La Jamaïque, l’Angleterre, 2 îles étroitement liées par leur passé. La Jamaïque, avec ses ghettos d’où viennent la plupart des artistes dont les noms sont ou seront tous au panthéon du reggae. L’Angleterre, communautaire, a elle aussi ses quartiers d’où viennent des artistes dont la renommée dans le monde musical n’est plus à démontrer : Aswad et Steel Pulse en tête, suivi des Misty in Roots, Matumbi, Capital Letters, et puis il y a cette petite ville d’Angleterre, Bristol qui n’a rien d’un nom en carton, mais regorge de chanteurs, chanteuses, groupes, venant des quartiers de de St-Pauls et d'Easton qui font leur bonhomme de chemin depuis les années 1970 et dont Black Roots est l’un des membres, même si absent de cette compilation. Une ville ou se mêlent du reggae roots, du punk, du rock avec ses nombreuses influences.
Ce The Bristol Reggae Explosion - Best of the 70’s and 80’s est la preuve d’un reggae authentique, lourd tout autant que la vie est rude qui fait suite à deux albums parus ces dernière années.
L’album commence avec Joshua Moses, originaire de la paroisse de Sainte Catherine en Jamaïque et qui est arrivé tout jeune en Angleterre, comme beaucoup de jamaïcains qui ont migré vers le Canada ou le Royaume-Uni. Il nous interprète le très puissant "Africa (Is Our Land)" produit par Dennis Bovell (le leader de Matumbi) dont le début pourrait rappeler dans l’intonation un Jacob Miller. Un style Rockers, des chœurs pour un cri du cœur vers le berceau de l’Humanité. Il envoie aussi de sa voix éraillée un très bon "rise up", titre extrait de son Joshua to Jaswha – 30 years in the wilderness dont la grosse radio avait parlé en son temps (chronique ici). Très belle combinaison riff d’orgue/guitare rythmique avec des chœurs qui rappellent le meilleur des Gladiators.
Avec "Times Are Getting Harder", vous serez hyponisés tout autant par la ligne de basse que par la voix de Bunny Marrett. Un style unique pour ce jamaïcain, venu lui aussi adolescent en Angleterre et qui a appris à jouer du piano avec le grand Laurel Aiken et a écrit les titres "Bristol Rock" et "The System" pour Black Roots. Il ne s’arrête pas uniquement au reggae puisqu’il puise aussi ces influences dans le jazz et le blues, ce qui se ressent sur son titre "I'm Free" où l’on entend un morceau en contrebasse. Un vrai chant de sufferer. . Plus de 50 ans que sa carrière musicale a commencé, il serait grand temps de faire honneur à ce personnage hors du commun.
Les Revelation Rockers, connus ensuite sous le nom de Talisman (avec un superbe album sorti recemment, chronique ici) avec comme membres fondateurs Dennison Joseph et Dehvan Othieno nous offrent pas moins de trois titres, "Takin' The Strain" dont le chant rappellera pour beaucoup d’entre nous, Brinsley Forde (Aswad) avec un gros ronronnement de basse et une envolée d’orgue qui se marie à merveille avec la voix de l’artiste et ce ne sera une contrainte (Strain) pour nous que de l’écouter. Un reggae façon militaire pour un "Jah Praises". ils en sont les soljah (Soldiers of jah) comme on les nomme. Plus qu’interpréter, ils vivent la chanson et en donnent une intensité tout particulière. Avec "Dole Age", le titre est plus dansant, plus sautillant, même s’il se veut tout aussi sérieux que le précedent. Tous leurs titres tournant autour des thèmes de vie sociale, d’oppression, de rasta. Le groupe s’est reformé en 2010 et pour ceux qui auront l’occasion, courez les voir, un groupe énergique et énergisant.
Avec 3D-production et "riot", vous plongerez dans l’ émeute de St-Pauls qui éclata en 1980. Un titre rare et difficile à trouver mais d’une rare beauté. Des sirènes, une basse qui frappe comme une matraque mais pour notre grand bien. « Ok babylon ! ». Derrière ce groupe obscur (auparavant The Radicals) se trouvaient entre autres Ronald Green, King Black Roots et John Carley, décédé en 2012/2013.
Zion Band et Restriction sont deux groupes avec des musiciens similaires puisque pour la petite histoire Zion Band est à l’origine un groupe de soutien pour une comédie musicale financée par l'État visant à réduire le taux de chômage chez les jeunes adultes de la ville de Bristol. Fort de se succès et bien au delà des espérances, ils décident alors de se produire sous le nouveau nom de Restriction.
Zion Band nous envoie un très profond "Twelve tribes" avec de jolis solos orgues ou guitares et le chant nous balance un message subliminal qui rappellera pour beaucoup le "Satta massagana" de The Abyssinians. De très bons chœurs aux envolées angelines.
Restriction avec "Four Point Plan" donne un reggae plus rude que son prédécesseur, le rythme accélère et même le style du chant ltourne agréablement vers le style DJ Toaster comme on pouvait l’entendre en Jamaïque dans les années 71/80 avec des Clint Eastwood, Trinity, Madoo, Toyan, Kojak pour n’en citer que quelque uns. Là encore un très beau cadeau de chez Bristol car tous deux sont sortis sur de rares pressages locaux en maxi 45 tours.
Un très bon dub d’Alfred McIntosh avec le groupe Talisman pour l’accompagner avec des distorsions de tous les instruments, des voix. Comme le disait Lee Perry : "rien n’et sacré, tout peut être trafiqué". Du très bon travail avec les échos.
Que dire du regretté Popsy Curious (qui fut aussi un des chanteurs du groupe Black Flamez ), qui a été une des locomotives de ce label , un chant unique avec "Chant Down Bobby Rome". Disparu en 2015, il ne parlait jamais de lui-même ou de son talent qui était énorme mais il s'interrogeait, aidait tout le monde autour de lui. Un artiste vrai toujours sur la façon dont tout le monde le faisait (ses amis dans ses mots). Un chant habité, qui vous possèdera tout autant, et le synthé jouant les cuivres est hypnotisant. Artiste que l’on retrouve aussi dans le morceau "my love" de Vibes où il a une approche vocale totalement différente.
son hit, version live
Vibes c’est aussi sa voix féminine Veronica « Veereal » Morrison et Winston Minott que l’on retrouve aussi derrière Cool Runing. "My love", un très bon love’s rock sublimé par les chœurs, on se plairait à l’écouter en charmante compagnie devant un bon feu de cheminée. L’orgue dans les aigus est un véritable champagne, cela pétille et finit de vous mettre dans tous vos états.
Avec Cool Runnings, on voit toute la puissance vocale d’un Winston Minott qui est aussi un des piliers de Bristol sur 2 titres "Playhouse" et "You Can not Pay Me". La basse de ‘Trevor’ Leroy George Depass bien ronde et les percussions de Gerald Thomas qui nous emmènent très loin. Un groupe solide avec Kent Bernard à la batterie Mark Tuck aux claviers et George Condover à la guitare pour rendre hommage à un groupe exceptionnel.
On parlait de Vibes et de son coté lovers rock, Sharon Bengamin nous fera entendre les petits oiseaux, même s’ils sont déjà présents sur l'unique morceau qu'elle ait sorti, et c'est vraéiment dommage "Mr Guy", une prouesse dans la voix, là encore, si le reggae est contestataire, cela fait du bien d’avoir un peu de cette forme de douceur, qui enveloppe tout le corps, une caresse qui date de 1980 et auquel a participé le grand Joshua Moses à la batterie guitare et clavier, sans compter la performance de Nigel Wood au saxophone qui finit de vous embarquer pour les cieux. morceau sorti sur Shoc Wave Records.
L’album se termine sur un autre vétéran de la scène de Bristol, Dennis McCalla plus connu sous le nom de Dallas avec son fameux "Peacemaker" introduit par un cuivre endiablé et qui a des liens très étroits avec Black Roots, puisqu’il y fera des apparitions.
Un fois de plus, et c'est mérité, le label Bristol a tenu a rendre hommage à Popsy Curious qui figure avec son sourire légendaire sur la pochette de l’album (avec le chapeau jaune devant), accompagné de l’un de ses amis. L’artwork est toujours recherché; Contenant et contenu parfait.
The Bristol Reggae Explosion – Best of years 70 et 80, plus qu’un album, une révolution pour une petite ville où la vie rude se traduit par une explosion de talents !,
Various Artists - “The Bristol Reggae Explosion - Best of the 70’s and 80’s”
Sortie le 25/05/2018
Label: Bristol Archive Records
Distribution : Shellshock / Discovery
Disponible en CD et sur tous les plateformes numériques
Track Listing :
1. Africa (Is Our Land) - Joshua Moses
2. Times Are Getting Harder - Bunny Marrett
3. Rise Up - Joshua Moses
4. Takin' The Strain (Cave Mix) - Talisman
5. Riot - 3-D Production
6. Four Point Plan - Restriction
7. Twelve Tribes - Zion Band
8. Jah Praises - Revelation Rockers
9. Wicked Men (Dub) - Alfred McIntosh
10. Dole Age (7" Mix) - Talisman
11. Chant Down Bobby Rome - Popsy Curious
12. Playhouse - Cool Runnings
13. I'm Free - Bunny Marrett
14. You Can't Pay Me - Cool Runnings
15. My Love - Vibes
16. Mr. Guy - Sharon Bengamin
17. Peacemaker - Dennis McCalla aka Dallas
à Popsy Curious . RIP.
