A la rédaction de notre webzine, nous sommes très heureux d'avoir pu obtenir l'interview de Khalifa.
Nous le retrouvons depuis ce mois de février 2017 durant lequel nous avions chroniqué son projet comportant cinq titres - La Hache oublie ce dont l'Arbre se souvient - qu'il avait réalisé en collaboration avec RHH sur une production "homemade" de Khalifa et RHH.
Inutile de rappeler tout le bien que nous pensions de cet E.P, partons ensemble sur cette nouvelle année 2018.
Quant à sa sortie ? Le prochain L.P aura sans doute une saveur de printemps sachant que le mixage s'est terminé fin novembre pour un mastering au mois de décembre 2017.
Un grand merci à Khalifa pour sa disponibilité. Il nous a également fourni les photographies qui illustreront cette discussion.
Crédits à mettre au profit de :
- Melani Tellini pour Johnny Osbourne chez Fip.
- Guillaume Cloup pour les autres.
- Khalifa en autodidacte.
Hardtimes For Dreamers
"Nambo Robinson, à qui je dédis cet album"
LGR : Salut Khalifa, peux-tu rapidement te présenter aux lecteurs du webzine de la Grosse Radio Reggae ?
Khalifa : Chanteur depuis l’âge de dix-sept ans, j’en ai maintenant quarante-trois et principalement du reggae.
LGR : Concernant ton travail artistique , que s’est-il passé depuis la sortie de ton E.P La Hache oublie ce dont l'Arbre se souvient ?
Khalifa : On a réalisé cet E.P avec un nom très long - La Hache oublie ce dont l'Arbre se souvient - avec Yannis Sauty alias RRH et depuis la sortie de cet E.P, on a beaucoup travaillé avec Yannis. Il s'agit ici d'une véritable découverte. Yannis est vraiment un Beat-maker de folie. Une véritable rencontre artistique avec cet homme.
"Des ambiances très métalliques, très urbaines
avec toujours un petit clin d’oeil roots reggae"
LGR : Est-ce que ce dernier E.P correspondait aux prémices du prochain album ? Est-ce que nous allons retrouver des titres de cet E.P dans le nouvel album ?
Khalifa : Non. On ne va pas retrouver des titres de cet E.P sur le prochain album. Ce sont deux projets distincts même s'il y a ma vibration dedans, c’est évident, mais l’album c’est autre chose.
LGR : Y’aura-t-il un fil conducteur, un thème, une couleur dans ton album à venir ?
Khalifa : Dans mon prochain album - Hard Time for Dreamers - je me suis laissé aller en fait. C’est la première fois que je produis vraiment un projet tout seul. Je ne me suis pas donné de limite. Je ne me suis pas donné de thème particulier. Il va être très éclectique et je l’assume.
LGR : Même question concernant l’orchestration ? Vas-tu te balader sur diverses influences musicales ?
Khalifa : Sur cet album, il va y avoir de l’afrobeat, du reggae bien entendu mais ça ne représente que quatre titres sur quatorze. Des ambiances beaucoup plus urbaines avec des beats Hip-Hop mais attention, je te rappelle que je ne suis pas rappeur… . Des ambiances très métalliques, très urbaines avec toujours un petit clin d’oeil roots reggae. Je ne peux pas m’en empêcher, c’est mon coeur qui parle et vous allez voir, c’est hyper personnel en fait.
"1997 - Positive Radical Sound -
le premier groupe avec lequel j’ai tourné partout"
LGR : Peux-tu nous présenter les personnes qui ont travaillé avec toi pour ce nouveau projet ? Des featurings ?
Khalifa : Tout d'abord, je tiens à présenter mon ingénieur son, Laurent Beaujour, depuis maintenant vingt ans. Il est chargé du mixage de cet album mais pas seulement. Il ne se contente pas de pousser des boutons, il effectue aussi des arrangements. Je suis vraiment dans une collaboration avec lui et cela fait deux ans qu’on est sur cet album.
Sur ce prochain album, il y a l’équipe caennaise, les normands, la section cuivre avec laquelle je joue sur scène, Nesta à la batterie, Arnaud à la basse, une partie du Positive Radical Sound, mon groupe de coeur.
1997 - Positive Radical Sound - le premier groupe avec lequel j’ai tourné partout. On ne joue plus ensemble mais on est toujours soudé parce qu’on est un "COLLECTIF". On est sur la zone normande et on fait encore plein de choses ensemble. On se rencontre et on imagine toujours des projets et des évènements. Et pourquoi pas fêter les vingt ans du PRS par exemple ?
En featuring, il y a Blade, un slammeur de Paris. Il y a Sly & Robbie qui ont accepté et voulu participer à deux titres de cet album qu’ils ont beaucoup apprécié.
Il y a Steven Marley Right, le grand guitariste d’Ijahman notamment sur l’album - Lilly of My Valley - on est allé enregistrer chez lui, à Londres. Nous sommes devenus amis suite à un concert dans la capitale britannique. Il est venu à Caen, à la maison. Je suis fan de ce guitariste.
"Je ne me suis pas donné de limite"
On va retrouver Winston McAnuff, qui est un pote depuis quatre ans, grâce à Nambo, paix à son âme. Il m’a fait le plaisir de poser un featuring sur l’un des titres qui n’est pas reggae d’ailleurs.
On a aussi un ami à moi qui est moins connu mais tout aussi talentueux. Tikéro qui intervient sur un titre qui n’est pas du reggae non plus. Un gros beat Hip-Hop sur lequel j’ai des chants très mélodiques.
Notre oncle, notre tonton, Nambo Robinson, qui nous a quitté en ce début d’année, paix à son âme, et qui apparait en tant que chanteur et à qui je dédis cet album.
"J’insiste sur ces deux hommes,
mais j’ai été frappé par leur simplicité, leur générosité"
LGR : Comment s’est effectuée cette rencontre avec Sly&Robbie et comment votre travail en commun sur tes productions perdure-t-il aussi bien ?
Khalifa : La rencontre avec Sly&Robbie, elle est passée par Guillaume Bougard. C’est un producteur de reggae mais qui est aussi un bon pote. Il est très très ami avec Sly&Robbie. Il a aimé mon travail et un jour on s’est rencontré. Puis, il a décidé de me les présenter.
On a donc travaillé sur un premier album à distance, via bécanes interposées et puis après, on a joué au Maroc et puis là, il y a eu une sorte de coup de foudre avec notamment Robbie Shakespeare qui m’a demandé de venir en Jamaïque pour enregistrer un deuxième.
Ça s’est tellement bien passé ! Moi j’étais tellement ému de jouer avec ces gens-là qu’on a gardé contact. Et même si cet album ne s’est pas vendu à des millions d’exemplaires, ce sont des gens qui aiment la musique, qui sont sincères. Ils ont continué à me produire.
Donc, aujourd’hui, même si je fais un album entre guillemets solo, parce qu’on est jamais vraiment tout seul, ils ont voulu se tenir au courant de ce que je faisais. Puis, par exemple, Robbie a flashé sur l’un des titres reggae. Alors, il a posé une basse dessus. Et ça, c’est énorme pour moi !
Je tiens vraiment à dire, je sais que j’insiste sur ces deux hommes mais j’ai été frappé par leur simplicité, leur générosité. Malgré le long parcours qu’ils ont eu, c’est un truc de dingue. Ils ont les pieds sur Terre et le coeur sur la main.
"Ce qui fait qu’un homme est humain
c’est de pouvoir rire au premier, au second degré
et plus si affinité… ."
LGR : On connait ton amour pour les réflexions humoristiques et philosophiques. Avec quelles proportions t’es-tu autorisé à les intégrer dans ton nouveau projet ? Y-a-t-il eu des sujets de société sur lesquels tu ne pouvais pas faire l’impasse dans tes textes ?
Khalifa : C’est vrai que je fais beaucoup l’imbécile sur les réseaux sociaux. Moi ça m’amuse. J’aime ce qui passe par l’humour. Je trouve que c’est le propre de l’homme, c’est ça qui le caractérise en partie. Il n’y a pas trop d’humour dans toutes les régions du monde mais ce qui fait qu’un homme est humain c’est de pouvoir rire au premier, au second degré et plus si affinité… .
Je n’ai pas intégré trop d’humour dans cet album. Je peux dire qu’il y a deux thèmes qui m’ont particulièrement tenu à coeur.
Le premier truc que je voulais faire était pour Sankara. Il y a très longtemps que j’y tenais, alors je l’ai fait. La deuxième chose concerne les événements actuels, l’islamophobie et terrorisme. Ça m’a touché particulièrement et pas que moi, des millions de personnes. J'ai écrit un texte en français concernant la situation et ce que j’aurai aimé, mes espoirs.
Globalement, si je te parle de l’ambiance de l’album, il ne faut perdre de l'esprit que je m'y suis totalement laissé aller à écouter mes émotions. Ça parle beaucoup d’amour, je ne réinvente rien mais j’ai décidé de me faire plaisir.
"J’ai imédiatement trouvé le titre de l’album grâce à..."
LGR : Comment as-tu déterminé le titre te ton futur projet, le nombre de pistes ?
Khalifa : Hard Time for Dreamers. Les temps sont durs pour les rêveurs. Ça caractérise vraiment bien la situation. Je vais te raconter ce choix.
J’étais en Angleterre, à Londres, Camden, chez Tony Randon qui vend des vinyls depuis une vingtaine d’années. On a tourné un clip et sur un accessoire, il y avait écrit à la bombe : Hard Time for Dreamers. Un matelas tout pourri et ça m’a tellement marqué et ému. Sur ce matelas dégueulasse, dans la rue, je trouvais que les temps étaient vraiment durs pour ceux qui souhaitent continuer à rêver. J’ai imédiatement trouvé le titre de l’album grâce à ce matelas jeté dans la rue. Sur ce projet, j’ai écrit vingt à vingt-cinq chansons. Je pense qu’il y en aura quatorze.
"Mais ce qui m’importe vraiment, tu veux savoir ce que c’est ?"
LGR : Y-a-t-il une question que nous avons oublié de te poser ?
Khalifa : Comment ça va ? et bien écoute ça va bien. Je viens d’avoir un dernier petit garçon ce qui porte la tribu à six. Et je peux te dire que ce n’est pas évident tous les jours. Mais on est heureux, on a la santé et on remercie dieu.
Ce projet est plus qu’un album pour moi. Ce sont mes sentiments, mes émotions et il est en auto-production. Quoiqu’il arrive, on le fait ! parce que il n’y a que ça que l’on sait faire. J’arrive pas à changer l’ampoule ou poser une étagère pour ma femme mais je sais lui écrire des chansons. Donc, comme je ne vais pas à Castorama, je vais au studio.
Mais ce qui m’importe vraiment, tu veux savoir ce que c’est ? mon véritable objectif c’est de retrouver la route, de prendre nos instruments, nos voix, et rentrer dans le petit camion pour aller jouer devant les gens. Ça fait trois ans que je suis sur ce projet. Deux ou trois sur scène dans un premier temps pour optimiser les chances de tourner. Et puis...grossir la formation le moment venu.
Entre temps, je suis veilleur de nuit dans des foyers en structure sociale. C’est très enrichissant, très poignant. J’aime aussi ce métier d’autant plus qu’il faut faire bouillir la marmite. Mais là - HOP - j’ai envie d’aller pousser la chansonnette.
LGR : Merci beaucoup. Un dernier mot pour le webzine de La Grosse Radio Reggae ?
Khalifa : La Grosse Radio attache une importance à la qualité musicale mais surtout aux artistes qui ne dissocient pas la musique et l'ethique de vie ! Pour ça je suis admiratif de votre travail et de votre attachement aux "petits" artistes. Moi, je me definis comme un artisan. Merci à vous ! Vraiment... .
Dernière chose, le partenaire le plus solide que j’ai c’est Cyril Dohar de Grounded Music. Ce label qui a signé Groundation il y a longtemps et a produit Pablo Moses cette année. Cyril est un compagnon sur ce projet, il m’aide et ensemble, on vous propose un film documentaire… .
Il s’intitule - Crème Fraiche Harissa – on a mis sept ans pour le produire. Ce documentaire traite de la double appartenance culturelle à travers moi et tous mes voyages, mes projets avec Sly&Robbie, en Palestine, aux USA… . A vos écrans !
Crème fraîche - Harissa B.A.