Comme tous les ans, depuis que le Télérama Dub Festival a gagné en ampleur et en popularité, la date parisienne est la cerise sur le gâteau du plus gros événement dub de l'Hexagone. Elle est le point d'orgue de ce festival itinérant qui, cette année, fêtait ces 15 ans.
Il s'en est passé des choses en 15 ans du côté de la scène dub en France. Alors que le Télérama Dub Festival avait pour but de donner une certaine assise médiatique à un mouvement qui venait tout juste d'éclore quelques années plus tôt, ce n'étaient "que" quelques centaines de personnes qui étaient venues applaudir High Tone ou Zenzile au Glazart en 2002. Quinze ans plus tard, plusieurs milliers de personnes (peut-être parmi elles des gens du Glazart) ont pris le chemin des Docks de Paris pour retrouver High Tone mais aussi moult sound systems ou sound tout simplement. Car la scène dub a évolué en 15 ans, beaucoup évolué. Si ce sont les groupes live qui ont instauré et popularisé le dub en France, la place a aujourd'hui été prise par les sound systems. On ne compte plus les soirées dub (en général le nom d'une ville suivi de la locution "Dub Club") qui se déroulent aux quatre coins du pays.
Ainsi, si le sound est aujourd'hui dominant, le Télérama Dub Festival a tout de même tenu à conserver sa singularité en programmant à la fois des groupes de live et des sounds.
Organisée aux Docks de Paris, après avoir résidé au 104 jusqu'en 2013, la soirée parisienne se déroule dans plusieurs salles (ou halls ou hangars, bref, appelez cela comme vous le souhaitez) qui portent chacune le nom de la tête d'affiche qui y joue ou du sound qui la sonorise. Les massives ont donc pu naviguer entre trois salles, dont un chapiteau, qui portaient les noms évocateurs de High Tone Hall, Stand High Hall et I-Skankers Hall.
L'offre musicale était ainsi pléthorique ce soir-là, puisque plusieurs formations (entre cinq et sept) se succédèrent dans chaque hall.
Arrivés sur place, nous fonçons immédiatement au I-Skankers Arena attirés comme un aimant par les infra-basses qui résonnent de partout. Deux murs nous acceuillent qui diffusent notamment le "Back Off Ringraft" de Johnny Osbourne sur un riddim des Roots Radics : on sent qu'on va passer une excellente soirée, d'autant plus qu'un saxophoniste et un melodica viennent parfois se poser sur les versions.
Pendant ce temps, quelques dizaines de mètres plus loin, ce sont Roots Atao et Roll & Records qui se chargent de chauffer les massives au sein du Stand High Hall avant que le crew de Pupajim ne vienne nous faire part de son dub a dub.
Après avoir pris les grosses basses des artistes précédents, nous sommes allés nous confronter à celles de Brain Damage. Le Stéphanois était à Paris en compagnie d'Harrison Stafford dans le but de défendre l'album Liberation Time (la grosse chronique ici) que les deux hommes ont sorti conjointement en octobre. Pour résumer la prestation en quelques mots, il suffit juste de dire que le son se fait beaucoup plus lourd et intense sur scène. Alors que l'album a une très forte tonalité roots, c'est un stepper riche en basses que Brain Damage va faire déferler durant le set ; les riddims sont ainsi complètement revisités façon UK. Et même Harrison Stafford qu'on pourrait penser complètement perdu parmi ce déluge s'en sort très bien. De toute façon, on est est tellement absorbé par ses mimiques et sa fougue extatique, que la symbiose entre les deux artistes n'en est que plus logique. Dommage qu'il ne s'agisse que d'une rencontre éphèmére avant qu'ils ne retournent chacun à d'autres occupations.
La soirée se poursuit ainsi en beauté et avant de retrouver les High Tone, nous avons déambulé (et skanké bien évidemment) à travers le Stand High Hall et l'I-Skankers Area. Le public avait en effet le choix entre Iseo & Dodosound et Von D. Deux ambiances différentes, mais l'énergie déployée était similaire de la part des deux artistes. Nous avons cependant préféré rester devant Von D, son abstract dub/dubstep correspondait plus à nos attentes qu'au dub pour trop classique du duo mixte, bien que nous avons été agréablement surpris par une Iseo bouillonnante de dynamisme. C'est d'ailleurs sur un "Vampire" époustouflant qu'elle saura mettre le feu au dancefloor en fin de set avant que Smith & Mighty ne fassent relâcher la pression avec leur dub ethnique aux influences disparates.
C'est donc au Télérama Dub Festival que les High Tone firent leur grand retour après une pause d'environ deux ans que les membres du groupe auront mis à profit pour donner suite à leur side project Dub Invaders. Le 25 novembre, le crew lyonnais se présentait donc devant des massives parisiens pour un show unique dans une configuration unique avec des chanteurs : Shanti D, Omar Perry et...Pupajim (venu interpréter bien évidemment le mythique "Rub-a-dub Anthem") qui remplaçait au pied levé Lady Chann normalement programmée.
Première chose que l'on remarque, les High Tone ne sont plus que quatre ; Natural High a quitté le groupe. Et deuxième modification notable, Aku-Fen et Fabasstone, ne sont plus respectivement munis de leur guitare et de leur basse. Conséquence : ce show sera avant tout electro dub, exit le dub hybride et composite des Lyonnais pour ce spectacle, hormis peut-être "Until The Last Drop" avec Shanti D. En effet, High Tone était ce soir-là en mode backing band et peu de titres du crew ont résonné ; on a plus entendu des morceaux de chacun des chanteurs ou alors des tracks ou dubplates de Dub Invaders. Et ce qui est étonnant, c'est que c'est pratiquement la première fois où on a entendu des "pull-up" avec High Tone ! Par contre, malgré cette présentation un peu spéciale, ce qui n'a pas changé c'est la déferlante de grosses basses que le crew a envoyé durant tout son show. High Tone était bel et bien de retour et leur concert a auguré d'excellentes choses pour la tournée anniversaire du groupe qui débutera au printemps prochain. Affaire à suivre.
Les Mahom ont ensuite succédé aux High Tone dans la salle principale. Là aussi, le duo composé de Joris et Toinou n'a pas été avare en termes de basses épiques. Leur dub, très largement hérité de celui du groupe lyonnais, puise également aux confins de la techno voire de la hardtek. Le public du Télérama Dub Festival a été très réceptif à des morceaux comme "Dub In Faluja" ou "Deep In Yours", puisque la salle était encore massivement fréquentée, ce qui ne sera pas le cas lors du show suivant, celui des Colombiens de Dub De Gaita.
A vrai dire, les spectateurs ont littéralement vidé le dancefloor assurément surpris par la cumbia du combo. En effet, pas de skank, pas de basses lourdes, Dub De Gaita faisant office de cross-over en cette édition parisienne du Télérama Dub Festival. La seule chose qui puisse rapprocher leur musique du dub était en fait quelques effets rajoutés par-ci sur les instruments, une sirène venue se faufiler par-là par les deux machinistes qui assistaient les musiciens. En quelque sorte, un retour aux sources du dub où les échos et overdubs sont légions, peu importe le genre musical pratiqué.
Dub De Gaita était une expérience intéressante à découvrir et le fait que les massives ont déserté la salle est en soi révélateur d'un phénomène important. Les soirées dub (les fameuses Dub Club évoquées plus haut) sont aujourd'hui majoritairement fréquentées par une population en quête de sensations fortes : les sound systems dub ont supplanté ceux des free parties techno des années 90 (tous les activistes du dub sont unanimes à ce sujet). Pour cette frange non négligeable du public, le dub c'est un beat stepper, un skank et des infra-basses, et pas autre chose. Toute entrave à ce dogme est ainsi aujourd'hui sévèrement sanctionnée ; même Zenzile en avait fait l'amère expérience lors de tournée consécutive à la sortie de son controversé Living In Monochrome en 2007 où le groupe angevin avait pu être sifflé.
Quoiqu'il en soit, nous saluons les programmateurs du Télérama Dub Festival pour cette prise de risques, leur défrichage et leur ouverture musicale.
C'est par conséquent dans le Stand High Hall et dans l'I-Skankers Arena que les massives s'étaient repliés pour applaudir une Soom T toujours en pleine forme à prendre le mic sur la table. On a même vu Marina P se joindre à elle avant que celle-ci ne se retrouve auprès de ses acolytes de Stand High Patrol, au complet cette fois-ci et non en formule DJ set, avec un Merry grâcieux à la trompette.
Pour finir la nuit, les plus courageux et les plus assidus auront pu skanker sur les sélections des Maasai Warrior de Bristol qui nous auront gratifié de quelques tracks français dont le terrible "Stepper Style" de Kanka.
BIG UP à tous les artistes présents ce soir-là !
BIG UP également à tout le staff organisateur du Télérama Dub Festival et à Frédéric Péguillan !