Le festival Indétour est un petit nouveau dans le paysage événementiel hexagonal. Pour la deuxième année consécutive, Indétour Records en collaboration avec GoodVib'z Production ont ainsi convié les massives à se rendre à l'Espace de Tival de Kingersheim, à proximité de Mulhouse, les 13 et 14 octobre derniers. Nous avons bien pris soin de préciser "événementiel" et non pas uniquement "reggae", puisque la programmation dudit festival ne se borne pas au genre né à Kingston et propose également du hip-hop. Quoi de plus normal, le hip-hop et le reggae sont deux cousins aux affinités évidentes.
Si l'année dernière, c'étaient Alpha Wann (nous vous invitons, si ce n'est déjà fait, à écouter son éééénorme "Vinyle" sur l'ééééénorme dernier album de Nekfeu) et MZ qui étaient présents et programmés aux côtés de Taïro, Scars, Raging Fyah et Stick Figure, l'édition 2017 a fait se côtoyer sur l'affiche Sofiane et Afu-Ra, pour le versant hip-hop, Taiwan MC, Manudigital & Joseph Cotton et Lion Size backé par les selectas Vidjah et I-Zaak lors de la soirée reggae.
A notre plus grand regret, notre emploi du temps ne nous le permettant pas, nous n'avons pas pu assister à la première journée du festival. C'est donc plus motivés que jamais que nous avons pris la direction de Kingersheim le samedi 14 octobre pour nous frotter au line-up reggae.
Arrivés sur place, l'accueil du staff est chaleureux, on sent immédiatement qu'on va passer un bon moment. A proximité du bar (c'est toujours utile de préciser ce genre de détail) dans le hall, KingZion Sound ouvre les hostilités avec ses sélections ska, rocksteady, early reggae. Le ton va ensuite monter crescendo au fil de la soirée, les spectateurs venant tout juste d'entrer dans la place, on n'allait pas les accueillir avec du gros stepper bien gras à l'anglaise !! KingZion Sound a donc alterné entre un cut du "Simmer Down" de qui vous savez, le "Rockfort Rock" et, histoire d'annoncer l'une des têtes d'affiche du festival, le "Roadblock" de General Levy sur un riddim de...Manudigital.
L'heure tournant, il fallait ensuite nous rendre dans la salle, afin de découvrir Lion Size et les deux selectas qui l'accompagnaient ce soir-là, I-Zaak et Vidjah. Et quelle ne fut pas notre surprise de voir qu'I-Zaak est un jeune adolescent de 12 ans ! On pensait que c'étaient seulement les toasters et autres MCs qui pouvaient mash up le dancehall à cet âge, mais non, même les DJs en sont capables. Et selecta I-Zaak nous a montré, durant le warm up qu'il avait l'étoffe d'un grand avec ses big bad tunes. En gros, il nous a joué que des morceaux bien ruffs, comme des rub-a-dub modernes bien lourds, le "Rebel Frequency" de Nattali Rize et le "We Are" de Morgan Heritage ou des dubstep à base de skank, dont le "Nobody Knows" de Perfect Giddimani sur le "World War III" riddim d'Irie Ites (voir ici) et l'inévitable "Make It Bun Dem" de Damian Marley & Skrillex, pendant que Vidjah prenait le mic pour chauffer les massives.
Puis, Lion Size est apparu sur la scène pour nous présenter, entre autres, son premier EP qui devrait voir le jour très prochainement, produit par GoodVib'z Production en partenariat avec Irie Ites et comportant notamment un featuring avec Perfect Giddimani. Très à l'aise, le jeune chanteur a enchaîné les morceaux sur des riddims tantôt rub-a-dub, tantôt dancehall. Lion Size n'est ainsi pas sectaire, il peut se poser sur des instrus différentes par la forme et, par extension, il peut ainsi ouvrir son flow à des styles variés, ainsi qu'il nous le confiera dans une interview à retrouver bientôt sur le webzine. On a donc pu écouter son timbre oscillant entre des influences soul, plus deejay, ou alors carrément portées sur le fast style à l'anglaise. On vous reparlera assurément de Lion Size à l'avenir !
Crédit photo : David Nconforme
Notre dernière rencontre avec Manudigital en live date de l'année dernière au Télérama Dub Festival (le gros report ici). Depuis, il s'en est passé des choses pour le beatmaker, mais la configuration du show demeurait à peu près la même qu'en novembre 2016 ; il est toujours suppléé par son clavier Faycee et son batteur Rico et quelques écrans latéraux. Seule modification notable : Manudigital n'est plus muni de tout son attirail de machines, seuls un synthé et sa MPC lui suffisent et il occupe désormais le devant de la scène, il n'est plus retranché au fond. Et ce soir-là, c'est le grand (dans tous les sens du terme) Joseph Cotton qui officiait en qualité de MC, normal puisque lui et Manudigital ont sorti un EP récemment ensemble (la grosse chronique ici). On entendra ainsi bien évidemment quelques tunes de cette production comme le très digital "Street President" ou le dancehall "Devil Inside".
On savait donc déjà que l'association entre les deux artistes fonctionnait à merveille sur disque, elle se confirme en live : une réelle complicité et une véritable osmose règnent entre eux. Osmose aussi entre le public et Joseph Cotton, qui, lors de son escapade rituelle dans la fosse, prendra beaucoup de plaisir à toaster parmi les massives. Le Jamaïcain se posera également sur quelques riddims classiques comme le "Punanny" ou le "Sleng Teng", mais aussi sur le "Still Dre" de Dr Dre. Qui l'eût cru ?
On retiendra enfin du set de Manudigital un travail considérable pour revisiter en dub certains de ses morceaux. En cela, il est épaulé par ses excellents musiciens, ce qui nous pousse à dire qu'avec cette formule en band, Manudigital perpétue la tradition du dub live à la française. On a en effet ressenti une certaine analogie entre le son très propre et carré de Faycee et Rico et ce que pouvait jouer Kaly Live Dub douze, quinze ans en arrière. Burro Banton et Linval Thompson auront ainsi eu droit à des extended versions sublimes.
Pour finir, Manudigital a dit au revoir au public (enfin, pas tout à fait, vous comprendrez plus tard) en revisitant en drum n'bass le "54-46" de Toots & The Maytals.
Taiwan MC a remplacé au pied levé Biga*Ranx, qui s'est rendu indisponible pour raisons de santé. N'ayant pas perdu au change, nous avons l'honneur de nous installer devant l'auteur de l'excellent Cool & Deadly paru l'année dernière (la grosse chronique ici). Ce n'est pas Son Of A Pitch, beatmaker principal de son album, mais un autre intervenant de l'opus, en l'occurence DJ Idem, qui a backé Taiwan MC ce soir-là. Et quelle ne fut pas notre claque devant le show (puisqu'il faut bien parler de show) opéré par le DJ ! Mixant tout ou presque pendant le warm up, du hip-hop, du grime, du trap, du drum n'bass, un peu de house, et bien évidemment du reggae, DJ Idem a fait montre de sa culture musicale très large, comme tout bon DJ qui se respecte. Et en tant que turntablist, il a forcément scratché avec une maestria incroyable, tournant sur lui-même ou déplaçant le cross fader avec son nez (oui, oui !).
C'est alors que Taiwan MC a surgi pour interpréter direct "A Mi Lado" immédiatement suivi de "Fyah Cyann Done". Le flow est affûté, aiguisé comme une lame pour paraphraser un certain groupe de ragga français. Taiwan MC nous met bien. Du fait de son expérience passée avec Chinese Man, on aura bien sûr droit au fameux "Miss Chang", puis il souhaitera "un bon rétablissement" à Biga*Ranx avant de lancer "Mojo Rydim" sur lequel on retrouve aussi le Tourangeau. Et ce qu'il y a de bien avec Taiwan MC, c'est que lui non plus n'est pas du tout fermé, il offre un panel musical assez large, comme son Cool & Deadly en atteste : qu'il s'agisse du mad dancehall "Catalina" ou du plus roots "Dem A Wonder", Taiwan MC sait se réapproprier tous les styles de reggae. Il saura motiver encore plus un public chaud bouillant, à l'instar d'un Manudigital qu'on a vu skanker et s'éclater comme un dingue au milieu des massives. Et on reverra de nouveau DJ Idem lui aussi s'éclater comme un dingue lors d'un intermède turntablism durant le set du MC. A son retour sur scène, Taiwan MC se posera sur des tracks plus anciens comme "Stand Tall" ou "Blaze It Up" et offrira en "exclu" aux spectateurs de Mulhouse un morceau qu'il venait tout juste de faire avec Riddim Tuffa.
Bref, inutile de vous préciser qu'on a grave kiffé cette soirée et notre première confrontation avec le festival Indétour. Il y a donc de très fortes chances qu'on retourne à Mulhouse l'année prochaine. Et là, promis, on essaiera de couvrir les deux soirées, hip-hop et reggae.
BIG UP à tous les artistes présents au cours du festival !
BIG UP également aux associations Indétour Records et Good Vib'z Production pour leur accueil, leurs good vibes (forcément) et leur organisation au top !