Une longue file d'attente avait pris place en ce samedi 28 janvier sur l'accotement du boulevard de Rochechouart à Paris. En effet, les massives s'étaient déplacés en nombre au Trianon pour accueillir Biga*Ranx qui effectuait l'une des dernières dates de sa tournée avant la sortie de son nouvel album.
Roots Attack, sound composé de Jeh Jeh "at the control" et du MC I Fi, a ouvert la soirée en envoyant ses basses loud & heavy, histoire de mettre tout le monde d'accord avant l'arrivée du plus Jamaïcain des Tourangeaux. On aura apprécié skanker sur une dubplate avec Junior Roy mais aussi sur l'une des dernières productions du crew, "Welcome to Kingston" avec Joseph Cotton, sur le fameux "Heavenless" riddim.
C'est alors que les musiciens de Biga*Ranx ont ensuite pris place sur la scène du Trianon. On ne change pas une équipe qui gagne et l'on retrouve donc Antoine Duplicki à la guitare, toujours en mode Jimi Hendrix avec son instrument à l'envers, Alexis Bruggeman à la batterie électronique, et Olo aux machines et spécialiste ès grosses basses.
L'introduction pose les jalons de ce qui va nous attendre durant ce concert. Le trio joue "Under the water", sur un rythme stepper, de manière toujours aussi efficace. C'est propre, c'est carré, c'est pointu, c'est sans fioritures. Les envolées planantes d'Antoine Duplicki traduisent l'évolution esthétique de Biga*Ranx depuis qu'il s'adonne à son rub-a-lounge mélancolique.
Après cette mise en bouche purement instrumentale, Biga*Ranx déboule sur la scène avec un sweat Brigante et interprète direct "Ordinary Day". Mais alors que lors de notre dernière rencontre en concert avec lui au Grand Bastringue de Cluny, on sentait que même son flow capletonien pouvait devenir plus sweet, il n'en était rien ce soir-là au Trianon. Biga*Ranx a montré qu'il garde son statut indétrônable de meilleur MC de cette génération de Français qui chantent en patois jamaïcain ou en anglais. Sa gestuelle et ses mimiques font toujours bonne figure quand il pose son pied sur l'enceinte de retour et en agitant sa main droite index et majeur collés l'un à l'autre façon revolver et Brigante.
Puis il enchaîne sur d'autres classiques, tels que "Zip Bag" ou l'efficace "Storm dance", lui aussi auréolé de nappes vapor d'Antoine Duplicki, avant que le duo Alexis Bruggeman/Olo n'envoie un gros dub bien lourd et dancefloor. On est conquis.
Ça, c'est ce qui concerne les deux premiers albums de Biga*Ranx. Mais le combo a aussi joué des morceaux de Nightbird, comme par exemple, "Paris is a bitch".
Mais là où il a vraiment fait plaisir, c'est quand il s'est mis à reprendre ses morceaux old school, ceux avec lesquels on l'a découvert et qu'on se demandait quel était cet OVNI qui débarquait sur la scène reggae française. Ainsi, quand il a annoncé qu'il allait interpréter le "Militant Riddim" et qu'il a appelé son pote Don Camilo à venir le rejoindre sur scène, on a dit banco !! Ne manquait plus que Maxwell pour reformer ce trio réuni le temps d'un morceau il y a plusieurs années déjà. Peu importe, la combinaison a refonctionné avec brio et on s'est retrouvé plongé dans un flashback.
Et surtout il a chanté ce big tune "Make it this time", ce terrible morceau composé par Kanka et qui fait toujours autant de ravages, même une dizaine d'années plus tard. "Vous savez, Kanka, c'est celui qui fait ça", déclare Biga*Ranx avant qu'Olo ne reproduise les basses abyssales et épiques du titre original. ET BIM !!!
Avec tout ça, on se demande si Biga*Ranx et ses zicos ne sont pas finalement en train de reprendre le flambeau d'une scène dub live française qui, bien malheureusement, est tombée en désuétude ces dernières années. Un peu à la manière de ce qu'ont proposé les Ligerians avec Pilah de Kaly Live Dub (avec qui Biga*Ranx a justement fait un feat. en 2010) au cours du dernier Télérama Dub Festival. En tout cas, une chose est sûre : on ne le dira jamais assez, mais tout ce qui se passe d'important et de novateur aujourd'hui dans le reggae et le dub made in France provient de Tours.
Dans cette lignée, on prend d'ailleurs toujours autant une énorme claque avec le "Gallagher Style" avec cette ambiance dub champagne qu'on affectionne tant et dans lequel Alexis Bruggeman démontre qu'il est un des meilleurs batteurs aujourd'hui en matière de reggae et de dub. D'autant plus qu'Antoine Duplicki a une fois de plus montré toute l'étendue de son talent que ce soit avec le skank ou en s'approchant sur le devant de la scène en introduction du morceau pour effectuer un solo d'une grande classe.
Et forcément, a retenti "Liquid Sunshine" seul extrait "officiel" pour l'instant du Sniff à paraître prochainement. L'esthétique du morceau, avec Blundetto à la prod, est toujours aussi chill sur scène, mais gagne beaucoup plus en basses sous l'influence d'Olo.
Pour finir, lors du rappel, on a espéré voir Big Red surgir au côté de Biga*Ranx pour poser sa voix sur "Sexy", mais il n'en était rien.
Qu'à cela ne tienne, du très bon son était au rendez-vous ce soir-là. Bien qu'on a pu trouver parfois que Biga*Ranx a pu manquer un peu de pêche et d'élan pour motiver son public, il a su rester fidèle à lui-même avec son flow et son charisme inimitables. Et quand on sait qu'il est backé par des artistes qui assurent, alors on sait qu'on peut quitter le Trianon pleinement satisfait du moment qu'on y a passé.
Crédits photos : Avec l'aimable autorisation de Caroline Corrall. Un énorme BIG UP à elle pour son travail.
BIG UP également à Julie et Caroline de X-Ray Production.