8h02, il fait environ 12°C, la journée s’annonce plutôt clémente. Je sors de chez moi pour partir à la mine comme tous les jours de semaine (sic !).
Pour faire passer la pilule, le mieux c’est toujours d’avoir un peu de musique. Je passe la porte, le lecteur MP3 chargé à bloc et dans ses entrailles binaires le dernier opus de Kaly Live Dub. Grand amateur de Dub en tous genres devant l’éternel, un nouvel album de groupe de Dub français est toujours pour moi une excellente nouvelle.
L’avant dernier album, Lightin’ the Shadows, sorti en 2010, était une vraie réussite. Copieux, maitrisé, mêlant Dub Roots comme Kaly live Dub l’a toujours maitrisé et Dub Electro à tendance "Dubstepsiante". Plus affiché et affirmé sur cet opus que sur les précédents, mais diablement efficace. Le Dubstep n’est pas particulièrement ma tasse de thé. Dub et Jungle font très bon ménage ou encore Dub et HipHop mais le Dubstep m’a toujours semblé un peu surfait et surfant sur une vague d’opportunisme mêlé à un manque d’inspiration et de risque, pour être vraiment innovant. Mais ne nous laissons pas avoir par nos (possibles) préjugés. L’aventure s’annonce intrigante et intéressante.
8h04, je passe la porte de l’immeuble, le lecteur démarre. Intro électro sur "Allaxis". Basse démoniaque et épaisse. Le voyage va être chaotique, je le sens. Cette fois, la couleur Dubstep est complètement assumée et mise en avant. Quelques samples de voix, qui ne nous rassurent pas plus, viennent rajouter du volume à l’ensemble qui est déjà sacrément copieux. On a la sensation d’être dans un parc d’attraction abandonné un soir d’Halloween !! Je n’ai rien contre les sensations fortes, mais là j’ai été pris de court.
8h08, l’estomac quelque peu noué, je continue de rider cette montagne russe sonore. Cette fois-ci, je me sens un peu plus en terrain connu. Ambiance plus Roots, un peu plus organique. Ouf ! Le bus démarre. C’est Learoy Green qui prend le relais, du moins au niveau vocal sur un Dub plutôt énervé. "Run and Go Hide", j’aimerais bien mais je suis dans le bus, à découvert et clairement les gens autour de moi se demandent pourquoi je commence à transpirer alors qu’il fait si frais par ce beau matin nuageux.
8h12, "Chord Note", waouw ! La claque. C’est une véritable explosion. J’ai cette fois la sensation de me retrouver à la place d’Alex Delarge ligoté sur un siège avec des images projetées à grande vitesse que je serais obligé d’ingurgiter. La tendance est toujours très Electro, très Dubstep, très bien produite mais tellement loin de ces skanks roots dont on a l’habitude avec Kaly. Ce passage à la Orange mécanique m’a éprouvé, j’avoue. Pas grave, la prochaine track me fera forcément atterrir un peu.
8h15, perdu ! "Can I Make A Wish" démarre avec Learoy Green qui ne me rassure pas beaucoup. L’ambiance est pesante mais légèrement plus agréable que la précédente. Quoique. Petit tressaillement le long de ma colonne vertébrale. La fâcheuse impression de manquer d’air me revient. Le son est très métallique. ‘Ting !’ Place de Clichy ! Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent. Bouffée d’oxygène salvatrice.
8h18, le bus démarre tout comme "Find Us". Toujours plus sombre. Je continue l’écoute de cet opus plus que surprenant. Je suis en mission, je ne peux plus m’arrêter. Je m’éponge le front et on y replonge.
8h23. "Enjoy" ! Introduction plus que mystérieuse. La rondeur de la basse me berce et me rassure après tous ces mini arrêts cardiaques. Le son est plus Roots que le reste. On est en plein milieu de l’album et Kaly live Dub a eu le bon goût de penser à son auditeur en lui offrant cette oasis, clin d’œil à l’héritage des précédents albums. Il ne faudrait pas non plus perdre son public à trop vouloir ratisser sur les terres du Dubstep…
8h27, c’est avec pas mal de cette confiance fraichement retrouvée que j’aborde "No More Dread". Le titre en dit long, est-ce clairement ici la volonté d’en finir avec leurs racines Roots pour s’en aller définitivement vers des contrées électro ? Possible. Difficile d’avancer sereinement en tournant le dos à ses origines cependant…
"No More Dread" est plutôt sympathique. Toujours très électro, et syncopé, mais superbement produite, comme tout le reste de l’album d’ailleurs. Je remue la tête, je crois que je commence à me faire à cette « nouvelle » ambiance darko-électronique.
8h31. Waouww !! Grosse surprise !! "No Bother Jump". Je retrouve les sonorités que je kiffe de Kaly live Dub. Un skank magnifique, Roots avec, cerise sur le gâteau, des vocals de l’ami Learoy Green qui assure à mort ! Clairement, la meilleure tune de l’album. Finis les perles de sueurs froides sur mon front, je suis ravi.
8h35. Reeeeeewind my selecta !!!! Allez c’était vraiment trop frais, faut trop que je me remette "No Bother Jump" !! Et c’est reparti !! C’est bon la mayonnaise prend. Gros smile sur la face, ma voisine de strapontin semble plus en confiance.
8h39. "Pack Ice", dernière tune de l’album. Déjà ? Ouai, 9 chansons c’est court, mais mon trajet en bus touche également à son terme. Parfait donc. Kaly Live Dub veut définitivement entériner son passage à l’Electro-Dubstep à tendance Roots. La tune est magistrale. Maintenant que je suis dans l’ambiance (vous remarquerez que j’ai mis un peu de temps à m’y mettre), j’adhère à fond. C’est vraiment du lourd. La basse est puissante et résonne comme un mégaphone dans mon casque. Dernier arrêt, ‘Ting !’ ; c’est là où je descends.
Encore fébrile, je quitte ma navette et me dirige vers l’inévitable journée de boulot qui m’attend au détour de cette ruelle.
8h43. Ghost track !! Tu l’as (presque) pas vu venir (nan franchement 9 tracks en 3 ans ça fait un peu léger quoi, 10 c’est déjà bien mieux) ! Du Kaly comme on l’aime, dans la même veine que "No Bother Jump" avec Learoy Green en back-up. Ça passe super et ça conclue merveilleusement bien l’album.
8h47. Je passe le pas de la porte. Finis les réjouissances, l’air vicié du building me picote les narines. Retour à la réalité…ou pas.
Au final, Allaxis est un album assez déroutant mais pas surprenant car depuis déjà quelques temps, (depuis 2005 avec Repercuissions pour être précis) on sentait que Kaly Live Dub prenait un virage plutôt Electro. Parti pris donc d’un Dub(step) Electro puissant et ravageur, on n’en sort pas indemne. On a presque l’impression de s’être fait rouler dessus par un rouleau compresseur. La pochette de l’album, plus qu’intrigante (elle représente une abeille vue de face avec un zoom x5000 environ), est en pure symbiose avec le contenu. Surprenante et dérangeante. On n’a pas l’habitude de voir cet type d’animaux d’aussi près !
Que penser de ce nouvel opus de Kaly Live Dub ? Dans un premier temps, c’est toujours bon d’avoir du neuf. Après, il est clair que la voie qu’a choisie Kaly Live Dub ne sera pas du goût de tous, évidemment.
J’entends déjà certains dire qu’ils ont retourné leur veste et opté pour l’opportunisme d’un chemin déjà bien balisé par d’autres, dans l’optique d’être dans l’air du temps et/ou de glaner de nouveaux auditeurs plus jeunes. Ou encore que les rares sons un peu plus Roots sont clairement du fan-service pour ne pas perdre la base solide d’anciens.
A l’inverse, certains vont apprécier. Certains autres diront que la démarche ne manque pas d’intérêt et qu’après tout, la scène Dub française a toujours été en perpétuelle évolution et mutation, à l’image des surprises que nous ont concoctées au fil du temps les Zenzile, Kanka, Ez3kiel ou encore High Tone pour ne citer qu’eux. Et que finalement, cet opus est très cohérent dans ce contexte.
Mais cette réflexion, je vous la laisse. En attendant, n’hésitez pas à écouter Allaxis. C’est un véritable voyage dont on ne revient pas indemne à l’image du magnifique clip de la chanson éponyme (ci-dessous).
Enjoy !