Marcel Salem est né au Sénégal. Celui que l'on surnomme Liga Thiaw, le muet en sérère, a du attendre sa septième année pour balbutier ses premiers mots. En tout bon fils de la terre qu'il est, ses derniers furent pour une alimentation saine. Sa première réflexion fut comment nourrir les siens.
Puis Marcel part découvrir le monde, laissant Mont-Rolland, ses maigres économies récoltées grâce à des petits boulots sont pour sa famille restée au pays. Un beau jour, il se retrouve ruiné et écoeuré par les pratiques douteuses des promoteurs de combats de boxe, lui qui était passé professionnel.
C'est au cours de son périple, le menant du Ghana au Nigeria, qu'il fait la rencontre du saxophoniste et producteur Fela Kuti, qui deviendra sa principale source d'inspiration.
Quand il revient au pays, douze années se sont écoulées. Seul, avec sa guitare, il a ramené dans ses valises un amas de textes et de musiques, que Marcel exprimera sur un rythme reggae.
Il trouve à ce rythme un air révolutionnaire, et un bon moyen de retranscrire toutes ses années de souffrances passées.
Aux goûts éclectiques, il puise ses influences aussi bien dans la Motown que dans le blues. Il n'oublie pas ses racines et, très attaché à sa culture, introduit des rythmes traditionnels et des chants en sérère.
En 2006, dans son premier album Carroy 44, ses textes sont assez conservateurs et très chrétiens. Marcel s'adresse également aux générations futures, et rend hommage aux tirailleurs sénégalais.
Africa Vigilance, sorti lui deux ans plus tard, est plus ancré dans la tradition africaine. Dans ce second album, il s'insurge contre les dirigeants du pays, et pleure son Afrique natale, la douceur de la kora tarissant un peu ses larmes.
Le 9 Décembre prochain verra la sortie de son troisième album Les Charognards, sans doute le plus abouti niveau reggae roots. Il dénonce et fustige le système en place, et pointe du doigt les injustices envers les plus démunis.
Un album dont nous sommes très fiers d'être partenaire à La Grosse Radio.
J'adore ces introductions avec une guitare aux accents rock, accompagnée d'une grosse poussée de cuivres.
"Mayama Sama Baat" traite du sujet compliqué de l'infidélité dans un couple, pouvant avoir des répercussions et des conséquences tragiques.
"Woula" aborde une pratique méconnue, pourtant très en verve dans notre pays. Ce morceau traite de certaines femmes d'origines africaines, dont le but est de se séparer de son conjoint, pour toucher les allocations de femme isolée.
Marcel nous parle de ses origines et de son enfance passée dans son village. "Cuja'a" aborde le thème de la jalousie, qu'untel fait mieux qu'un autre, qu'un troisième possède plus de terres que son voisin, ce qui crée des tensions au sein même de la communauté.
"Maman çà suffit" traite de l'immigration clandestine. Chaque jour, des mères incitent leurs enfants à monter sur des canots de fortune pour aller voir ailleurs, leur prétextant une vie meilleure. La réalité est bien plus sombre, ces mères ne voulant ou, ne pouvant plus élever leurs enfants. Mais peu d'entre eux arrivent à bon port. Bon nombre de leurs copains n'auront pas cette chance. Il dit stop à tout çà dans notre langue.
"Les Charognards" dénonce le système en place. Chez nous, on nomme çà la Françafrique. Les colonisateurs sont venus piller leurs richesses, ne laissant que des miettes et une population appauvrie. Tout çà bien sous couvert des grandes institutions mondiales et l'appui des dirigeants.
Un autre titre chanté dans notre langue, aux couleurs du métissage culturel qui est le sien.
"Pasoob Fa" est un terme sérère pour signifier que les propriétaires terriens, soldent littéralement leurs biens, dans l'espoir de récolter quelques menues monnaies.
"Leeb" aborde quant à lui le thème de l'emploi, plus particulièrement de l'exploitation des employés. Serait-on revenu au temps de l'esclavage? Industriel c'est certain, avec un salaire minimal.
"Irak" est un titre sans équivoque. Quand on évoque ce pays, on pense à la guerre, aux combats menés de front par les américains qu'il cible dans ce titre, et leur suprématie qui a déjà fait tant de dégâts, et engendré tant de maux.
"Yabbi Ndout" parle d'un autre grand fléau qu'est la famine en Afrique. Bien vite oublié la Somalie et ses images d'enfants squelettiques. Aujourd'hui encore, dans certaines contrées, les habitants n'ont même pas de quoi se nourrir, ce qui provoque de graves maladies, et autres problèmes de santé. Certains y laisseront la vie.
Pendant que Marcel Salem mystifie le mensonge dans "Puukereh", il invite la jeune génération sénégalaise dans "Weni Sered", à apprendre et parler la langue locale, à être fiers de leurs origines car, comme lui, ils sont des enfants de la terre avant tout. Un héritage à préserver.
"Guerem" est un hommage d'une mère à son fils disparu au combat. Pendant toute la guerre, le Sénégal fournit des tirailleurs à l'armée française. Sur les 63 000 engagés en France en 1940, 24 000 sont morts ou portés disparus au moment des décomptes.
En guise de mise en bouche, et pour vous tenir en haleine, voici quelques courts extraits des titres qui composent cet album Les Charognards, qui je vous le rappelle sort le 9 Décembre.
A noter que la release party de cet opus, aura lieu le 4 Février 2017 à Paris, dans la salle du Zèbre.
Tracklist:
1 - Mayama Sama Baat
2 - Woula
3 - Cuja'a
4 - Maman çà suffit
5 - Les Charognards
6 - Pasoob Fa
7 - Leeb
8 - Irak
9 - Yaabi Ndout
10 - Puukereh
11 - Weni Sereel
12 - Guereem