Si Monsieur Lézard "aime toutes les saisons", on avouera très franchement que l'on préfère tout de même être "bercé par le chant des grillons par une nuit d'été" que de marcher sur "un tapis de feuilles" durant l'automne. Hé oui, l'été est bel et bien fini et avec lui tout son lot de festivals. C'est donc dans les salles de concert que les massives finissent par venir se terrer afin de passer l'hiver au rythme des mélodies du reggae music.
Rendez-vous était donc pris en ce samedi 15 octobre à la salle Marcel Sembat de Chalon-sur-Saône (71). Ce soir-là, Monsieur Lézard, accompagné du Backitive Band, et Broussaï, groupe mâconnais qu'on ne vous présente plus, étaient venus réchauffer le public à grand renfort de good vibes, de riddims bouillonnants et de skanks chaleureux pour une soirée reggae 100% bourguignonne ; enfin pas tout à fait, puisque Monsieur Lézard vit aujourd'hui dans le Sud, mais étant donné qu'il joue de manière continue avec le Backitive Band, originaire de Saône-et-Loire, c'est un peu comme s'il était devenu Bourguignon d'adoption.
Et alors que son prochain album, Comme un chien dans un jeu de quilles, doit sortir au cours de l'année prochaine, Monsieur Lézard continue de "roder le set au fur et à mesure" (citation extraite de notre interview cet été à retrouver ici) avec son backing band. En effet, ce concert était encore l'un des premiers que les artistes donnaient ensemble devant un public. Mais ainsi que l'on avait déjà pu s'en rendre compte au Genestival en juillet dernier (live report ici), il existe effectivement une véritable osmose entre les artistes. Monsieur Lézard & Backitive Band ou la rencontre réussie entre deux générations du reggae français.
Les titres les plus évocateurs du chanteur, "Saltimbanque", "Illégal" ou encore "Si faire de la musique est un crime" interprété en medley avec "Mon pays est malade" sur le ravageur "World a music" riddim, que le Backitive se réapproprie parfaitement, côtoient des morceaux peut-être un peu moins connus du public, mais tout aussi infaillibles, comme "Pas d'or", "Un havre de paix" ou celui dont je vous ai parlé en introduction, à savoir "Saisons", chantés lors d'un "moment poétique". Pour ceux qui auraient l'habitude d'écouter ces derniers en acoustique sur Au Fil du temps..., ces versions sont réorchestrées et électrifiées avec brio. C'est d'ailleurs pendant cette partie du show que Monsieur Lézard se montre le moins exubérant.
En effet, l'artiste, tel un authentique complice des spectateurs, multiplie les déclarations visant à motiver les plus récalcitrants et ceux qui auraient encore un peu de difficulté à rentrer dans la vibe. Sa désormais classique interjection "chaud" immédiatement suivie du "bouillant" du public (expression d'autant plus de circonstance, l'été est fini je vous le rappelle et il faut bien faire émerger la chaleur d'une manière ou d'une autre) est donc toujours aussi bien partagée. L'assistance le lui a bien rendu lorsqu'elle s'est plu à entonner le "ban bourguignon", qui est en quelque sorte l'hymne de la Bourgogne, dont les paroles, peut-être simplistes ("lala lala lalalalalerre..."), mais aussi la gestuelle (le fait de tourner un verre pour mirer la robe d'un vin) restent terriblement efficaces lorsqu'il s'agit d'acclamer un groupe ou de l'inciter à revenir sur scène.
Monsieur Lézard chantera également "Coupable", extrait de son futur album (décidément on n'aura toujours pas droit à "Une Gueulante de plus") et "La Vie est trop belle" avant de dire au revoir au public. Enfin presque...
Lorsque les Broussaï se sont présentés devant les massives, on a directement senti qu'ils étaient en terrain conquis. En effet, le combo jouait à la maison et c'est d'une seule voix que les spectateurs ont repris "Marianne" lorsque Karma a déboulé sur la scène avant que Tchong Libo n'intervienne lui aussi. Les deux acolytes ont alors directement enchaîné sur "Kingston Town" devant un parterre de spectateurs qui faisait monter la pression au fil du set.
Et réciproquement, Broussaï, qui ne compte pas uniquement du roots dans son répertoire, a fait sauter et se déchaîner leurs nombreux fans. En effet, des titres tels que le hip-hop "Jump" ou encore le ska "A l'envers", dont le principal objectif est de mettre le faya en concert, verront justement jumper tout ce petit monde qui, bien que venu se détendre et s'amuser un samedi soir, chantera aussi à l'unisson et poing levé le très conscient et excellent "Poing en l'air". On ne le dira jamais assez, c'est là la force du reggae music : faire autant skanker que réfléchir. "Mister Mandela" l'illustre brillamment : avec son instru planante, le morceau se conclura logiquement par un dub hypnotique puissamment exécuté.
Mais à l'instar d'un Monsieur Lézard, le crew mâconnais sait également tempérer la situation et opérer un retour au calme parmi toute cette agitation. C'est donc un Karma seul, affublé de sa guitare acoustique, qui interprétera "Demain encore".
Puis d'autres titres phares de Broussaï retentiront dans la salle Marcel Sembat : "Contrastes et couleurs", "Rêve d'évolution" ou encore "Soif de liberté". C'est d'ailleurs durant le rappel que le groupe invitera Monsieur Lézard à venir partager la scène pour interpréter chacun leur ganja tune sur le "Génération H" riddim tiré du "Revolution" de Dennis Brown. Et c'est à l'occasion d'un second rappel, après avoir succombé aux appels et "bans bourguignons" incessants du public, que Broussaï reprendra un autre riddim légendaire, le "54-46".
BIG UP à tous les artistes et à toute l'équipe organisatrice de cette soirée !!
Crédit photos : Frédo Mat
