Yes ! Poursuivons l'aventure du nouvel album de Taïwan Mc. Suite de l'excellente chronique de notre chroniqueur Charliedub.
La Grosse Radio Reggae remet un coup de projecteur sur Cool & Deadly, un premier LP très attendu qui est sorti sur le label Chinese Man Records.
Retrouvons l'artiste chez lui, à Paris, tranquille. Une interview avec le smile pour une discussion à bâton rompu sur cette nouvelle production et la création artistique du Mc.
Une lecture agrémentée des tunes nouvellement disponibles sur la toile. Installez-vous, c'est parti... .
Zopelartisto : Tes précédentes productions sont sorties en format EP. Pourquoi ne pas avoir continué dans cet axe ? Qu’est ce qui t’a poussé à franchir l’étape du LP ?
Taïwan Mc : Il était temps ! Après deux EP, plutôt bien reçus par le public, je me suis lancé.
C'est un mélange de volontés. Tous les amis qui te poussent, les artistes, le label Chinese Man, moi-même avions cette volonté de présenter un chouette projet. Je n'aurai jamais pensé faire un album tout seul. Avec l'aide de S.O.A.P, mon réalisateur, Chinese Man, nous avons mis en place cette arme de guerre (rire) Cool & Deadly et j'en suis très content.
Tu sais, au bout d'une année de travail, durant laquelle j'ai écouté les mêmes morceaux quatre à dix fois par jour, mon écoute s'en est trouvée déformée. Je n'avais plus vraiment d'avis. La pause de cet été combinée avec cette sortie automnale m'ont permis de redécouvrir mon travail. Puis, avec l'aide des réactions du public, on a pu se rendre compte qu'on ne s'était pas trompé.
"Avec l'aide de S.O.A.P, mon réalisateur, Chinese Man,
nous avons mis en place cette arme de guerre (rire)
Cool & Deadly et j'en suis très content".
Zopelartisto : Par rapport à ta tracklist, on y voit forcément une certaine construction. Quelle a été ta volonté quant à l'élaboration de ces enchaînements.
Taïwan Mc : Justement, je ne réfléchis pas forcément à l'avance.
A la base, je me suis dis qu'il fallait partir sur la même construction que mon premier EP. C'est à dire faire plein de morceaux très variés. Souvent je les ai élaborés par deux. Deux rock-steady, deux Hip/Hop, deux Rub a Dub, deux ska. Ceci, afin d'avoir un ensemble de tracks bien variées. Mais le problème, c'est que je me suis retrouvé avec trop de matos. Une set-list très hétéroclite s'est alors formée. Ça ne ressemblait plus à un album (rire).
Alors, avec l'aide de S.O.A.P, on a essayé de revenir à ce qui pourrait ressembler à une technique dite "scolaire". On a regroupé les morceaux par style, ensemble, et nous avons appliqué le principe d'une playlist de mixtape. Au final, je pense que c'est une bonne grille de lecture pour les gens. Ils y ont trouvé leur compte. Cette façon de penser, un peu basique, s'est révélée constructive.
Taiwan MC Ft. Chinese Man - "Faya Cyaan Done"
"Au final, je pense que c'est une bonne grille de lecture pour les gens.
Ils y ont trouvé leur compte".
Zopelartisto : Au final, après réécoute, ton album est plutôt Cool ou Deadly ?
Taïwan Mc : Parfois, mes passages préférés sont les passages "Cool". Sauf qu'aujourd'hui se sont les morceaux "Deadly" ! C'est ça qui est bien avec ce disque.
En définitive, ça dépend de l'humeur. Un jour on va être de bonne humeur et ce sont les passages "Cool" qui vont nous parler. Il y a des jours durant lesquels on est plus triste alors, ce sont les morceaux "Deadly" qui vont correspondre. Il y a plusieurs niveaux de lecture ou écoute. Le but était de varier les morceaux sur ce disque pour que le feeling de chacun soit respecté.
"Il y a plusieurs niveaux de lecture ou écoute.
Le but était de varier les morceaux sur ce disque
pour que le feeling de chacun soit respecté".
Zopelartisto : Peux-tu préciser le rôle de Son of a Pitch dans cet album ? Quelles vibrations partagez-vous ?
Taïwan Mc : Alors c'est plutôt le producteur et le réalisateur de l'album. C'est lui qui a composé "Catalina" si l'on veut être précis. Egalement pour "Money in my pocket" pour laquelle j'ai juste apporté une mélodie et deux accords basiques. A nous deux, on fait la composition et la production. Lui, sa spécialité, c'est davantage la production sur mon disque.
C'est moi qui ai composé la majorité des tracks. Lui les a arrangés, améliorés, rendus présentables et agréables à l'oreille. Après certains viennent aussi de Dj Idem ou de Chinese Man, c'est un travail d'équipe.
"J'ai compris que même dans la production,
ça ne servait à rien de chercher une sorte de "Graal".
Zopelartisto : Est-ce que d’éclater les standards musicaux, comme le fait Chinese Man ou S.O.A.P, te permets d’obtenir une certaine liberté dans ton flow ? Dans quelle mesure cette variété musicale influence tes chants ?
Taïwan Mc : Avant de rencontrer Chinese Man j'étais très puriste. J'avais pour ainsi dire des oeillères. Je voulais sonner comme les disques que j'écoutais de telle année ou telle année. Une fois que je les ai rencontrés, j'ai découvert cette fusion de styles. Ils mélangeaient tout dans leur set et dans leur composition. Ça m'a un peu calmé sur le fait d'être aussi tranché dans les styles. J'ai compris que même dans la production ça ne servait à rien de chercher une sorte de "Graal" afin de coller à un style. C'est bien d'avoir des références mais il faut avoir cette ouverture. C'est ce que j'ai retranscrit dans mon premier EP.
J'ai toujours été influencé par le reggae, le ragga, le rub a dub, le jazz, le blues, même le classique parfois. Je ne sais pas si ça s'entend forcément dans ma musique mais en effet les influences sont multiples. Je me suis aussi beaucoup inspiré de la culture musicale britannique. Des artistes jamaïcains qui posent sur la Drum & Bass, ou des styles complétement éloignés de leur style original. C'est tout cet ensemble qui m'a façonné.
Zopelartisto : C'est vrai que l'on se demande toujours de quelle manière vocale tu vas aborder chaque morceau. Lorsque l'on entend les premières notes de la piste.
Taïwan Mc : Je dois aussi t'avouer que j'ai pris des cours de chant ou plutôt des coaching vocaux. J'ai appris des nouveaux trucs que je ne savais pas vraiment faire. J'ai appris à poser ma voix différement. J'ai compris sur certains morceaux qu'il ne servait à rien de chanter fort comme sur scène. Poser sa voix est très important. Ça m'a appris à chanter en économisant mon énergie, le dosage. Ça rejoint ta question sur les différents styles de mon flow.
"Ça m'a appris à chanter en économisant mon énergie, le dosage.
Ça rejoint ta question sur les différents styles de mon flow".
Zopelartisto : Peux tu nous présenter AnouK Aïta ?
Taïwan Mc : Une divine créature ésotérique qui vit dans les nuages ! Plus sérieusement c'est une amie de S.O.A.P et elle a une voix magnifique qui je trouve, s'accorde bien à la mienne !
Zopelartisto : Qu’est ce qui t’a poussé à insérer autant d’influences de la culture hispanique dans cette production ?
Taïwan Mc : J'aime beaucoup les musiques latines, le flamenco, la salsa, le boogaloo, la Cumbia, la chicha etc... donc ça m'a semblé naturel d'essayer de mélanger ça avec mon son. Je n'avais jamais mis en pratique. Je voulais même insérer un morceau Cumbia dans ce projet mais c'était trop éloigné de mon style. En plus je ne maîtrise pas du tout (rire).
Dans le même esprit d'innovation, je voulais également insérer un morceau Drum&Bass en souvenir de la période durant laquelle j'étais Mc dans ce style musical. On a toujours une super instrumentale qui sonne dancehall et Drum& Bass. Mais il y avait déjà le morceau "Catalina" alors nous n'avons pas voulu en rajouter dans l'éloignement auditif par rapport au reste.
Zopelartisto : Quelles sont tes connexions avec cette culture ?
Taïwan Mc : J'ai vécu dans les Caraïbes et au Mexique étant enfant, et j'ai des origines espagnoles ! Mais surtout un pote à moi au lycée avec qui je faisais de la percussion, jouait des congas et était à fond dans la salsa. Il m'avait fait écouter La Fania. Et depuis je suis tombé dedans.
Zopelartisto : Est-ce que tes connexions jamaïcaines ont la même influences sur toi et tes créations ?
Taïwan Mc : Je connais surtout la Jamaïque via la musique, je ne suis jamais allé là bas ! J'aimerais beaucoup y aller un jour et y rester un moment, pour enfin découvrir cette île qui a tant influencé la musique actuelle. J'attends d'avoir les bonnes connections justement pour y aller. Ne pas faire le simple touriste mais surtout pour élaborer des projets sur place.
"J'ai vécu dans les Caraïbes et au Mexique étant enfant".
Zopelartisto : Toujours aussi belle pochette. On imagine la maison de Taïwan Mc avec tout ça à l'intérieur. Peux-tu nous donner des informations sur l’illustration de ta pochette ? Quelle est la liaison entre cette illustration et le projet musical ?
Taïwan Mc : L'idée était de rester dans le même thème que mes deux précédentes pochettes. Une sorte de trilogie. Comme un week-end qui ne s'arrête jamais. Le but était que ce soit une sorte de continuité. Inclure tous les participants à l'album dans l'illustration. Tout le monde est sur la pochette. Tu peux t'amuser à retrouver chacun d'eux si tu le souhaites.
Julien Loïs aka Ouikid a fait un sacré bon boulot. Simon Azuleski a fait tout le design de cette couverture. Il travaille chez Chinese Man.
Zopelartisto : Même pour les martiens ?
Taïwan Mc : Hé hé hé ! C'est à lui qu'il faut demander ! J'avais fait une énorme liste énumérant des choses improbables à mettre sur la pochette. Et au final, il a joué le jeu et a réussi à mettre tous ces éléments. Il a même illustré des jeux de mots que je lui avait proposés.
Taiwan MC Ft. Tumi & Dj Nix'on - "Money In My Pocket"
"Par contre, quand je compose de la musique,
ce sont des souvenirs qui remonte à moi.
Mon esprit se déconnecte quelques secondes et je pars ailleurs".
Zopelartisto : Qu’est ce qui crée, selon toi, le plus d’images mentales chez l’auditeur ? Pour la personne qui va écouter ton disque.
Taïwan Mc : Comme ça je dirais la musique. Je pense que parfois les voix empêchent l'évasion mentale. La musique a davantage de pouvoir pour que l'imagination s'envole.
Zopelartisto : Alors si tu es d'accord avec le fait que les auditeurs visualisent tes titres, est ce que tu visualises tes chansons lorsque tu les chantes ?
Taïwan Mc : Alors non justement, pas du tout. J'ai réfléchi à cette question depuis que tu me l'as posé par écrit.
Par contre, quand je compose de la musique ce sont des souvenirs qui remonte à moi. Mon esprit se déconnecte quelques secondes et je pars ailleurs. Je n'ai aucune image, ni histoire qui se crée durant mes créations ou lorsque je chante. Tout le monde voit les choses différemment mais pour moi rien de ce niveau là.
Zopelartisto : Comment insères-tu la musique dans tes créations ? Quel est l’ordre d’apparition dans ton élaboration de projet.
Taïwan Mc : Je débute d'abord par la musique et l'installation du refrain. Ensuite je construis les lyrics, le couplet en dernier. Je tâtonne, je n'arrive pas à prévoir. Certains composent en ayant une image dans leur esprit. Ils arrivent à visualiser, comme des architectes, la structure d'un morceau à venir. Il savent comment démarrer l'introduction, à quel minutage ils vont mettre le refrain.
Moi je prends mon petit bout de bois, puis un second. Ça ne marche pas, alors je mets des petits cailloux, sans avoir une idée du rendu final de la maison.
Lorsqu'un morceau à moi est réussi je peux l'écouter en pensant que c'est quelqu'un d'autre qui l'a fait. Je me dis alors que c'est vachement bien (rire). Mais je suis toujours surpris par mes productions. Comme un enfant. Si j'avais eu un plan, je n'écouterai jamais mes morceaux parce que je n'aurai pas cet état d'émerveillement. Je penserai uniquement que ça correspond exactement à ce que j'avais prévu. Passons au titre suivant (rire).
"Un corps en mouvement ! Une courbe, des rondeurs"!
Zopelartisto : Faisons quelques clins d'oeil à ton album. Comment va le "Big Bag" ?
Taïwan Mc : Il est encore bien rebondi, ça va ! Mais, il va falloir que je pense à le renouveler (rire).
Zopelartisto : Pour "Bubblin", qu’est ce qui t’a donné cette inspiration de l’amour ?
Taïwan Mc : Un corps en mouvement ! Une courbe, des rondeurs ! Là pour le coup, j'ai bien une image mentale en tête. Voir une femme danser.
Zopelartisto : Est-ce la même inspiration pour "Catalina" ?
Taïwan Mc : Exactement ! C'est en hommage à la Dancehall-Queen. La femme dans le dancehall.
Pour la petite histoire, Paloma Pradal a repris une vieille chanson traditionnelle espagnole, tu vois comme "Frère Jacques". C'est une chanson sans date dont on ne connais pas l'auteur. Elle a adapté ce vieux morceau sur une instrumentale très moderne dancehall. C'est une improvisation en fait. Elle était venue en studio pour chanter sur le refrain d'un autre morceau. Elle avait encore envie de chanter. Nous avons cherché une intrumentale dancehall de S.O.A.P. Elle a posé dessus et elle a déchiré. En dix minutes s'était enregistré. C'est devenu le single de l'album.
"Inclure tous les participants à l'album dans l'illustration.
Tout le monde est sur la pochette".
Zopelartisto : Que représente le milieu Underground pour toi à ton stade de développement artistique ? Est-ce que "Murda Sound" correspond à cette volonté de défendre et de porter haut les couleurs de l’Underground ?
Taïwan Mc : "Murda Sound" c'est un hommage à Cypress Hill, et une certaine époque, une envie de se faire plaisir, pas vraiment de revendication.
J'écoutais du rock à une période, et ce morceau nous est venu naturellement. Underground et Mainstream se mélangent beaucoup de nos jours. J'essaie de garder un pied dans chaque plat. Il faut faire attention à ce que l'on nomme Underground et Mainstream. Ça dépend des considérations de chacun ainsi que des faux semblants.
Un grand merci à Taïwan Mc. Un super moment qui je l'espère vous aura enrichi quant à ce premier LP. A vous procurer sans hésiter !