Pour la deuxième fois en l'espace d'un mois, La Grosse Radio avait rendez-vous à La Cave à Musique de Mâcon. Après Le Peuple de l'Herbe et MC Jo Hell en février dernier (live report ici), la salle, qui fête cette année ses vingt-cinq années d'existence, avait décidé de programmer, en ce dimanche 19 mars, deux formations représentées par des duos, comprenez les Français de Jahneration et les Italiens de Mellow Mood.
Deux groupes donc qui incarnent chacun à leur manière un certain renouveau en matière de reggae music et qui ont ainsi été réunis par Ovastand et M'A Prod dans le but d'organiser une tournée commune (voir ici) d'une dizaine de dates qui avait commencé quelques jours plus tôt à Audincourt et qui s'achèvera le 26 mars prochain au Zénith de Toulon.
Ce soir-là, ce fut donc à La Cave à Musique que Mellow Mood et Jahneration vinrent poser leurs mics, leurs flows et leurs basses loud & heavy.
Loud & heavy, l'expression colle parfaitement pour le set des Jahneration qui ont ouvert cette soirée. Alors que leur album éponyme, bien produit mais sans réelle prise de risques, sorti en novembre dernier (la grosse chronique ici) faisait clairement état de cette esthétique new roots (comprenez des riddims en très grande partie rub-a-dub résultant de la rencontre entre le reggae et le hip-hop) qui caractérise la nouvelle génération du reggae, l'interprétation des titres de Jahneration prend une tout autre dimension sur scène. Et quelle dimension ! Le crew des Hauts-de-Seine a réorchestré son répertoire avec brio afin de se présenter devant son public devant lequel il a mis le feu.
Qu'on se le dise, la scène dub live française des années 2000 a laissé beaucoup de traces dans le paysage reggae français. On avait pu s'en rendre compte au Télérama Dub Festival avec Joe Pilgrim & The Ligerians et Pilah de Kaly Live Dub (voir ici) ou encore à travers le concert de Biga*Ranx au Trianon (voir ici). Le dub des musiciens de Jahneration est, certes, moins poussé que celui des artistes précédemment cités, mais il n'en demeure pas moins que le socle basse/batterie est terriblement efficace sur scène. Dès l'introduction, uniquement instrumentale, le ton est donné : c'est à la fois puissant et planant, la basse est lourde, le batteur multiplie les effets avec ses pads, le clavier et le guitariste rajoutent quelques touches plus aériennes. Bref, ça nous met bien et on accroche direct !
Puis Théo et Ogach déboulent sur "Reggae Love" et le public réagit immédiatement aux "Hands up !" du duo, ça jumpe et ça chante à l'unisson. Et lorsque, peu après, on entend "Reload" sur le "We Nah Bow" riddim de Manudigital (Manudigital est décidément omniprésent en ce moment), alors ça nous met encore mieux. D'autant plus que le meilleur arrive par la suite avec deux extended versions : d'une part, avec "Run Away" où le dub du backing band fait rayonner sa pleine puissance, le bassiste affirme une fois de plus la maîtrise de son instrument pendant que le clavier s'éclate toujours autant avec ses mélodies psyché, et, d'autre part, sur le stepper "Let Jah Be Praised" où le bassiste s'avance sur le devant de la scène comme pour montrer que la basse est définitivement la chose la plus importante et la plus essentielle créée par l'homme en ce qui concerne le reggae, et où le batteur, déchaîné, fait mal, très très mal.
Et juste avant qu'il ne descende se mêler aux massives pour interpréter le hip-hop "Not like them", Ogach aura son instant en solo où il "délaissera" quelque peu Théo avec "Only" un titre tiraillé entre le breakbeat de C2C et la trap.
Ah oui, au fait, on vous le rappelle, le concert se déroulait ce jour-là à Mâcon, le fief de Broussaï. Vous le voyez venir ? Tchong Libo et Karma ont en effet rejoint les Jahneration pour "Soif de liberté".
Puis on entendra finalement les inévitables "Control your Tempa", la combinaison avec Naâman, et le dubstep "Deh Ya".
Ce fut au tour ensuite de Mellow Mood de venir fouler la scène de La Cave à Musique, mais pour un set moins énergique et fougueux. Le son des Italiens est peut-être plus roots que celui de Jahneration mais c'est surtout le manque d'entrain des deux chanteurs, les fameux jumeaux Garzia, qui nous auront le plus déçus, même s'ils n'omettent jamais de solliciter le public avec des "woyo, woyo yo yo" ou des "hou yeah". Surtout qu'ils n'auront pas oublié de confier aux spectateurs que la France reste un pays qui fait honneur au reggae et qu'ils adorent se rendre dans l'Hexagone. Le flow des chanteurs est très bon, leur association se révèle performante sur scène, mais on a senti qu'il manquait une part d'improvisation dans leur show et que Jacopo et Lorenzo n'auront fait que répéter à la lettre ce qu'ils accomplissent durant cette tournée. A leur décharge, on signalera que cette dernière est riche en dates mais très peu étalée dans le temps et qu'elle se révéle intensive. Ce 19 mars, les jumeaux n'étaient tout simplement pas dans un bon jour.
La force du show de Mellow Mood résidait avant tout dans la très grande qualité de jeu des musiciens : batteur, bassiste et clavier (les jumeaux se relaient quelquefois à la guitare rythmique) sont épaulés par leur ingé son et activiste du dub Paolo Baldini. De la même manière que chez Jahneration, les basses sont très lourdes, ainsi qu'en atteste la séquence instrumentale d'ouverture avant que le duo n'apparaisse sur "Sufferation" et d'enchaîner sur "Criminal". Jacopo et Lorenzo interpréteront également la love song "Let me say loving you".
Et forcément, le morceau où les jumeaux font preuve de leur étonnante complicité demeure "Twinz Invasion" (l'intitulé se suffit à lui-même), un rub-a-dub bien entraînant, puis Théo et Ogach ont évidemment été invités à venir chanter sur le riddim de "Inna Jamaica".
Comme nous vous le disions, Paolo Baldini apporte aux Mellow Mood son expérience en tant que dub master et c'est sur "Innocent" que le duo demandera aux massives "do you love dub music ?", lesquels ont, bien sûr, acquiescé, avant de s'effacer pour laisser libre cours au dub des musiciens et qu'ils nous fassent part de leur potentiel. Le stepper est bien huilé et là aussi le bassiste finira par se rapprocher du public pour rappeler que le dub, c'est surtout une basse proéminente qui vous prend au corps. Et ça marche ! "Tun it up", au titre très évocateur, confirmera cet état de fait.
C'est lors du rappel que Mellow Mood a fini par jouer son hymne, celui que tout le monde attendait, le célébrissime "Dancing Inna Babylon", dont le refrain sera repris par cœur et en chœur par les spectateurs.
Un immense BIG UP à tous les artistes présents ce soir-là ! BIG UP également au staff de La Cave à Musique, à Maxime Nordez d'iWelcom et à Arthur d'Ovastand !
Crédit photos : Live-i-Pix