Le 31 Août dernier avait lieu à Lisieux un concert gratuit de Danakil dans le cadre de la dernière soirée des rendez-vous de l'été. Le temps Normand pour l'occasion était plutôt clément, un peu de fraîcheur une fois le soleil couché mais le show a vite réchauffé le public familial venu en nombre ce soir là.
Après le très bon groupe Chaek en première partie de soirée, l'équipe de Danakil nous ont livré une heure et demi de Live percutant, un show complet et très cohérent, rondement mené. Nous voyons alors la foule s'éparpiller dans une atmosphère joyeuse et une ambiance très festive. Nous allons rejoindre le groupe dans les loges pour discuter un peu de cette belle et longue tournée « La Rue Raisonne » qui arrive sur sa fin après deux années à distiller le message aux quatre coins de la métropole et même plus loin.
Je retrouve donc Balik, chanteur charismatique du groupe, après avoir longuement donné de son temps aux fans présents ce soir là pour les dédicaces et les photos. Nous nous posons sur le canapé, je le laisse alors souffler quelques minutes pour se détendre un peu avant d'attaquer cette interview en toute intimité.
Crédits photos: Emmanuel Gauthier Aka Anoa Photos
LGR : Salut Balik, Après deux ans de tournée intensive pour l'album La Rue Raisonne, peux-tu me faire un petit bilan de votre aventure ?
Balik : « C'était vraiment super, il nous reste encore quelques dates, et on terminera le 27 octobre prochain à Paris au Zénith avec Groundation, Protoje, Danakil, Nattali Rize, The Skints, Pierre Nesta aussi pour le Baco Reggae Festival. Ce sera une belle fête du label Baco Records pour une première édition. Pour en revenir au bilan, on s'est beaucoup baladé, on a fait deux fois le tour de France, deux belles saisons, on a rencontré beaucoup de gens, que du positif. On a vu l'album évoluer dans la tête des gens. Dès le début quand tu fais la première tournée quand ils le découvrent, et puis sur la fin quand ils le connaissent bien. C'est vraiment très cool, on a eu de bons retours, sur des morceaux comme « Back Again », « Echosystème », « Comme Je », ce sont des morceaux qui ont été beaucoup demandés par rapport à cet album. On est très content."
« on s'est beaucoup baladé, on a fait deux fois le tour de France, de belles saisons, on a rencontrer beaucoup de gens, que du positif »
LGR : Sur le titre « Médiatox » que vous jouez en Live et qui est très engagé, avec un rythme et une sonorité qui diffère du reste de l'album, quel retour avez-vous ?
Balik : « Effectivement, en Live, on a changé la version sur la deuxième année qui n'est plus celle de l'album. On la joue toujours car en live, ça offre un autre univers, ça tire vers quelque chose d'autre pendant un morceau, ça danse bien, c'est pour cela qu'on a fait cette version Dub. C'est une chanson qui raconte un truc et en même temps ça permet de faire sauter, bouger les spectateurs. C'est un morceau cool pour le live. »
LGR : Il y a presque un an, vous avez sorti comme depuis « Echo du Dub », la version Dub de « La Rue Raisonne », pour cela, vous avez choisi le groupe Ondubground, comment vous est venu ce choix ?
Balik : « A travers les différents artistes du label, on a eu leur contact car il réalisent différentes productions, on se connaissait déjà, on aimait ce qu'ils faisaient. Chez Baco, tout fonctionne un peu comme ça, en fonction des rencontres que l'on fait sur les tournées... On avait fait les deux derniers Dub avec Manjul, et on voulait donner une tournure différente pour proposer autre chose. On s'était vraiment éclaté avec Manjul, j'adore les différentes versions des deux albums Dub précédents. Là, pour cet album, ça sonne plus électro dub, il y a même des morceaux mixés un peu Hip-Hop, presque Trap... On leur a vraiment donné les clefs de l'album, pour les featuring aussi, on les a laissés inviter les artistes qu'ils voulaient, qui étaient d'ailleurs pleins d'artistes que l'on connaissait très bien, de Cotton à Jamalski. Et donc voilà, ils ont pris les clefs de l'album, ils ont pris les pistes et en ont fait quelques chose de complètement différent. Quand je l'ai écouté la première fois, c'était fini, c'est pour te dire, et j'ai adoré redécouvrir mon album de cette façon, vraiment original et engageant, moderne. Moi je l'ai écouté comme un album qui n'était pas le mien. »
« Quand je l'ai écouté la première fois, c'était fini, c'est pour te dire, et j'ai adoré redécouvrir mon album de cette façon, vraiment original et engageant, moderne. »
LGR : Vous finissez donc votre tournée fin octobre, et après, avez-vous des projets annexes à venir ?
Balik : « Tout à fait, personnellement, je suis en train de boucler un album solo, ça y est c'est officiel, je peux enfin le dire vraiment parce que je suis à peu près sûr de mon timing, je veux sortir cela au printemps de l'année à venir, je m'éclate à préparer ça depuis le début de l'année. C'est un projet que je mûris depuis 6-7 ans, voire depuis le début, voire depuis avant tout. Pour moi, c'est vraiment un passage obligatoire dans mon parcours de musicien, de chanteur, d'auteur. J'avais envie de faire ça car j'aime cette couleur musicale, le fond restera le même, c'est toujours mon univers, les chansons viennent de moi, mais la robe change, je l'ai fait avec moins de personnes. On travaille en grand collectif avec Danakil et c'est une façon aussi intéressante d'aborder la musique et l'élaboration que de s'y mettre en plus petit comité. J'ai beaucoup aimé cela, il y a des plus et des moins mais franchement cet album, c'est quelque chose que j'ai au fond de moi depuis longtemps. »
« personnellement, je suis en train de boucler un album solo, ça y est c'est officiel, je peux enfin le dire vraiment parce que je suis à peu près sûr de mon timing, je veux sortir cela au printemps de l'année à venir »
LGR: Au niveau musical de ton projet, a quoi doit-on s'attendre?
Balik: « ce sera un album Hip-Hop, je le construis comme si je n'avais toujours fait que du Hip-Hop, à ma façon. C'est à dire que ce n'est pas un crossover (mélange) avec du reggae, sinon je l'aurais fait sous le nom de Danakil, et là, je le ferais sous mon nom propre. Je reviens à ce qui m'a mis dans la musique à la même époque, c'est la même chose. J'étais autant dans le reggae jamaïcain que dans le rap français; et du coup, je fais un album de rap français. Le rap entre les années 1995 et 2000 quand je l'ai écouté et celui d'aujourd'hui a tellement évolué ! Je me suis inspiré de plein de trucs et au final, l'album n'aura pas la même gueule que si je l'avais fait dès le début. C'est ça qui m'intéresse, je ne veux pas me planter sur mon premier essai et en même temps c'est très instinctif, je n'ai pas cherché une ligne spécifique ou quoi, je me suis laissé aller à chercher des Beat avec plein de beatmaker différents pour essayer de faire plein de choses et d'aborder le Hip-Hop sous différentes formes: mélodique, radical, moderne, ancien, traditionnel... Donc voilà, ça arrive bientôt, c'est a peu près les premières fois où j'en parle parce que ça fait plusieurs années que je crois que je vais sortir ce projet, mais je ne me donnais jamais vraiment le temps de le faire, et là, j'ai vraiment pris le temps de le faire depuis début 2018 et je vais bientôt être prêt à le sortir.»
«Je ne veux pas me planter sur mon premier essai et en même temps c'est très instinctif, je n'ai pas chercher une ligne spécifique ou quoi, je me suis laissé aller à chercher des Beat avec plein de beatmaker différents pour essayer de faire plein de choses et d'aborder le Hip-Hop sous différentes formes»
LGR: J'ai vu également que Natty Jean sortait un album début octobre s'intitulant «Imagine», album dont La Grosse radio Reggae est partenaire, l'équipe Danakil a-t-elle participé à ce projet?
Balik: « Oui bien sûr, un petit peu. Il y a des riddims qui viennent de Boris ( bassiste du groupe) au départ, qui ont été travaillés en collectif, des gars qui sont intervenus. C'est la même équipe le label, on est tous sur le projet, on le défend, en ce moment sur scène on joue ces morceaux nous même tu vois. Mais sur l'album, il a fait appel à un réseau un peu différent, parce que Natty Jean a besoin de montrer aussi son indépendance artistique par rapport au collectif même si on évolue ensemble. C'est son projet, il a son équipe, ses musiciens, sa couleur. Sur le live qu'il va défendre, il y aura quelques musiciens de chez Danakil et il y en aura d'autres aussi. L'album est superbe, il y a du Wolof, mais il y a du Français aussi, je l'ai toujours incité à le faire car ça va montrer au gens une autre facette de lui et les nombreuses possibilités qu'il a. C'est un très bon album que je conseille à tout le monde, il y a déjà un titre qui est sorti qui s'appelle «On m'a dit» et il y a quelques morceaux qu'on joue déjà en Live sur la tournée.»
LGR: Tu as fait un feat également avec Gabty récemment sorti, le titre s'intitule «est-ce que c'est normal?» comment s'est fait cette rencontre ?
Balik: « Avec Gabty, on se connaît depuis des années, on s'est rencontré au Mali quand j'ai passé deux ans là-bas, on se voyait tout le temps. Il avait son Band qui s'appelait Soul Train, il chantait dans les maquis et on a fait plein de feat ensemble. Je suis aussi aller le voir chez Tiken ( Tiken Jah Fakoly), on jouait aussi au basket à la maison, on a vécu ensemble pendant deux ans quoi. Donc à l'époque, on avait fait un morceau, et on l'a sorti là seulement, alors qu'on l'avait enregistré en 2013 chez moi à la maison à Bamako, sur un petit micro. On a ressorti les pistes récemment comme ça, hors album, hors tout, juste pour donner. J'étais très content de sortir ça, parce que ce titre avait du sens pour moi, et ça me rappelle mon petit passage là-bas.»
LGR: En revenant sur Danakil, que prévoyez-vous après cette fin de tournée en novembre ?
Balik: « On va faire une belle pause, on a bien tourné depuis deux ans, et puis on va se laisser respirer, prendre le temps de faire un bel album, un beau 6ème album. On a un studio en construction, le studio du label qui devrait être prêt normalement à la fin de l'année vers Bordeaux. Ça va un peu révolutionner notre façon de faire, on attend ça aussi pour bien jouer ensemble et bien réenregistrer un nouvel album d'une façon différente, chez nous pour la première fois, dans notre superbe studio flambant neuf qu'on a mis 15 ans à construire, et du coup on est content, on attend ça. C'est bien aussi un peu de relever la tête, même pour les gens qui nous suivent, ils seront contents de nous retrouver dans une ou deux saisons. Et personnellement, j'ai ce projet dont je te parlais tout à l'heure qui va m'occuper un peu, et les gars aussi sont à gauche à droite.»
« C'est bien aussi un peu de relever la tête, même pour les gens qui nous suivent, ils seront contents de nous retrouver dans une ou deux saisons»
LGR: Vous avez créé votre label Baco Records depuis quelques années maintenant, on constate que vous vous imposez comme incontournable aujourd'hui à ce niveau sur le reggae en France, peux-tu m'en dire un peu plus sur tout ce travail annexe au groupe Danakil ?
Balik: «Ce boulot là est mené de front par Mathieu, qui est notre saxophoniste et membre fondateur du groupe et qui pendant des années était sur scène avec nous; qui a fait son dernier concert officiel au Trianon l'année dernière parce que le travail au label lui prenait tellement de temps... C'est donc lui qui s'occupe du label, avec Ben qui est venu nous rejoindre de chez Music Action pour le pôle tour puis petit à petit on a commencé à diversifier les activités pour étendre les domaines. On a aussi développé un circuit de distribution, aujourd'hui les artistes qui sont chez nous, on s'occupe aussi de les distribuer. On s'occupe également de la gestion du publishing. Tout cela, c'est ce qu'on a appris à faire pour nous avec le temps et en s'entourant de gens, de partenaires qui nous ont appris beaucoup et avec qui on a grandi. Puis à un moment on a repris toutes les clefs car ça a toujours été notre volonté. Aujourd'hui, on essaie d'organiser cela, de tendre à devenir une maison de disque familiale et de faire pour tous les artistes qui sont chez nous comme je te le disais tout à l'heure par rapport aux featuring, aux choix etc... Il y a beaucoup d'univers différents, différentes nationalités entre Natty Jean qui est Sénégalais, Nattali Rize qui est Australienne, Phases Cachées à Paris, Protoje en Jamaïque, Groundation aux États Unis, et on s'occupe de chacun avec proximité. C'est super, c'est une très belle aventure, et c'est bon aussi de sentir qu'avec le temps, en prenant de l'âge, que l'on passe de l'autre coté du truc, ça donne une vision pérenne de notre mission dans la musique même au delà de Danakil qu'on envisage pas du tout d'arrêter. C'est intéressant de vieillir au delà de son propre projet musical. De plus, tous ces groupes se nourrissent un peu les uns des autres, quand on fait des plateaux avec ces artistes, ça attire le public des uns vers celui des autres et on essaye d'établir une cohérence entre les artistes du label. En tout cas on s'amuse bien et on est très fier de cette histoire.»
« En tout cas on s'amuse bien et on est très fier de cette histoire. »
LGR: Merci d'avoir répondu à toutes mes questions avec profondeur et sincérité, j'en ai presque terminé, as-tu un dernier mot pour les lecteurs et auditeurs de La Grosse Radio Reggae?
Balik: «Et bien c'est toujours le même dernier mot, c'est comme cela qu'on termine; MERCI à ceux qui poussent, qui soutiennent, les auditeurs, les médias associatifs grâce auxquels avec le temps on a réussi à être présent dans toutes les villes, le bouche à oreille a fonctionné. C'est très important, c'est invisible, c'est un vrai travail de fourmis, mais c'est réel, c'est concret et donc toutes ces radios je les remercie car depuis les années 2000 on fait des Interviews dans ces radios, depuis les premiers moments. Je kiff cela car c'est les GENS, ce n'est pas les contrats, c'est des gens qui ont des boulots à coté, qui ont des vies à coté, qui font ça par passion et du coup ils n'ont pas d'intérêt à ne s'intéresser qu'aux sorties des grosses majors, on a toujours eu un lien particulier avec ces médias là. Donc voilà, on vous remercie!»