Il est des albums qu’on attend plus que d’autres. Lorsqu’on sait que le chanteur de Groundation, Harrison "Professor" Stafford, qu’on ne présente plus, sort un album solo avec son Professor Crew composé de la crème des musiciens jamaïcains, lorsque l’on sait cela, le 13 mai a du mal à arriver !
On retrouve donc le chanteur sur One Dance, un album de 12 titres avec aux commandes les légendaires Leroy "Horsemouth" Wallace à la batterie, Flabba Holt à la basse, Dalton Browne aux claviers et Lloyd "Obeah" Denton à la guitare, qui assurent une présence forte sur l’album qui sort chez Soulbeats Record.
Ces 5 artistes réunis ne peuvent faire que des étincelles et c’est bien le ressenti à l’écoute de l’album : étincelant.
On reconnait bien sûr la voix du Professor entre toutes, mais il sait s’émanciper de l’ensemble des productions de sa longue carrière, pour proposer un opus original tout en restant dans la continuité de ce qu’il sait si bien faire.
Les habitués de Groundation seront peut être surpris de certains morceaux qui sortent du pur reggae roots pour explorer d’autres sonorités à l’image du titre eponyme sorti il y a peu dont nous vous présentions le clip en février 2016. Ce ska avec les phases de claviers qui pourraient sortir d’un titre des Daft Punk tout en apportant des chœurs plus classiques, représente bien la recherche musicale sur cet opus.
L’ensemble de l’album apporte un vent de fraicheur, un reggae lumineux et entrainant avec des incursions ska et rocksteady.
C’est d'ailleurs le sens que je comprends a travers le titre One Dance. Le Professor a toujours utilisé la musique comme le moyen de transmettre des messages et apporter une parole positive. La musique avant tout, universelle et intemporelle, que ce soit par le reggae ou d’autres styles, qui peuvent se mixer à travers les productions du Professor qui connait bien son affaire. Et à travers cette musique des messages de paix et d’amour tout aussi universels. Quelle que soit notre origine ou notre classe sociale, nous pouvons tous nous retrouver autour de cette musique, autour d'une danse.
One Dance est l’album d’un amoureux de la musique qui rend un vibrant hommage a sa passion et à ce qu’il aime. Il suffit de prendre les titres de l’album pour s’en rendre compte : "Jah Shine", "Morality", "One Dance", "The Music", "California", "Balance".
On dirait qu'il a voulu rendre hommage à ce qui a construit sa vie. C’est presque un manuel de la vie en harmonie avec la musique en toile de fond.
Les titres ont parfois une tonalité légère avec des chœurs aériens comme "Jah Shine" ou "The Music", une ode à la musique sur des airs chaloupés.
Comme a son habitude avec Groundation, Harrison Stafford utilise les textes et les métaphores pour servir des textes conscients et spirituels souvent liés au mouvement rasta et à la croyance en l'avénement d'un monde meilleur.
Les musiciens sont tour à tour mis en avant. La guitare d'Obeah est souvent sollicitée comme sur "Hush" (silence), un reggae plus profond où la guitare vient faire le contre point des harmonies vocales de Stafford et de ses choeurs. Le clavier n'est pas en reste sur les titres "One Dance", "Jah Shine" ou encore "Balance". Et bien sur le socle basse/batterie qui porte l'ensemble des titres.
Comme un symbole, le dernier titre de l'album "Balance" (équilibre en anglais), nous délivre un message d’espoir pour clore ce bel opus. Harrison Stafford nous décrit une société juste et égalitaire et le bonheur que ce serait d'y vivre.
Il suffit d’écouter les paroles pour être touché par le message :
"Now we hail and chant in joy hip hip hourray" (nous prions et chantons hip hip hourra)
"Just live in love and perfect harmony" (simplement vivre dans l’amour et la parfaite harmonie)
"Would surely bring a strong community" (nous construirons une communauté forte)
"And then we’ll come to see, more joy and unity" (et nous verrons arriver la joie et l’unité)
Il décrit ce zion avec émotion et se dit certain que l’homme puisse y arriver : "Our love can do it, I know we can do it."
Suivent trois dubs qui ne m’ont pas transcendé, n’apportant rien de plus à l’album notamment "Dub Shine" où les jeux sur la voix d’Harrison Stafford ne fonctionnent pas vraiment. Mais cela ne vient en rien ternir le plaisir d'écoute de ces 50 minutes.
Cet album est remarquable à tout point de vue et révèle une maîtrise totale du Professor sur sa musique et le plaisir qu’il a à en faire. C'est aussi un album sur lequel il met en avant ses aspirations en tant qu'individu, ce qu'il faisait peu auparavant. Cela peut expliquer qu'on le retrouve en portrait sur la cover de l'album et qu'il ne contienne pas de featuring. Il s’affranchit des frontières pour faire la musique qui semble lui correspondre le mieux sur le fond comme sur la forme.
Un pur régal pour les oreilles et pour l’esprit.
Un grand monsieur de la musique.