Troisième et dernier jour de concerts et de good vibes au Nomade Reggae Festival. Et pour ce faire, l'organisation a mis le paquet afin de satisfaire au mieux les attentes d'un public enjoué. Pas moins de trois têtes d'affiches se sont succédées pour clôturer l'événement : Sinsemilia, Israel Vibration et Alborosie. BOOMM !! Quant aux autres artistes, ils n'en valaient pas moins le détour chacun avec une sensibilité artistique différente, reflétant la richesse du reggae contemporain.
Une fois n'est pas coutume, c'est Feuilles De Roots qui a ouvert le bal en ce dimanche après-midi. Comme I Woks, ils en étaient eux aussi à leur troisième représentation à Frangy en cinq ans de festival. Situation on ne peut plus logique, puisqu'ils sont originaires de Haute-Savoie, mais malheureusement on n'a toujours pas vu flotter le drapeau savoyard durant leur set et surtout pendant l'interprétation de leur hymne régional "La Yaute En Action". On a d'ailleurs regretté que le public ne se soit pas plus déplacé en nombre pour acclamer leurs compatriotes. Peu importe, les Feuilles De Roots étaient de toute façon venus nous présenter leur reggae épique et éclectique que l'on a pu découvrir sur leur premier album, Homme (la grosse chronique ici), paru en 2018, à base de ska, rock, dancehall ou dub et avec des titres comme "Super Jesus" ou "Révolution". Mais on les a aussi surpris à reprendre deux classiques de la sono mondiale comme le "Sweet Dreams" d'Eurythmics et le "Pass The Kouchie" des Mighty Diamonds, entonné par leur choriste dans un registre très soul, l'un des moments les plus plaisants du show.
Que de l'amour, que de l'amour avec la Jamaïcaine Keida ; en attestent les titres "Is This Really Love" ou "One Love" qu'elle a chantés devant des spectateurs là encore peu nombreux mais très réactifs. Il faut dire que la Jamaïcaine se produisait en France pour la première fois. Pas forcément facile donc, mais Keida a fait très bonne impression par exemple en se posant direct sur son tube "Jamaican Boy" et a su captiver notre attention pendant son show avec des morceaux oscillant entre reggae et dancehall. Et justement, en matière de dancehall, Dub Akom, le backing band français qui accompagnait la chanteuse, en connaît un rayon, puisqu'il joue ordinairement pour le Dancehall President, autrement dit, Skarra Mucci. Du dancehall, on a en d'ailleurs entendu avec le dernier single de Keida, "Vai", prélude probablement à une prochaine mixtape, avant qu'elle ne nous quitte avec "Ganja Tea". L'assocciation entre Keida et Dub Akom a finalement démontré, une fois de plus, les liens indéfectibles qui unissent musicalement la France et la Jamaïque.
Tiwony également sait allier reggae et dancehall dans son show plus qu'explosif. Tellement explosif qu'il a même fini par essorer son t-shirt estampillé Nomade Reggae Festival à la fin du concert à la demande du speaker afin de montrer qu'il avait véritablement donné tout ce qu'il avait durant le set. Il est vrai que le Guadeloupéen vient pour mettre le feu, comme le prouvent ainsi quelques-uns de ses titres parfaitement en adéquation avec son attitude, tels que le brûlant "Ils veulent du faya" sur un rythme soca ou encore "La Flamme" produit par Manudigital et sorti tout récemment. Il n'y a pas de doute, Tiwony sait motiver les massives et c'est sur un autre de ses derniers tracks qui annonce d'ailleurs son futur album, Frequency, à paraître très prochainement, "Hasta La Victoria", qu'il fera lever le poing aux spectateurs, rendant bien évidemment hommage à Che Guevara. On l'entendra également sur des morceaux plus anciens, tels que "Avec Du Love" ou le fameux "Ma Colline" qui entrait parfaitement en résonance avec les collines de Frangy situées face à la scène du festival.
A propos de collines, ou plutôt de montagnes, ce sont les Sinsemilia qui ont pris la suite de Tiwony. Les Grenoblois étaient présents au Nomade Reggae Festival afin de promouvoir leur dernier album A l'échelle d'une vie (la grosse chronique ici) fraîchement sorti en avril. Un bail qu'on ne les avait pas vus les Sinsé, mais la joie, la bonne humeur, les good vibes et l'énergie communicative sont toujours bel et bien au rendez-vous de la part du combo. Cette vie, ils l'ont justement passée à défendre les valeurs du reggae music comme ils le racontent si bien sur cet opus avec des morceaux comme "Nourrissons nos cerveaux" ou "Sunny Day" qui ont brillamment retenti dans la nuit tombante de Frangy. Un spectacle magnifique à voir dans cette atmosphère baignée de lumière. Mais Sinsemilia, c'est aussi une avalanche de classiques : de "Tout le bonheur du monde" au "Douanier 007", le groupe s'est plu à interpréter quelques-uns des morceaux qui ont assis leur réputation dans le reggae hexagonal. Mais on les a aussi surpris à reprendre Peter Tosh ou Bob Marley, hommage de reggae addicts à l'échelle d'une vie.
Israel Vibration se produit très régulièrement en France, peut-être un peu moins ces derniers temps, mais il n'empêche que chacune de leurs apparitions sur le territoire fait sensation. Toujours accompagnés des légendaires Roots Radics, dont le bassiste Errol Flabba Holt, les deux compères que sont Wiss et Skelly conservent une aura quasi intacte dans l'Hexagone. Et ce que nous disions la veille à propos des Congos et d'Anthony B à propos de la symbiose entre le corps et l'esprit peut également se vérifier auprès d'Israel Vibration. Alors certes, le binôme, pour les raisons que vous savez, ne peut pas se contorsionner comme il l'entend, mais il sait repousser ses limites pour quelques figures improbables. Surtout que Skelly invite le public à en faire de même lorsqu'il l'enjoint à "sauter, sauter, sauter" sur le ska ravageur "Exploitation". Autrement, c'est essentiellement du rub-a-dub, les riddims des Roots Radics obligent, que l'on entendra, et notamment les excellents "Cool & Calm" et "Back Stabba" avec leurs lignes de basse massives et puissantes qui portent à elles seules les morceaux.
Si les Roots Radics représentent les fondations du rub-a-dub, Alborosie en est l'héritier contemporain le plus emblématique. Les deux entités ont d'ailleurs produit un track en commun sur Freedom & Fyah (la grosse chronique ici) de l'Italien en 2016 avec "Everything" qui retentira d'ailleurs dans la nuit de Frangy. On remarque ainsi peu de modifications notables entre la setlist du Nomade Reggae Festival et celles des années précédentes, puisqu'Albo n'entonnera presque pas de chansons récentes (hormis "Living Dread"). Tracklist calibrée festival ou volonté de perpétuer un show efficace constitué, d'une certaine manière, d'un gigantesque medley, mis en route il y a quelques années ? Ce qui est sûr, c'est que le Shengen Clan, son backing band, le seconde d'une main de maître ; et on apprécie de la part d'Alborosie de laisser pleinement s'exprimer ses choristes, l'une pour reprendre le célébrissime "Simmer Down" de Bob Marley et l'autre pour assumer le couplet de Protoje sur "Strolling", composé par un certain Manudigital. Le reggae est affaire de partage et Albo le sait très bien, tout comme le Nomade Reggae Festival.
BIG UP à tous les artistes présents au cours du week-end !!
BIG UP également aux bénévoles, à l'organisation et à Bafing Kul !!
Crédit photos : LiviPix