Après une première journée placée sous le signe de l'éclectisme (le gros report ici), le No Logo poursuit son ouverture en ce samedi 11 août. Le son de Cuba entre en résonance avec celui de Kingston pendant que les Soviet Suprem viennent faire leur "révolution du dancefloor". Côté reggae stricto sensu, l'esprit du grand Bob plane toujours à Fraisans : la veille, les massives avaient eu droit à Julian Marley, aujourd'hui ce sont les Wailers qui viendront perpétuer l'héritage du Tuff Gong. Quant au dub factory, lui aussi, à l'instar des Soviet Suprem, il se veut très internationaliste.
Mais avant de rentrer sur le site du festival, il nous faut opérer un détour par le camping, et plus particulièrement par le Ch'apéro où se déroulent deux concerts. Les Wailing Trees déboulent tout d'abord pour réveiller les derniers massives avec leur reggae touche-à-tout garni de soul, de ska, de punk, de hip-hop et de la voix de Riwan.
Puis c'est au tour d'un autre groupe lyonnais de monter sur scène. Projet tout récemment créé, Sir Jean & The Roots Doctors ne comprend pourtant pas des artistes nés de la dernière pluie. On ne vous présente plus Sir Jean, chanteur aux multiples facettes et on ne vous présente plus non plus Sinsemilia ou Broussaï, groupes dont proviennent certains des musiciens. Vous l'avez compris, le show est donc impeccablement rodé et maîtrisé et on est déjà convaincu au bout de quelques minutes. La section rythmique brille de tout son groove pendant qu'un Sir Jean aime à sauter sur scène. Si l'on a entendu quelques-uns des titres issus du EP Come Pon Dem sorti en juin (la grosse chronique ici) comme le morceau éponyme ou "High" et "Fool Dem", le groupe en a profité pour interpréter les tunes d'un album à paraître à l'automne. Nous aurons même droit à l'apparition d'Alpha Petulay, la femme de Sir Jean, venue partager la scène quelques instants.
Nous avons ensuite repris la direction de la grande scène afin de vivre la dernière partie du concert de Volodia. Après une halte au Nomade Reggae Festival à Frangy la semaine précédente (le gros report ici), c'est avec un Booboo'zzz All Stars au complet que l'auteur d'un Pied Sur Terre a ouvert ce deuxième jour de festival. En effet, même si Wyman Low était préalablement absent, il a tout de même surgi sur "L'Effet Papillon" pour venir rapper un petit moment en compagnie de ses potes avant qu'Oliver Smith, le clavier, ne prenne le relais. Une excellente mise en bouche de la part du Booboo'zzz All Stars qui allait occuper le Ch'apéro le lendemain. Autrement, de la même manière que la veille, le public était déjà présent en nombre pour accueillir Volodia et c'est lors d'une belle séquence d'émotion a capella qu'il a repris en chœur les lyrics d'"Une Minute de Silence" aidé par Volodia. La journée s'annonçait encore ensolieillée et grâcieuse.
Et elle allait l'être encore plus avec Samory I. Malheureusement, étant en interview avec Sir Jean, nous n'avons pu assister que très brièvement au concert du Jamaïcain. Cela étant, force est de constater que les vibes envoyées par Samory I ont su trouver un écho et qu'il incarne en toute splendeur la relève du reggae conscious.
D'autant plus que nous l'avons retrouvé une heure plus tard en compagnie de...Havana Meets Kingston pour partager la scène quelques minutes avec le combo formé de représentants des deux plus grandes nations musicales des Caraïbes et mené par l'Australien Mista Savona qui opérait, quant à lui, au piano. Même si l'on a regretté l'absence du duo Sly & Robbie qui jouait sur l'album (la grosse chronique ici), puisqu'ils étaient en tournée avec d'autres chanteurs (on les verrait d'ailleurs le lendemain), cela ne nous a pas empêché d'observer avec joie et entrain la fusion entre le son de Cuba et celui de Jamaïque, notamment sur les morceaux "Carnival" et "Candela". Et on peut dire que le public a clairement été conquis par l'énergie et la chaleur déployées par les artistes. La musique caribéenne dans son ensemble était globalement à l'honneur à travers cette édition du No Logo (rappelons le set de la veille de Calypso Rose) et l'on peut grandement saluer l'initiative des programmateurs.
Après les Antilles, nous avons migré à l'Est pour le show des Soviet Suprem, puisqu'il s'agit bel et bien d'un show. C'est tantôt punk, tantôt hip-hop, tantôt electro/trap, ça scratche, ça swingue, ça valse, ça bourlingue et ça guinche à tout va avec une énergie folle. Il est indéniable que le groupe est l'héritier du rock alternatif des 80's, Mano Negra et Négresses Vertes en tête, tant pour le mélange des styles que pour l'esprit festif. Ça, c'est pour le côté positif ; par contre, à force de ne pas se prendre au sérieux, le groupe en devient trop caricatural et tombe facilement dans les clichés babos sur le grand soir et la révolution. Mais le Soviet Suprem a une âme collectiviste et il invitera certains membres du public à le rejoindre pendant quelques morceaux.
La nouvelle génération du reggae jamaïcain était donc bien représentée en ce samedi, puisqu'après Samory I, c'est Protoje qui était de retour au No Logo après un passage quelques années plus tôt. Ce soir-là, il était venu présenter son tout dernier album, A Matter Of Time (la grosse chronique ici) sorti le 30 juin. On le sait, Protoje injecte d'autres éléments musicaux dans son reggae, surtout sur ses derniers morceaux : un peu de trap sur "Like This", une instru funky sur "Bout Noon" et même un solo rock sur "Blood Money". Son backing band, The Indiggnation, montre ainsi toute l'étendue de son talent et confirme qu'il est l'un des meilleurs groupes sur la scène reggae internationale, capable de s'adapter à n'importe quel genre musical. Et si le public a bien réagi à cette orientation plutôt smooth que prend le son de Protoje actuellement, il attendait de pied ferme que le Jamaïcain interprète ses classiques, "Who Knows" en tête bien évidemment et un "Kingston Be Wise", entrecoupé d'une avalanche de pull-up.
On ne présente plus les Wailers, c'est une évidence. Si le groupe a connu bien des évolutions depuis ses débuts avec le trio fondateur, il n'en reste pas moins une machine de guerre ultra efficace sur scène. Seuls deux membres ayant joué avec Bob Marley avant sa mort sont encore présents, le guitariste Junior Marvin (qui exécutera quelques solos bien sympathiques) et bien évidemment Aston Barrett, aka Family Man, la pierre angulaire du groupe. Même si ses problèmes de santé l'affectent beaucoup (il quittera d'ailleurs la scène), on n'en reste pas moins bercé par ses lignes de basse à la fois groovy et hypnotiques. Car c'est bel et bien lui (ainsi que son frère Carlton avec qui il formait l'une des sections rythmiques les plus brillantes en Jamaïque) qui est responsable de la structure du son de Bob Marley et c'est en partie grâce à lui que le band est toujours aussi fameux de nos jours. La joie des massives l'atteste, eux qui ont repris en chœur et par cœur les classiques de Bob Marley & The Wailers, comme "Get Up Stand Up", "Is This Love" ou encore "Exodus".
Après cet épisode jamaïcain, les Italiens de Mellow Mood sont venus conclure cette deuxième journée de festival. Peu de modifications notables après leur set de la semaine précédente au Nomade Reggae Festival (le gros report ici), le crew étant venu défendre son dernier album Large (la grosse chronique ici), paru en début d'année. Mais si Aston Barrett est la cheville ouvrière des Wailers, chez Mellow Mood ce rôle est dévolu à Paolo Baldini, il maestro del dub, qui jouait d'ailleurs quelques temps plus tôt au dub corner. Les jumeaux lui rendront justement hommage avant d'envoyer la dub version de "Innocent" introduite par des "do you love dub music ?" en pagaille auxquels le public répondra favorablement. Cette séquence est assurément l'un des temps forts de chaque concert du groupe, au même titre que l'interprétation inévitable du tube "Dance Inna Babylon" et sur lequel les massives se déchaînent. Mais on aura également apprécié l'apparition de Forelock venu toaster et partager la vibe sur le morceau "Inna Jamaica".
Il est temps désormais de dire quelques mots à propos du dub factory. Comme la veille, nous avons eu droit à une petite mise en bouche en tout début d'après-midi dès l'ouverture des portes (ce jour-ci assurée par les Dub Shepherds) , avant que le sound system ne se mette en stand-by et ne reprenne du service vers 20h.
A l'instar de la scène reggae, le dub est aujourd'hui devenu très international et c'est un de ses représentants nippons, en la personne de Sak-Dub-I, qui a officié lors de la reprise des hostilités sur le dub factory. Le Japonais ne fait pas dans la dentelle et pendant une heure il nous a envoyé du gros dub digital à la O.B.F alors que le corner commençait à se remplir sérieusement.
Sak-Dub-I a ensuite cédé sa place à Paolo Baldini, l'ingénieur du son des Mellow Mood, pour un live machine plutôt roots. Pas de jumeaux Garzia à ses côtés pour toaster mais un Forelock en pleine forme et même un Jules I, le bassiste du crew et accessoirement singjay à ses heures. Paolo Baldini en a également profité pour jouer quelques dubplates et notamment celui avec Hempress Sativa.
Quant à Sir Jean, fidèle à sa réputation de chanteur tout terrain, on l'a retrouvé lui aussi sur le dub factory. Il est d'ailleurs sûrement le seul artiste à avoir investi les trois scènes du No Logo (grande scène, camping et dub corner) depuis sa création. Sir Jean toaste partout et il le fait bien. Ce soir-là, c'est auprès de ses potes lyonnais d'High Tone, via leur déclinaison Dub Invaders, qu'il a pris le mic. Aku-Fen, Fabasstone et DJ Twelve ont déployé leur dub versatile trois heures durant avec un Sir Jean très à l'aise. Ils se sont même permis d'inviter Lidiop, qui passait par là, à les rejoindre, pour une session plus que mouvementée.
Crédit photos : Live-i-Pix