Quelques heures avant leur apparition sur la scène Greenroom aux Eurockéennes de Belfort, nous sommes partis à la rencontre de Chinese Man.
Sly, l'un des trois DJs du groupe, ainsi que le MC Youthstar qui accompagne Chinese Man sur la tournée, ont accepté de répondre aux questions de La Grosse Radio.
Sly et Youthstar nous font part de leurs impressions concernant les Eurockéennes, mais ils évoquent également le tout premier EP de Youthstar, SA.MOD (la grosse chronique ici), sorti tout récemment.
Bonjour Sly et Youthstar, merci de nous recevoir au nom de La Grosse Radio. Vous êtes de retour aux Eurockéennes cette année sur La Greenroom après avoir été programmés sur La Plage en 2012. Vous montez en grade ?
Sly : Oui, apparemment. Déjà, il faut souligner qu'ils nous ont bien aimé, puisqu'ils nous ont réinvités. Effectivement, c'est sur une chouette scène, on gravit donc les échelons petit à petit. On espère que le temps sera clément et qu'on pourra faire un bon show.
Chinese Man n'a jamais été puriste d'un point de vue musical. Les Eurockéennes s'ouvrent également à d'autres genres que le rock. Que pensez-vous des polémiques qui enflent dues à cette ouverture et qui ont gagné en intensité cette année avec la programmation de Booba et PNL ?
Sly : En effet, c'est dans notre ADN de pratiquer des mélanges et d'être ouverts à de nombreux styles. Ça fait un petit moment déjà que les Eurockéennes ont commencé à élargir la programmation qui est super d'année en année, d'autant plus que le site est génial et cool. Je ne vois donc pas très bien le souci que ça peut poser à certains. Après, oui c'est Booba, il y a des gens qui aiment, d'autres non, mais il reste un artiste important, ça ne me paraît pas bizarre qu'il joue dans un festival de cette dimension. Et pareil pour PNL.
Youthstar : Booba n'est pas le genre d'artiste que j'écoute, ce n'est pas mon style de rap/hip-hop. Mais je respecte tous les artistes même s'ils ne font pas partie de mes goûts. Et comme le disait Sly, ça ne me choque qu'il soit présent aux Eurockéennes. C'est bien de pouvoir retrouver des groupes complètement différents dans les festivals, cela montre leur éclectisme et c'est top !
Youthstar, tu as toi-même sorti un EP très éclectique récemment, SA.MOD. Etait-ce une volonté d'avoir cette touche particulière sur cette production ?
Youthstar : En effet, mais il faut garder à l'esprit que beaucoup de choses changent entre ce qu'on veut faire et le résultat final. Mais il est clair que l'idée principale était de faire quelque chose d'éclectique sur cet EP afin de montrer ce que je peux proposer dans des styles différents. Après, il faut dire qu'il y a pas mal de featurings (rires), il y a juste un track où je suis seul dessus ["Night Terrors", NDLR]. J'ai travaillé avec ces artistes, non seulement parce que je les respecte d'un point de vue personnel, mais également musical. Tout s'est fait naturellement avec eux.
A la production, on retrouve Senbeï, qui lui aussi se montre très hétérogène dans ses compositions (cf Smokey Joe & The Kid). Cela faisait-il aussi partie de cette démarche versatile de faire appel à lui plutôt qu'à Chinese Man ?
Youthstar : En fait, Chinese Man a quand même fait un track pour mon EP !
Sly : Oui, on expliquera après !
Youthstar : Je connais Senbeï depuis plus de dix ans. C'est en effet une personne très éclectique dans sa façon de faire autant en studio qu'en dehors. Son projet Senbeï n'a rien à voir avec Smokey Joe & The Kid et Smokey Joe & The Kid ne ressemble pas à ce qu'il fait avec moi. J'avais déjà travaillé avec lui il y a quelques années sur des instrus dubstep, drum n' bass, etc... C'est quelqu'un en qui j'ai entièrement confiance, artistiquement il défonce. Il est assez ouvert quant au fait d'écouter mes idées. Là encore, tout s'est déroulé naturellement, c'était parfait de pouvoir collaborer avec lui.
Et Papa Style dans le clip "Vocabularious" ?
Youthstar : En fait, il était là à Bordeaux. C'est un ancien pote. Je lui ai dit : "Ecoute, je veux tous les extras possibles dans le clip". Et pour trouver des gens en début de semaine qui arrivent à 6h30 du matin dans un pub, c'est compliqué. D'habitude, les gens partent à 6h30 (rires). Donc finalement, n'importe qui qui était chaud pour être présent dans le clip à ce moment-là était le bienvenu.
Quel était le titre qu'avait initialement composé Chinese Man pour l'EP de Youthstar ?
Sly : Alors, on ne va pas mentir, on a fait une prod pour Youthstar. Après, on va dire qu'on ne travaille pas (rires). Mais on s'est rendu compte quand on développait l'instru qu'elle collait très bien avec notre album Shikantaza. Et Youthstar aimait bien le beat mais il n'avait pas forcément une idée très précise de la manière dont il allait pouvoir se poser sur tout le morceau. Du coup, ça tombait parfaitement, puisque ce track est devenu "Blah" qui est sur l'album et qu'on joue aussi en live. Youthstar a son couplet adéquat, on peut s'amuser dessus avec les potes d'A.S.M sur scène, Taiwan MC est sur la version studio avec Illaman. Finalement on a participé à son EP mais ça a abouti chez nous, c'est quelque chose d'assez familial en somme.
Jouez-vous certains morceaux du EP de Youthstar sur scène ?
Youthstar : Oui, il y a la seule chanson sans featuring, "Night Terrors". On la joue régulièrement depuis le début de l'année. C'est un track un peu plus agressif mais ça colle super bien à cette partie-là du set où ça part plus progressivement en mode énervé.
Sly : C'est très agréable pour nous, puisqu'il s'agit d'une prod de Senbeï qu'on a dû retravailler afin de la jouer sur scène. C'est dans un style dubstep, voire trap, on en écoute beaucoup, mais il n'y en a pas forcément énormément dans le set. Ce morceau s'intègre donc parfaitement dans cette partie plus intense. On remercie Youthstar et Senbeï de nous laisser massacrer leur morceau (rires).
Tu viens d'évoquer le trap, qui est très majoritaire dans le hip-hop aujourd'hui, contrairement aux instrus boom-bap qui régnaient auparavant. Que pensez-vous du mouvement trap ?
Sly : C'est comme toutes les musiques, il y a à boire et à manger, comme à l'époque où le dubstep a explosé, on trouvait tellement de productions, qu'il fallait faire le tri. On aime bien beaucoup de morceaux trap, on en écoute, on injecte quelques éléments trap dans notre musique maintenant. J'ai cependant un peu peur que ça s'uniformise et que le rap ne devienne uniquement du trap maintenant, je suis donc content que de jeunes artistes utilisent encore des instrus boom-bap aujourd'hui. Dans la nouvelle génération, il y a les deux mouvements : soit trap à fond, soit prods à l'ancienne ; je penche plutôt sur la deuxième branche, mais il existe tout de même énormément de morceaux trap qui sont des tueries.
Vous écoutez des artistes trap en particulier ?
Sly : L'hymne officiel du tour bus c'est Lil Yachty, on l'écoute à peu près tous les jours. Ce n'est pas le meilleur dans le trap, mais ça nous fait délirer.
Youthstar : L'année dernière, on écoutait également beaucoup "Higher Ground" de TNGHT feat. Hudson Mohawke & Lunice.
Sly : Dans le trap, c'est difficile de suivre un album ou un artiste en particulier. Tu prends des morceaux, tu les rinces pendant des mois et après tu passes à autre chose. C'est un peu la nouvelle manière de consommer la musique avec énormément de singles, ce qui n'est pas forcément un mal, mais c'est vrai que c'est dur de retenir vraiment un mec charismatique.
Revenons aux Eurockéennes. Comment abordez-vous votre set dans ce genre de festival où le public est constitué de fans qui vous connaissent et de novices qui vous découvrent, mais où il est aussi éclaté entre différentes sensibilités (rock, rap, electro, etc...) ?
Sly : Naturellement, les gens qui nous aiment bien se mettent devant et ceux qui viennent par curiosité se trouvent derrière.
Youthstar : Et au milieu, il y a aussi des spectateurs qui "foutent le bordel" (rires).
Sly : En effet. Et c'est quand on commence à voir les mecs du fond agiter les bras qu'on se dit qu'on a fait une grosse partie du taf. Mais le vrai challenge en festival c'est d'adapter la setlist. On a débuté la tournée dans des SMAC, des petites jauges qui correspondaient assez bien à ce qu'on avait en tête pour Shikantaza, mais en attaquant les festivals on a dû se poser un peu plus de questions quant à savoir quels morceaux en quête d'efficacité on allait pouvoir conserver. On essaye de garder des moments plus relax, mais en festival les gens viennent avant tout pour s'éclater, il faut donc que notre show soit "in your face". On trouve donc toujours un terrain d'entente avec le public, qu'il soit constitué de rockeurs ou de rappeurs. Les gens peuvent toujours se retrouver dans notre set à un moment ou à un autre, puisqu'on essaye de le penser de façon vivante et énergique.
Un dernier mot pour La Grosse Radio ?
Sly : BIG UP La Grosse Radio ! Depuis des années, on a une relation un peu spéciale.
Youthstar : BIG UP La Grosse Radio ! Smash it up !!
BIG UP à vous également Sly et Youthstar. Merci de nous avoir accordé cette interview.
Merci également au staff d'Ephélide pour avoir organisé cette rencontre.