Si je vous dis Toots & the Maytals, vous me répondez automatiquement rocksteady et vous avez immédiatement à l'oreille des titres aussi célèbres que "Funky Kingston" ou encore "Chatty Chatty".
Mais LE tube de Toots & The Maytals reste sans aucun doute le fameux "54-46 was my number" écrit par Frederick "Toots" Hibbert et produit par Leslie Kong. Sorti en 1968, il est devenu un des one riddim les plus célèbres produits en Jamaïque.
Cependant, si l'on regarde d'un peu plus près, il semblerait que l'original soit en réalité "Train to Skaville" des Ethiopians paru un an plus tôt, dans lequel on retrouve la même ligne de basse. Et comme si cela n'était pas suffisant, le riddim possède une double identité : il est en effet connu également sous le nom de "Boops riddim" dû à l'interprétation et au succès de "Boops" par Super Cat en 1986. (Je remercie Salomon Roots pour toutes ces précisions !!).
Un riddim insaisissable donc, quant à ses origines propres, mais qui a traversé les décennies sans prendre une ride. Marcia Griffiths, entre autres, l'une des choristes de Bob Marley, se l'est approprié avec "Feel like jumping" et même les punks français de Nuclear Device, sur l'album Western Electric, lui ont rendu hommage sur deux pistes séparées : "Rudy 54-46 Studio 1" (version ska-punk) et "Rudy 54-46 Studio 2" (version reggae).
Aujourd'hui, enfin il y a deux ans plutôt, c'est le label belge basé à Anvers Flash it Up Music qui nous livre une galette sur laquelle ont toasté onze artistes sur le "54-56 riddim".
Lord Lyta de Flash it Up Music explique la genèse de cette production : "The story begins with this remake of Toots Hibbert’s "54-46 (Was My Number)" Instrumental I had to build for a remix of Mr. Vegas’ “Weed day” 10 years ago, [...] the original instrumental of that more than classic rocksteady/early reggae tune is nowhere (or at least very difficult) to find on any musical support.
In order to build a proper version, I had to sample small pieces of Toots’ original vocal track and reassembled them (in short, cut & paste).
Instead of just dropping the instrumental, we thought it be a great idea to let some of artists I met (virtually or not) along the years record an original tune first & so did I. "
Les artistes dont Lord Lyta nous parle sont, pour la plupart, Européens. Seuls Buyaka San (Brésilien) et Dr Israel (Américain) sont extérieurs au Vieux Continent. Aucun n'est Jamaïcain.
Les Belges, avec notamment Daddy Cookiz (l'un des deux MC d'Atomic Spliff avec Stoneman), et les Français, dont Tribuman, fournissent les plus gros bataillons de toasters ici. Autrement on retrouve l'Espagnol Juza et les Allemands Naja Naja et Pupafro.
Comme indiqué précédemment par Lord Lyta, les instrus restent considérablement les mêmes que celles de 1968; pas de notable évolution, donc.
L'une des premières choses qui frappe en ce qui concerne les interprétations, c'est la ressemblance des flow de A. Thomas sur "Paradise" et de Mr Early Hemp sur "Mr Consumption" avec ceux des membres de Seeed. En effet, on les croirait tout droit sortis des rangs du collectif berlinois. Et pourtant les deux artistes ne sont pas Allemands.
Si Naja Naja sur "Hole" chante en anglais (et avec vocodeur), il en va différemment de Pupafro qui interprète "Becks auf" dans sa langue natale.
Buyaka San dans "My culcha", de par sa proximité géographique avec le berceau du reggae, toaste en créole anglais (et non en portugais) et rend un hommage à la musique ("we just make music, we chill and cool, culcha !!) et à la culture rasta ("herb", "chalice").
"My culcha" rejoint "Notre arme" par Daddy Clean quant au thème abordé : cependant, pour Daddy Clean, la musique n'est plus une culture, mais une arme.
Tribuman évoque sa vie d'artiste nomade dans "4*4 MC" et ses pérégrinations : "Quand on me demande où j'habite, je réponds sur la scène ou en studio, parfois même tu peux m'entendre à la radio". En effet, Tribuman est bel et bien diffusé sur l'antenne de La Grosse Radio Reggae.
Venons-en maintenant aux deux titres les plus efficaces de cet album.
En premier lieu, "112-21" par Dr Israel. Le New-Yorkais issu de Brooklyn qui a déjà plusieurs années d'activisme musical à son actif est celui qui se rapproche le plus de la version originale : ici le "Give it to me one time" devient "Gunshot one time". Dr Israel nous parle effectivement de la violence qui règne dans la "Big Apple".
Et dans un second temps, Daddy Cookiz, avec ses "Good vibes", nous invite à la bonne humeur dans une track à la fois festive et engagée. Il dénonce ainsi Monsanto, la vidéosurveillance, les mensonges des médias, etc...
Si la réactulisation de ce one riddim peut se montrer inégale, je ne peux que vous inciter à suivre les conseils de Daddy Cookiz. Le "54-46 riddim" n'a en effet rien perdu de sa superbe et continue d'apporter et de propager ses "Good vibes".
Un deuxième opus, toujours produit par Flash it Up Music, est également sorti. La chronique arrive très prochainement.
STAY TUNED !!
Tracklist :
1. A Thomas – Paradise
2. Buyaka San – My Culcha
3. Daddy Clean – Notre Arme
4. Daddy Cookiz – Good Vibes
5. Dr Israel – 112-21
6. Juza – Hazme una Senal
7. Mr Early Hemp – Mr Consumtion
8. Naja Naja – Hole
9. Pupafro – Becks Auf
10.TD Rankin – Cool Down
11.Tribuman – 4*4 MC
12.Version