des groupes comme Steel Pulse qui faisait les premières parties des Clashs tu vois. Il y avait un peu ce mélange entre la musique punk/post-punk/le reggae. Et en fait, ce qu'ils avaient en commun ces gens-là, c'est une vision de la société quoi.
Une chanteuse qui l’a marquée
Et ces meufs là, comme Siouxsie and The Banshees, je kiffais parce qu’elles étaient féministes avant l'heure mais elles n’étaient pas du tout dans une représentation de la femme. Elles voulaient juste être reconnues pour ce qu'elles faisaient, pour leur art, sans distinction de genre quoi. Et moi, ça m'a vachement marquée… Moi, je viens des quartiers nord de Marseille. Je n'avais pas beaucoup de référence en fait. Et vraiment Siouxsie and The Banshees, ça a été une de mes premières références. D'abord, parce que j'adorais sa musique, elle écrit extrêmement bien, c'est vraiment une poète. Et sa posture dans la société, je trouvais ça assez génial quoi. Surtout à cette époque, c’était avant gardiste. Ça faisait du bien pour les petites gamines qui étaient dans les quartiers, qui se posaient pas mal de questions, qui ne se retrouvaient pas dans une société qu’on leur proposait.
De voir des alternatives comme celles de Siouxsie and The Banshees. C'est quelqu'un qui vient d'un milieu assez aisé. On le sent tu vois, parce qu'elle a une grosse culture et elle faisait de la musique post-punk, elle proposait une infusion de la société… C'est un personnage quand même. Et pas super célèbre non plus donc ouais j'aime bien.
“Igziabeher” – Siska (Peter Tosh)
On vient de découvrir un nouveau clip et un nouveau morceau. Une session nyabinghi avec la cover de “Igziabeher” (feat No Night In Zion) de Peter Tosh. Tu rends aussi hommage à Ras Jahby et à Rasta dans ce titre. Alors tout d’abord. Comment avez-vous fait pour faire rentrer autant de monde dans le studio pour une session nyabinghi ?
Ben, il a fallu. On a choisi le studio parce qu'il y avait une grande pièce, vraiment une grande pièce et puis surtout nyabinghi, ce n’est pas fait pour être dans des studios d'enregistrement ou faire des concerts, ce sont des cérémonies. Donc en fait, on a essayé de célébrer ensemble, de faire abstraction un peu de tous ces micros et c'était franchement une expérience inoubliable.
Ras Jahby
Vous vous êtes déjà rassemblé pour des cérémonies en 2021 à la suite du décès de Ras Jahby.
Voilà, alors en fait ce qui se passe, c’est que Ras Jahby, c'est vraiment la personne qui m'a présenté à la musique. C'est un martiniquais qui est arrivé début des années 90 à Marseille, il est passé je pense par Paris. Et du coup, il fait partie vraiment de ces premiers rastas qui ont débarqué à Marseille et qui ont planté les graines de reggae music dans cette ville. Et moi, c'est vraiment là que j'ai appris la musique avec eux. Mais surtout ils m'ont appris… J'étais un peu une gamine, un peu survoltée, très rebelle… Mais je ne trouvais pas, et je me sentais un peu vide et tout. Et vraiment lui, il m'a permis à travers Rasta en fait, de me reconnecter à la nature. J'ai alors compris beaucoup de choses.
Un personnage clé dans la vie de Siska
Il a été un guide dans ta vie professionnelle et personnelle.
C'est ça. Parce qu'en fait, ce qui se passe, c'est que : Comme je te disais, moi je viens des quartiers nord de Marseille, donc j'étais assez rebelle, je trouvais que la vie elle était un peu injuste si tu veux. Et quand j’ai rencontré Rasta. Bah, d'abord, ils ont compris pourquoi j'étais en colère. Parce que rasta, c'est quand même une figure de protestation contre Babylone quoi. Donc là je me suis retrouvée dans ce mouvement-là. Et puis aussi, je manquais de quelque chose qui me dépassait, la spiritualité.
Parce que, je venais d'une famille un peu d'intellectuels de gauche, tu vois qui viennent d'Afrique du Nord et ma mère est d'Europe de l’Est. Ceux sont des gens qui se sont beaucoup, qui ont lutté pour se débarrasser de la religion et moi en fait j'ai fait un peu le chemin inverse. J'avais besoin de spiritualité quoi. Bien que je comprenne, maintenant que je suis parent, que la direction artistique n'est pas des plus rassurante et certainement pas celle dont les parents se font l'image pour leurs enfants.
Et donc, c'est vraiment Rasta qui m'a remplie et qui m'a apaisée en fait. Ras Jahby, c'est vraiment la personne qui a pris du temps, qui m'a fait confiance, qui m'a dit : Il faut que…Enfin, toi tu es faite pour chanter. Et qui a monté mon premier groupe. J'étais déjà encore étudiante, que je tournais avec des rastas qui jouaient mais super bien le reggae et vraiment, je sais que c'était une chance quoi.
Les rencontres qui changent la vie
Ceux sont très souvent nos rencontres qui donnent une direction à nos vies.
Ouais, c'est la vie. Des fois, tu rencontres des gens comme ça, franchement et ça t'aligne quoi. Ça arrive à tout le monde mais là pour moi, c'était vraiment le bon moment et c'était mon chemin en fait, j’ai trouvé mon chemin à ce moment-là.
“Im Nin’Alu” – Siska (Ofra Haza)
On va continuer sur le titre “Im Nin’Alu” qui nous replongent dans ta période Watcha Clan. Ambiance musicale mystique chantée en hébreu et en arabe. Un gros dub en toile de fond. Tu peux nous en parler stp ?
C’est super mystique parce que c'est un poème yéménite du 17e siècle et qui est rempli de spiritualité, mais à l'époque déjà le message il était énorme. C'est : Si les portes du riche restent fermées, celles de là-haut, de dieu resteront ouvertes.
Et ça aurait pu être un message rasta. C’était dans une période où on travaillait. On était assez proche de SOS Méditerranée et vraiment, nous on a appelé ce morceau à l'époque de Watcha Wlan - “Refugees Welcome” et c'est un morceau déjà que j'ai écouté, que mon père écoutait beaucoup, parce que mon père il a une culture orientale; il est Algérien, donc il m'a donné cette culture orientale et c'est vrai qu'il est mystique parce que déjà la langue, elle est mystique ainsi que la mélodie…
Ce morceau, il avait été repris par Ofra Haza dans les années 90. C'est elle qui en a fait un succès. La culture yéménite, c'est ancestral donc c'est très spirituel quoi, c'est très fort.
“Troubles, Heartaches and Sadness” - Siska (Ann Peebles)
On va parler du dernier single “Troubles, Heartaches and Sadness”
C’est une reprise d'Ann Peebles. Donc Ann Peebles pour moi elle représente vraiment les soul women afro-américaines. Au même titre que je pourrais te dire Aretha Franklin. Ce sont vraiment les femmes fortes, les noires américaines qui ont tout démonté quoi. C'est vraiment la musique que j'écoute toujours. La soul, c'est powerful, quoi tu vois, ça te donne la patate ! C’est des femmes de caractère. Cette chanson, elle parle vraiment d’une femme qui dit : Ça y est, j'ai enfin trouvé un amour qui me rendait libre. Quoi et elle explique à son ex. J'imagine que c'est son ex et que c'est bon quoi ! Qu’elle en a fini avec la soumission et qu'il fallait qu'il arrête de la harceler, d'être tout le temps-là. Et j'adore ce message. Je trouve que c'est vraiment, ça représente vraiment les soul women, comme je te le disais que j'aime beaucoup.
Des personnages de caractère influant
Sur cet EP, on retrouve des morceaux avec des artistes et personnages de caractère de toute façon. C’est aussi ce qui nous anime et ce qui donne une force en plus à leurs messages.
Ce sont des personnages. Je pense que dans sa jeunesse, on en a tous qui ont marqué une vision d'un monde. Adolescent, on a besoin quand même de s'identifier à quelque chose. C'est souvent des personnages qui ne sont pas forcément des choses qu'on t'a inculquées, que tes parents t'ont inculqué mais que toi t'as choisi. Des chemins que toi t'as choisi donc du coup c'est vachement marquant. Et moi vraiment, je suis reconnaissance envers ces personnes. Que ce soit Rasta ou ces femmes que je ne connais pas mais que j'ai écoutées et réécoutées. Parce que d'un seul coup je pense que, elles donnent de l'espoir à un mal-être quand tu es ado. C'est important d'avoir des figures comme ça qui te marquent quoi. Ces personnages malgré eux, ils ont été des guides. Je trouve ça chouette !
J'aimerais bien que mes enfants, ils trouvent à un moment donné des personnes comme ça, des figures. On parlait tout à l'heure de Peter Tosh. Peter Tosh, c'est vraiment une figure lunaire dans le reggae. Marley, c'est le soleil et Peter Tosh, c'est vraiment le mec qui ne lâche pas l'affaire : Rebelle à fond, hanté par le diable et dans la lutte tout le temps. No Justice, No Peace ! Et heureusement qu'il y avait des gars comme ça ! Qui ont donné leur vie pour leur cause.
Je pense que c'est gens-là s'ils étaient dans nos livres d'histoire ça ferait du bien. Au même titre que Christophe Colomb. En tout cas, je me suis plus identifiée à des gens comme ça que des Bonaparte.
Les projets à venir de Siska
On a lu que tu bossais sur un second projet qui devrait arriver assez rapidement ?
Assez rapidement, je t'avoue que je suis toujours dedans, tu vois ? Je suis toujours dedans parce que je fais à peu près tout, toute seule. Je suis bien aidée par Clément qui était déjà dans Watcha Clan et qui m'aide beaucoup à produire, arranger. Et là, j'ai commencé une collaboration avec Prince Fatty.
Prince Fatty
Oui, on allait justement en parler après
Un producteur anglais, une figure du reggae londonien que j'aime beaucoup. J'ai toujours été fan et même quand je ne faisais pas du reggae, je me disais : Si un jour je fais un album de reggae, j'aimerais trop que ce mec il me produise des chansons. Et donc, dès que j'ai commencé à écrire mes chansons, je les lui ai envoyées. Et euh…. Ça ne s’est pas fait comme ça, il a fallu plusieurs allers-retours, on s'est rencontré… Et en fait, quand on s'est rencontré c'est trop bien parce que les gars que tu mets vraiment sur un piédestal. Tu te radines à leur studio et tu as l'impression d'être à la maison. Voilà, direct on parle de la même chose. Il n’y a pas d'ego, juste l'amour de la musique.
Tout le monde va dans le même sens avec la même vision des choses, la musique avant tout !
C'est ça et pourtant, tu vois, je pense que je ne suis pas facile. Pour travailler parce que j'ai l'habitude de produire aussi. Donc, je lui fais beaucoup de retours. Je ne suis pas quelqu'un, tu m'envoies un truc, je le fais et puis c'est terminé. Et il le fait et pourtant, je sais qu'il est vachement sollicité et il le fait et on en discute encore et je me dis, c'est génial, il y a encore des gars comme ça ! Et il est vraiment très fort !
Les concerts à venir de Siska
Des concerts qui arrivent avec Prince Fatty notamment.
On a fait une date à Marseille, c’était blindé ! On fait une date ensemble à Lyon et à Paris aussi.
Le 3 mai à Pantin à La Péniche Metaxu
Le 25 mai à Gennevilliers au Tamanoir - Grosse soirée organisée par la salle et le No Logo Festival
La date de Pantin à La Péniche Metaxu, elle est importante pour nous parce que c’est nous qui la produisons avec Prince Fatty. Donc faut venir blinder la salle aussi bien à Pantin et à Lyon !
Merci beaucoup Siska
Merci La Grosse Radio
