Si Chicago est avant tout connue, musicalement parlant, pour son jazz, son blues et pour avoir été le berceau de la house, elle n'est pas spécifiquement réputée pour son reggae. Ce dernier, aux Etats-Unis, étant essentiellement concentré sur les littoraux et principalement celui du Pacifique, avec des groupes qu'on ne vous présente plus comme Groundation, Stick Figure, Rebelution, etc...
Le groupe qui nous intéresse aujourd'hui, The Drastics, provient donc de la ville qui aura consacré Michael Jordan comme le plus grand basketteur ayant jamais existé. Métaphore sportive à l'appui, les musiciens de The Drastics savent groover autant que Jordan savait dunker. L'inconvénient, c'est que The Drastics ne sont pas aussi reconnus et c'est bien dommageable. A notre humble niveau, nous avons donc décidé à La Grosse Radio, de mettre en lumière ce groupe qui mérite très largement de recevoir toute la part d'attention qui lui est due.
Brièvement, The Drastics est un band formé en 2003 et composé de Anthony Abbinanti à la batterie, clavier et percus, Brian Citro et Elliot Ross à la guitare, Chris Merrill à la basse, Tom Riley au saxophone et Andrew Zelm au trombone. The Drastics pratiquent un reggae très orienté roots, notamment rub-a-dub, puisqu'ils se réfèrent grandement aux Roots Radics (on remarque ainsi une certaine consonnance entre Drastics et Radics et on peut même faire une analogie avec les excellents Tourangeaux de The Roots Addict), tout en rajoutant pléthore d'effets dub dans leurs compositions. Ils ont déjà sorti plusieurs albums, dont le Chicago Massive, paru en 2006, demeure pour nous leur chef-d'œuvre. N'étant pas originaires de Chicago par hasard, The Drastics portent en eux les influences propres à la ville ; leur musique sonne jazz, soul, blues, voire même rock, ce qui nous fait donc affirmer qu'elle groove grave.
En mars dernier, The Drastics dévoilaient leur tout nouvel album, Noir (dont la pochette rappelle celles de Scientist, The Drastics étant aussi des virtuoses du dub et nous avons de bonnes raisons de penser que le disciple de King Tubby fait partie de leurs plus grosses influences), qui s'inscrit dans la lignée des précédents, ce qui signifie que c'est propre et pointu et que les arrangements et le mixage ont été exécutés avec maestria par le batteur Anthony Abbinanti. Mais contrairement à Chicago Massive, cet opus reste principalement d'essence reggae et on aurait préféré quelques incursions également dans d'autres genres comme The Drastics savent si bien le faire. Peu importe.
Ce qui nous enchante plutôt à travers ce Noir c'est de retrouver Michigan & Smiley, dès le morceau d'ouverture "What A Ting", que le band a invité à se poser sur son riddim. Tous les éléments indispensables à une instru rub-a-dub de qualité sont réunis ici : une ligne de basse hypnotique, un kick et un snare qui percutent ; rajoutez à cela un peu de reverb, une pédale d'effets à la Sly Dunbar et un clavier digne de Jackie Mittoo et vous obtenez un track qui augure un album maîtrisé de la première à la dernière note.
Et le rub-a-dub continue de plus belle avec la piste suivante, "The Lick", sur laquelle on retrouve le toaster panaméen MC Zulu. Les cuivres et les cocottes font ici leur apparition sur ce riddim toujours aussi groovy pendant que le clavier et la reverb confirment encore leur présence.
C'est ensuite du côté du rockers que The Drastics nous embarquent avec le purement instrumental, à la limite du dub, "Bulgarian Betty", un titre à l'efficacité redoutable avec son synthé 80's, puis avec Mike & Leo qui chantent sur "Supply You Demanded" gratifié d'un sax exaltant. Le rockers marque également de son empreinte le terrible "Rasta Cry" en feat. avec Naggo "Dolphin" Morris & Zion Iyahbinghi ; de nyabinghi il en est justement question avec des percus qui secondent la batterie avec brio pendant que le Hammond de Gary Palmer confère une tonalité encore plus brute à la gravité du morceau. Et toujours ce clavier à la Jackie Mittoo en bruit de fond. "Rasta Cry" est un pur track dancefloor !
The Drastics reviennent ensuite avec la lourdeur du rub-a-dub sur les autres titres. On se retrouve bercé par la voix suave et soul de Katie Kaden sur "So Sweet" pendant que Cosmos Ray (on vous reparle très bientôt de lui avec un autre de ses projets) se pose sur "In Our Town" avec des intonations proches de celles d'un Cedric Myton ; et là encore on apprécie beaucoup les cuivres ainsi que les références à Jackie Mittoo qui, décidément, traverse cet album de part en part.
Fada Dougou, avec son phrasé proche du spoken word, est le dernier featuring vocal à intervenir sur Noir avec le track "Ne Kona", avant que l'instrumental "Sly Fox" ne vienne conclure cet album et annoncer Noir Dub (sorti en avril) qui regroupe les déclinaisons dub des morceaux présents ici.
Le son de The Drastics nous a globalement conquis sur cet opus. La rigueur des musiciens qui pratiquent leur jeu de manière stricte et implacable est renforcée par une post-production (arrangements et mixage) des plus réussies. C'est peut-être une évidence de le dire, mais The Drastics portent très bien leur nom ; l'écart de conduite est en effet inexistant chez ce brillant band de Chicago.
Noir est disponible à l'écoute en streaming sur Bandcamp.
TRACKLIST
1. What A Ting feat Michigan & Smiley
2. The Lick feat MC ZULU
3. Bulgarian Betty
4. Supply You Demanded feat Mike & Leo
5. So Sweet feat Katie Kaden
6. Rasta Cry feat Naggo ‘Dolphin’ Morris & Zion Iyahbingi
7. In Our Town feat Cosmos Ray
8. Ne Kona feat Fada Dougou
9. Sly Fox