Surnommé l'Ethiopien, Léonard Dillon, qui nous a quitté en 2011, fut un éminent personnage dans le paysage reggae Jamaïcain. Le label Omnivore Records fait renaître le spectre de Jack Sparrow.
Avant d'être séduit par les capacités vocales qui attirent son attention au cours d'une ballade et qui deviendront ses acolytes, Leonard Dillon avait, dès 1956, enregistré plusieurs mentos pour Sir Coxsone qu'il signait sous le pseudo de Jack Sparrow.
C'est en 1966, lancée par Peter Tosh, que débute l'histoire de The Ethiopians, trio composé donc, outre Leonard Dillon, de Stephen Taylor et Aston Morris, qui a marqué de son empreinte l'histoire du reggae, faisant sensation comme l'un des pionniers du ska et du rocksteady.
A l'évocation de ce nom, reviennent automatiquement les premières notes du célèbre "Train To Skaville", une tune planétaire remise au goût du jour notamment par The Selecter en pleine période ska revival. Un titre qui encore aujourd'hui reste une référence.
The Ethiopians occupèrent le devant de la scène jusqu'au dédès brutal de Stephen Taylor en 1975. Après quelques ultimes enregistrements, Leonard Dillon se lance dans une carrière solo et sort en 1978 l'album Open The Gate Of Zion.
En 1986, il s'associe aux Gladiators avec qui il parcourt les USA l'année suivante. C'est sur cette tournée qu'un premier contact se crée entre le batteur Winston Grennan et Robert Schoefeld, propriétaire de Nighthawks Records, label sur lequel fut signé l'album Dread Prophecy.
De retour chez lui, le producteur se remet en tête les états de service élogieux de ce musicien qui a oeuvré au sein du Beverley's All Stars, backing band à l'époque de The Maytals, Derrick Morgan et Desmond Dekker. Que des pointures. Il a alors l'idée géniale de former un band expérimenté pour soutenir la voix de Leonard Dillon.
C'est ainsi qu'en 1987 l'album The Return Of Jack Sparrow est bouclé. Un opus qui ne verra jamais le jour. Trente années plus tard, le label Omnivore Records lui donne vie. Sorti le 15 Décembre 2017, cet opus est une rareté, mélange d'inédits et de classicisme.
Sans plus tarder, rentrons dans le vif du sujet. Autant vous le dire, cet album est très jazzy et rocksteady à souhait. Cet objet respire l'amour, sentiment très présent sublimé par la voix du crooner que seul la Jamaïque pouvait fournir. Les instrus se veulent cuivrées et les textes sont autant de leçons de vie et ce dès l'entame avec "Slend Thread", un hommage lucide et clairvoyant à ses compères de toujours où tous les ingrédients sont réunis pour en faire une des big tunes de l'album.
Ethiopian & His All Stars - "Slender Thread"
Comme le titre qui ouvrait cet opus, "Your Message" est certes beaucoup plus roots mais tout aussi inédit. Ce dernier met encore plus l'accent sur les tonalités vocales chantant un amour déçu, et que l'on peut voir comme un paradoxe au titre "I Need Someone" qui se veut rapprocheur et optimiste. A l'écoute de ce titre, on peut sentir le trémolo descriptible dans la voix du leader. Les sentiments se mêlent et s'entrechoquent quand la question se pose avec "Are You Loving Me" aux harmonies vocales y allant de leurs "shoo wap, shoo wap".
La religion fait partie intégrante de la vie rasta. Très imprégné qu'il a été toute sa vie par le Rastafarisme, cet album est aussi un hommage à cette culture et cette philosophie de vie qui se veut saine. Agir droit et fort, se tenir debout comme un guerrier, garder la foi, sont autant d'aspirations exprimées dans "Straight On Rastafaraï. Une aura protectrice se dégage dans le très rocksteady "Mothers Tender Care". Les bases d'une société meilleure sont posées avec "Let's Get Together Now", une spiritualité affranchie et réfléchie avec le presque intime, tant les mots qui sont susurrés à nos oreilles sont doux et soyeux "Heavenly Father".
Au milieu de tous ces titres, il fallait un classique. Le classique devrait-on dire. "Train To Skaville" fait partie de ces éléments indéboulonnables du patrimoine génétique jamaïcain, et qui reflète à lui seul toute l'âme et l'essence d'un groupe qui a marqué son temps.
Déjà lucide et conscient de son avenir, Leonard Dillon chante "I'm Gonna Take Over" avec tellement de sensibilité en guise de testament, comme s'il voulait une trace de son passage ici-bas, et qu'il ressentait déjà le mal qui le rongeait et qui le foudroya.
Ethiopian & His All Stars - "I'm Gonna Take Over" + "Take Over Version"
Et si nous passions, avant de conclure, à la partie instrumentation? Au band proprement dit? Les All Stars qui accompagnent le vocaliste ont un son propre, et passent d'une facilité déconcertante du jazz pur au rocksteady d'antan. Les arrangements sont plus actuels, mais l'esprit est bien là. La justesse est millimétrée.
Sur cet album, que l'on pourrait qualifier de posthume, plusieurs morceaux ont droit à des versions instrumentales. Sur le "Straight On Version", l'envie vous prendra presque de poser votre voix sur le riddim version oldies qui sent bon le craquement du sillon. Vous vous plongerez ensuite dans un "I Need Someone Dub" de toute beauté avanr le funky soul "Live Good Dub".
La fin est en apothéose avec un "Heavenly Father Interlude" magistral, poignant, intense et profond avec juste cette petite minute trente juste à capella pour un moment d'émotion pure.
Ethiopian & His All Stars - "Heavenly Father" + "Interlude"
Le label Omnivore Records est vraiment très fier de présenter un tel projet. Vingt pièces avec un chant de haute facture, accompagné de musiciens qui donnent leur pleine mesure.
Tous les éléments sont réunis pour faire de ce Return Of Jack Sparrow un vrai régal pour les oreilles.
Ethiopian & His All Stars - The Return Of Jack Sparrow
Sortie: 15 Décembre 2017
Label: Omnivore Records
Tracklist:
1 - Slender Thread
2 - Your Message
3 - Straight On Rastafaraï
4 - Straight On Version
5 - I Need Someone
6 - I Need Someone Dub
7 - Are You Loving Me
8 - Train To Skaville
9 - Mothers Tender Care
10 - I'm Gonna Take Over
11 - Take Over Version
12 - Flirty Flirty Guys
13 - Live Good
14 - Live Good Dub
15 - Band Your Belly
16 - Beggars Have No Choice
17 - Do It Sweet
18 - Let's Get Together Now
19 - Heavenly Father
20 - Heavenly Father Interlude