Interview Young Lords

"On fait ce qu’on aime, on essaie de le faire le mieux possible et si ça plait au public c’est parfait." Alex Keren, chanteur des Young Lords

Nous vous avons déjà parlé des Young Lords et de leur excellent album Rise sorti le 18 mars 2016. 

Young Lords c'est la rencontre d'Alex Keren, chanteur plutôt soul et The Handcart, un band de reggae roots marseillais bien connu des reggae addicts. Ils backent notamment des artistes mythiques tels que The Mighty Diamonds, Linval Thompson, Dennis Alcapone ou encore Pablo Moses.

Nous avons voulu faire plus ample connaissance avec eux avec cette interview dans le cadre de la promo de leur album et de la tournée de concerts qui arrive.

J'ai donc rendez-vous avec les Young Lords au pied de Radio Fequence Paris Plurielle qui abrite les studios de Party Time, émission dans laquelle il passait le soir même pour une autre interview et un freestyle musical.

Il y avait Alex Keren le chanteur, Al le bassite et Titi le guitariste. La rencontre est organisée par iWelcom et nous nous rendons dans un bar à côté pour effectuer l’interview.
Tout de suite l'atmosphère est détendue et l’interview se déroule dans une ambiance très décontractée.

- LGR : Merci de nous accorder cette interview. Young Lords est un groupe assez jeune, vous pouvez vous présenter, et expliquer comment vous vous êtes rencontrés ?

- Al (bassiste de Young Lords) : Donc moi c’est Al, le bassiste de Young Lords. Young Lords ça a démarré un soir d’été au Fetival du Mas des Escarravatiers il y a 2 ans. Il y a un festival ou Alex (Alex Keren, le chanteur ndlr) était programmé pour la promo de son album Walkin On. Il jouait guitare, voix et basse acoustique. Du coup moi j’étais au festival là bas, c’était la première partie de Yael Naim. J’ai entendu Alex chanter et il y avait quelques morceaux dans son répertoire où j’ai ressenti des couleurs un peu soul, black music et même un peu reggae, qui parlaient à mon oreille. Donc je me suis dit que sa voix pourrait vraiment aller avec les prods qu’on fait avec The Handcart. Du coup on s’est rencontré, je suis allé le voir à la fin du concert, on a discuté, on s’est revu le lendemain matin, on s’est échangé les numéros de téléphone, les mails. Je lui ai envoyé des prods et 2 ou 3 mois après, il nous a renvoyé un morceau qu’on a écouté avec les gars. Donc ce 1er morceau s’est fait très rapidement au bout de 3 mois. Et ensuite on a fait descendre Alex à Marseille et l’album à commencer à se construire.

- Alex Keren : Voilà ils ont continué à envoyer des riddims, moi j’ai posé les voix à Paris, je suis descendu à Marseille, on a envoyé certains titres à Londres où on a enregistré le featuring avec Dennis Alcapone. Et de fil en aiguille on a fait cet album entre Paris, Londres et Marseille.

- LGR : Donc votre rencontre s’est faite par affinité musicale et amicale ?

- Al : Oui au départ ça été une rencontre par hasard et après une réelle rencontre entre nos univers. Alex était sur la promo de son album donc c’est un artiste qui avait aussi sa carrière solo de son côté en temps que Alex Keren. Nous avec le band The Handcart on a aussi des projets à côté, on bosse beaucoup avec des Jamaïcains qu’on back sur des tournées. C’est la rencontre de ces 2 univers qui a crée Young Lords.

- Titi : Ce mélange on a trouvé ça intéressant, ça nous a donné envie de travailler. Pour nous ça changeait un peu des artistes qu’on invitait sur nos prods habituellement. C’était intéressant de nous ouvrir un petit peu, de ne pas rester dans le reggae uniquement même si c’est ce qu’on apprécie aussi mais c’est ce qui nous a donné envie sur ce projet, c’est que chacun apporte quelque chose de différent.

- LGR : Ça se ressent beaucoup sur l’album. Il y a une couleur musicale entre reggae et soul qui est très harmonieuse.

- Alex Keren : Et ce qui est marrant c’est que j’ai grandi en écoutant du reggae mais je n’en avais jamais vraiment fait avant alors que j’ai toujours voulu en faire. En fait je n’avais jamais rencontré les bonnes personnes avant, c’était souvent des prods qui ne me convenait pas. Et j’ai eu la chance de rencontrer The Handcart. Je ne voulais pas non plus entrer dans un univers qui n’était pas le mien. Le reggae roots à la jamaïcaine, ce n’est pas d’où je viens. Donc ce qu’on a voulu faire c’est justement mélanger leur style au mien pour pouvoir défendre notre projet au mieux sur scène et garder notre identité.

- LGR : Alex, le reggae n'est pas ton style premier, comment as-tu envie d'y venir?

- Alex Keren : En fait j’ai grandi avec du reggae. Avec Bob Marley forcément, Alpha Blondy (il chante "Sweet Fanta Diallo"), avec The Gadiators. Quand j’étais en Angleterre j’écoutais pas mal de reggae aussi notamment Steel Pulse par exemple. Mais la rencontre avec The Handcart ça été vraiment un bon déclic parce que c’était un univers que je connaissais et en même temps que je découvrais avec eux parce qu’ils ont leur propre identité aussi avec leurs instrus.

Young Lords, Rise, The Handcart, Alex Keren

- LGR : Quelle a été votre manière de travailler pour composer vos morceaux ?

- Alex keren : ça s’est fait de plusieurs manières. Il y avait des prods sur lesquelles je posais les voix. Je travaille dans un studio à Paris donc on s’est retrouvé, on a co écrit certains morceaux. Sinon j’ai composé aussi quelques titres, avec les grilles d’accords, pas les arrangements mais les formes de chansons avec la mélodie, les accords et eux ont arrangé les morceaux. Voilà les 3 manières dont on a travaillé cet album.

Al : Il y a eu deux titres sur l’album qui n’étaient pas à la base des prods à nous mais qu’on a composé spécialement pour l’album, ce sont "Someone Else" et "Eyes on you". En fait pour ces 2 morceaux c’est Alex qui nous a envoyé la grille d’accords avec la voix et nous derrière on a composé les riddims. Tous les autres morceaux sont partis de nos prods et Alex posait la voix.

- LGR : Comment vous avez réussi à lier vos univers pop/soul et reggae dans les compositions ?

- Alex Keren : Pour moi la musique c’est la musique point barre. Après j’essaie d’avoir une unité dans ce que je fais. Tu ne peux pas commencer à faire quelque chose de totalement différent non plus pour cet album là en tout cas. Ou alors si je le fais, eux ils enregistrent en studio en le tournant à leur manière et on revient forcément à cette cohésion entre roots reggae avec ma touche un peu soul avec mon timbre de voix qu’on retrouve sur l’album et les cuivres aussi qui jouent beaucoup.

- LGR : De la même manière Handcart est un groupe de reggae roots et sur l’album de Young Lords on est sur quelque chose de très péchu, proche du rock steady.

- Al : On est vraiment roots à la base mais il y a eu un beau travail aussi au niveau des arrangements cuivres. Au passage big up à Jeremy qui a fait tous les arrangements cuivre, c’est notre tromboniste. C’est vraiment une plus value. Surtout maintenant dans le reggae on entend de moins en moins de cuivres et on a eu beaucoup de retours de gens qui nous disaient que ça fait du bien d’entendre des morceaux comme "Under the Sun" ou "Humble" avec des cuivres.

- Titi : Aussi on avait nos prods de base et quand Alex posait sa voix ça nous donnait des idées d’arrangements. On revenait sur ce qu’on avait fait ou les cuivres arrivaient après. C’était ce qui était intéressant, de faire les aller retours entre nos idées respectives et ça permettaient de prendre le meilleur de chacun.

- Al : Toutes les parties instrumentales ont été enregistrées à Marseille. Les cuivres ont été enregistrées par-dessus et les voix ensuite.

Young Lords, Rise, Alex Keren, The Handcart

- LGR : Le style musical que vous avez sur l'album correspond à l'univers que vous créez autour notamment avec votre  style vestimentaire (ils sont tous en costume noir), comment vous est venu cette idée ?

- Al : C’est venu avec le travail de composition en fait. C’est vrai qu’Alex il amène un côté assez classe dans sa musique avec sa voix. Ça fait oublier le côté de notre musique même si nous on ne fait pas du reggae super roots très lent mais ça apportait quand même une certaine élégance dans le style musical. Et donc ça nous a tout de suite fait percuter et pourquoi pas prendre le contre pied de l’image que peut avoir le reggae et de tous se mettre en costume.

- Titi : ça fait un moment qu’on est dans la musique, on a eu beaucoup de projets au fil des années mais sur ce projet là le résultat musical nous tenait à cœur et on voulait essayer de proposer quelque chose de complet. On voulait être cohérent de A à Z tant au niveau de la couleur musicale que de notre style. Le côté d’Alex élégant sur les morceaux, ça nous a donné l’envie de choisir le notre en fonction  de ça aussi et de tout notre univers.

- LGR : Vous pouvez nous expliquer d’où vient ce nom de Young Lords ?

- Al : En fait on a d’abord eu l’idée de la tenue vestimentaire donc d’avoir quelque chose de classe. On était pas forcémenet arrêté sur des costumes mais on recherchait ce style. Après pour le nom on  était plutôt parti sur des noms comme Alex and The Handcart ou quelque chose comme ça. Mais on recherchait une véritable identité de groupe. Et en fait il s’avère que Young Lords déjà en français « les jeunes seigneurs » ça va bien avec l’image qu’on voulait avec les tenues vestimentaires et c’est aussi un groupe équivalent des Black Panthers mais au niveau sud américain (plus d'infos ici). Et comme Alex est d’origine péruvienne c’était vraiment cohérent avec ce qu’on voulait faire. Et en plus comme on a des textes, sans être militants, mais qui portent quand même des messages conscients ça collait aussi.

- LGR : Toujours dans la continuité de cet univers vous avez sorti 2 clips avec un vrai travail visuel et de réalisation intéressant

- Al : oui on a sorti 2 clips et le 3e devrait arriver bientôt, on l’a tourné samedi (19 mars ndlr).

- Alex : Ce clip sera sur le titre "Rise", le titre de l’album. On l’a clipé hier et avant-hier. Et les 2 premiers: "Humble" a été fait en partie sur les docks du sud à Marseille avec une boîte de prod tahitienne, ça s’est super bien passé, et "Under the sun" a été tourné dans une ferronnerie à côté de Marseille. En fait il y a le fond de notre musique et il y a la forme à laquelle on apporte beaucoup de soin aussi. On essaie de ne pas tomber dans le narratif de ce que je chante parce qu’en fait il suffit de fermer les yeux et d’écouter les textes pour ceux qui comprennent l’anglais. Y’a pas besoin forcément de porter à l’image ce qu’on dit. Donc on essaie de prendre ça aussi à contre-pied et d’offrir une autre expérience visuelle que de raconter ce que je chante. On est un groupe et pour moi c’est important de rester un groupe et de ne pas avoir juste le chanteur qui se met en avant.

Al : Et il faut aussi être cohérent avec les moyens qu’on peut avoir. Les 2 premiers clips on les a fait avec très peu de moyens mais on y a refléchi bien en amont pour se donner la direction. Et au final on a des bons retours sur les clips, ça fonctionne pour nous aussi on était content du résultat.

LGR : En tant que groupe vous vous connaissez depuis longtemps ?

Al : ça fait 10 ans qu’on travaille ensemble avec le Handcart plus sur d’autres projets. L’album est sorti le 18 mars et ça fait un an qu’on a lancé vraiment l’aventure Young Lords.

LGR : Quelle différence ça a fait par rapport à vos autres projets.

Titi : c’était quand meme très différent. Par exemple on a fait la totalité de l’album sans avoir jamais fait un seul concert. L’album était fini, on avait jamais fait de date.

Al : C’est vaiment un projet qu’on a pris le temps de mûrir, de refléchir avant de se lancer. Avec ce projet on a déjà fait 2 résidences d’artistes, on a pris un attaché de presse. On essaie de faire les choses de manière carrée.

Young Lords, Rise

LGR : Vous vous concentrez sur ce projet là pour l’instant ou vous avez d’autres projets en parallèle ?

Alex : J’ai fait mon 2e album déjà en tant que Alex Keren, qui est cette fois un peu plus rock/groove. Je l'ai coproduit avec un producteur américain qui a travaillé avec Foo Fighters notamment, c’est encore un autre registre. Pour te dire que j’aime bien ouvrir l’éventail musical, pour m’enrichir de toutes les musiques. Je fais aussi un peu d’Afrobeat avec des gens qui tournent avec Tony Allen aussi. Un projet hip-hop aussi… mais je mets tout ça en reserve parce que Young Lords c’est la priorité, c’est quelque chose qui demande beaucoup d’énergie, on est nombreux. Et a un moment donné tu fais des choses, tu prépares des albums, tu en mets un peu de coté en attendant et là c’est Young Lords qu’on porte. Donc voilà ce que je fais en parrallèle mais c’est en stand by. J’ai des projets aussi en tant que producteurs, réalisateurs plus qu’en tant qu’artiste, je suis aussi ingénieur du son à côté
.
Al : Avec Handcart on a bossé sur la bande originale du documentaire United For Jamaica, projet de l’association KabbaRoots sur la construction d'un centre communataire à Kingston. On a un projet avec la polynésie qui s’appelle Handcart meets Tahiti qui est déjà sorti en digital en fin d’année dernière. Et après on a une tournée avec Pablo Moses au mois de mai. On a quelques projets avec Raspigaous aussi. On monte un plateau avec Young Lords et les Raspi pour tourner en commun.

LGR : Vous aviez déjà eu cette expérience de groupe en tant que backing band ?

Al : Oui j’étais à l’origine du groupe Sons of Gaia. On a continué cette aventure jusqu’en 2004. Ensuite j’ai pris ma basse je suis parti en Jamaïque et Titi il a joué aussi avec les Sons of Gaia.

Titi : ça remonte un peu quand meme. On est parti de faire des groupes locaux et ensuite on a fait pas mal de backing band ensemble et séparement. Et le backing band ça nous plait mais ça nous manquait aussi de faire un projet plus personnel, de prendre le temps de le travaiiler, de faire les arrangements qui nous conviennent, de progresser et surtout de pouvoir porter nos morceaux. Le backing c’est super ça nous a permis de faire plein de choses hyper intéressantes sur scène et on continuera à en faire. Mais la musique c’est bien aussi d’avoir un équilibre plus personnel, que tu mets plus de temps à faire mais qui te tient aussi à cœur.

LGR : En tout cas sur le rendu de l’album ça se voit que vous avez du prendre du plaisir à le faire

Alex Keren : Pour moi c’est ma nouvelle famille maintenant. On a travaillé beaucoup dans le rire. Eux se connaissaient tellement, moi j’étais un peu le nouveau venu, et à Marseille en plus ça taquine (rires), mais ça s’est super bien passé. C’est une rencontre aussi amicale avant tout. Et ce qui est super pour le travail c’est que tout le monde est prêt aussi à se remettre en question pour pousser le projet le plus haut possible. Y’a pas d’ego et c’est vraiment super. C’est assez rare quand même dans un groupe où on est assez nombreux. Chacun a sa personnalité c’est sûr mais on est tous prêts à se remettre en question pour l’intérêt collectif et toujours dans le respect. On ne se prend pas au sérieux non plus, on fait ce qu’on aime, on essaie de le faire le mieux possible et si ça plait au public c’est parfait.

LGR : Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?

Al : Il y a pas mal de dates qui arrivent mais c’est sur que quand tu te lances dans un projet comme ça c’est pas facile, même si on est dans le milieu, on connait. On espère que maintenant qu’on sort l’album ça va faire du bien, vu qu’il y a eu un micro buzz avec les 2 premiers singles qu’on a sortis. On a eu des bons retours pour l’instant donc ça rassure un peu. L’accueil est bon.

Titi : Ce qui nous tient a cœur c’est aussi d’avoir la possibilité de défendre notre album sur scène. On sait ce qu’on veut faire sur scène.

Al : Ce qu’on va essayer de faire c’est de mutualiser certaines dates. On va faire le New Morning avec Pablo Moses donc si on peut faire la 1ere partie avec Young Lords et sur quelques autres dates, ça permettrait d’avoir une bonne visibilité. On est programmé sur les festivals ça permet aussi de jouer devant 4000 personnes et ça permet de nous faire connaître. 
Pour l’instant on a des bons retours c’est positif et la promo se passe bien, ça commence à prendre.
On a le nouveau clip de "Rise" qui arrive aussi. Le réalisateur de Blackstone productions, le même avec qui j’ai bossé pour le documentaire sur la Jamaïque, est venu à Marseille. Il est hyper créatif, il a trouvé une super idée, je vous garde la surprise mais ça sortira avant l’été.
C’est bien de trouver aussi des partenaires, parce que tu veux faire les choses bien mais financièrement c’est pas évident d’autant plus qu’on est nombreux.

Alex Keren : ça vient au fur et à mesure donc il y a des concessions à faire mais d’autres à ne pas faire. Ce qu’on veut défendre en premier c’est l’album donc c’est bien de se retrouver sur le plateau pour le défendre avec toute la formation. Et évidemment tu changes un peu en live avec des petites surprises des choses comme ça, on ne refait pas le cd sur scène mais c’est bien de garder notre unité en concert.

Un grand merci à Young Lords et Max d'iWelcom.

Vous pouvez les retrouver sur scène dans toute la France

Young Lords, Alex Keren, Rise, The handcart
 



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