Dub Shepherds & Jahno -Tales of A Wild World

« L’éternel est mon berger, je ne manquerai de rien » et surtout pas de musique, les Dub Shepherds, accompagnés de Jahno, pourraient s’approprier ce fameux psaume (23) car ils nous reviennent avec un projet de très haute qualité avec du roots et du dub en passant par du ska, du stepper, du rub a dub.

Ce sont deux versions différentes de six contes, qui dénoncent les temps modernes. Six titres qui interrogent les systèmes économiques et politiques en portant un regard acéré sur les valeurs humaines d’aujourd’hui. Ce regard est porté par Dub Shepherds sur le premier vinyle et  par Ivan Jah et Jahno. sur le deuxième. Avec deux approches différentes tant sur le mix que sur les paroles.

Jolly Joseph et Doctor Charty, les piliers Dub Shepherds (que l’on retrouve aussi au chant et à la guitare pour La Granja Orchestra) nous delivrent 6 morceaux très énergiques et on sent leur amour pour les sons anglais et jamaicains, du Lee Perry, du King Tubby, du Mad Professor, du Jah Shaka, une profonde alchimie des genres.

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L’ouverture de l’album avec "Heavy Manners" met une vraie claque, percussions, grosse basse et style rockers en batterie, on se retrouve projeté dans le reggae des années 70, la voix de Jolly Joseph démarre comme un phrasé du regretté Jacob Miller (40 ans qu’il a disparu cette année) avant de reprendre son style propre. Un titre qui parle entre autres des brutalités policières quand le pouvoir en place veut faire passer sa vision des choses, mais face aux lois de Babylone, se battent les dread, les « petites gens » comme disent ceux de là-haut de leur ton méprisant.

"Aquarius" restera longtemps dans la tête, tant au niveau du rythme, que des paroles ou de la voix en falsetto de Jolly Joseph, La Grosse Radio en avait parlé récemment lors de la sortie de la vidéo et l' émotion est palpable à travers ce titre.

"Flight To Inglan" se veut plus ska avec ses cuivres, sa rythmique basse/batterie mais avec une alternative flying cymbal digne du style inventé par Bunny Lee en 1974 (écoutez juste le "None Shall Escape The Judgement" de Johnny Clarke et mixé par King Tubby, vous comprendrez). Une histoire vraie et comique, celle de La Granja (le groupe dont font aussi partie les deux membres de  Dub Shepherds NDLR) quand ils sont allés à Brixton pour jouer avec de superbes rencontres, Clint English 12 et Sannaa. Le "big chicken for a big woman" a été lancé par Clint lors d’une soirée où il a fait passer cette désormais fameuse femme devant tout le monde pour manger le ‘chicken jerk’ alors que le groupe crevait la dalle. Jolly Joseph ne pouvait qu’en faire une chanson dont il a le secret, il peut tout aussi bien dénoncer les travers de la société que de créer des chansons d’humour.

De la haute voltige pour les trois morceaux suivants quand Docteur Charty passe derrière la console pour des dub bien sentis.

"Bloody System" est une dénonciation de notre système auquel nous ne voulons pas appartenir car nous avons notre propre vision de ce que nous voulons. Grosse ligne de basse et une voix passée au high pass filter ( comme savait si bien le faire King Tubby, l’inventeur du Dub, on vous en reparle d’ailleurs très vite à La Grosse Radio à travers sa biographie sortie récemment), qui est un des effets stars des Dub Shepherds.

"Keep On Running"rentre très bien dans la tête avec ses chœurs,

« continue de courir Homme mauvais mais  laisse-moi te dire ça, 
tu ne trouveras aucun endroit où te cacher. »

de très belles paroles et même un petit clin d’œil à Peter Tosh et son fameux :

“You can fool some people sometimes
But you can't fool all the people all the time”

Le premier vinyl se finit avec "Fairy Tales" et une combinaison Jolly Josheph/Ivan Jah, deux voix totalement différentes, Jolly Joseph jouant sur plusieurs tessitures tandis qu’Ivan Jah en digne héritier de Linton Kwesi Johnson, est un vrai dub poète. Une musique à contre courant de ce que font d’habitude les Dub Shephedrs et nombreux seront ceux qui reprendront le fameux

"Life is not a fairy Tales my dear "

très touchant "la vie n’est pas un conte de fée ma chérie" puisque le chanteur s’adresse à sa fille Marcelle.

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Pour le deuxième maxi, démarrage par "Boss Man" avec Ivan Jah, digne héritier de la lignée des Dub poet comme LKJ, Oku Onuara, Mutabaruka, Yasus Afari ou encore le regretté Mickael Smith, une batterie bien ronde tout comme la ligne de basse avec un mixage très ‘Lee Perryen’.

En fait, tous les morceaux du deuxieme vynil sont des recuts du premier mais passés à la moulinette Dub du grand Jahno. Ivan Jah a soit déjà les titres écrit à l’avance soit  il les écrit sur l'instant dans le studio juste avant de passer devant le micro.  Toutes les paroles sont d’ailleurs des histoires véridiques,  L’artiste suninai-jamaicain est très spontané et a une énergie unique comme on peut le découvrir sur le titre "Bossman" où il nous conte l’histoire d’un homme politique qui envoie étudier son fils à l’étranger, mais pour reprendre sa suite dans la corruption, mais cela aura eu l’effet contraire sur ce jeune homme qui s’ouvre au monde et rentre chez lui ave des dreadslocks).

Avec "Sekkle, Ivan Jah, nous raconte qu’il s’achète ou loue un appartement car il est temps pour lui de se poser, avec l’âge on prend consience de certaines choses, mais surtout que c'est la juste récompense après des années de galère (la rue entre autres).

Sur  "Him Have It" c’est l’'histoire vraie d’un rentier qui a de l’argent à ne plus savoir qu’en faire mais dont la maladie (un diabète sévère) fait que sa vie est en danger et qu’il doit tout surveiller dans son alimentation et boisson. Une histoire de moralité sur "l’argent peut-il tout acheter ?"

Quant à "The Goldbush”, c’est une histoire toute aussi véridique que fantastique ou le chanteur/poète nous raconte qu’il voulait passer du Surinam en Guyane par le fleuve, sans passeport, comme beaucoup de clandestins, orpailleur un jour, passeur un autre jour où il a vu des gendarmes tirer dans le camp de réfugiés du haut d’un hélicoptère et mettre le feu aux tentes et aux motos. Une monde violent dont l’hexagone ne parle (quasiment) jamais. 

Jahno, ingénieur du son réputé, utilise les effets dub standards tels les tape delay, reverbs à ressort, le fameux Hi Pass Filter (c’est d’ailleurs lui qui a monté et offert aux Dub Shepherds celui dont ils se servent le plus) et le phaser moog.  Son mix final est enregistré sur bande magnétique, à l’ancienne, en jouant de la non linéarité du média qui permet de colorer et "gonfler" le son. Tout comme les Dub Shepherds, on sent là aussi l’influence majeure de King Tubby  tout au long de cet album.

Jahno jouent tous les morceaux de batterie et l’on retrouve le gratin clermontois (Granja Orchestra et Païaka entre autres) aux autres instruments avec à la basse  T-Bass, Doctor Charty et Xavier, aux guitares Doctor Charty et Jolly Joseph, aux Orgues, Pianos et Synthés  Spelim, Fabien, Clement et Jolly Joseph, aux cuivres, Jamie, Marco, Max, Robin et aux Percussions Jahno et Jolly Joseph.
Les voix sont assurées par Jolly Joseph et Doctor Charty, sans oublier Ivan Jah en invité de marque.

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Toutes les pistes ont été enregistrées au studio La Grange de Marsat (construit de main de maître par tous les Granja Orchestra/Dub Shepherds)  et  ont toutes été traitées au Number one Foundation  (N.O.F.) de Jahno tandis que les mixages ont été effectués respectivement dans chacun de leur studio.

Avec Tales of A Wild World, laissez vous contez un monde sauvage adouci par la musique dub des Dub Shepherds et de Jahno, tout en ayant une énergie positive et contagieuse !

Dub Shepherds & Jahno presents Tales of A Wild World
Label Bat records
sortie le 14/02/2020 en digital

et en double vinyl maxi 45 tours le 21/02/2020
lors d’une release party à la coopérative de Mai – Clermont-Ferrand

Tracklist
PART 1 :
Artist : Dub Shepherds
1. Heavy Manners
2. Aquarius
3. Flight To Inglan
4. Bloody System
5. Keep On Running
6. Fairy Tales (ft. Ivan Jah)
PART 2 :
Artist : Jahno, Ivan Jah
1. Bossman (w. Ivan Jah)
2. Sekkle (w. Ivan Jah)
3. Big Knobs Flight
4. Him Have It (w. Ivan Jah)
5. The Goldbush (w. Ivan Jah)
6. Fairy Dub

Un grand merci à Jolly Joseph, Jahno, Iva, Jah et Alex "Dr Charty" pour leur aide à la réalisation de cet article.
A Marcelle et à Bonnie, les enfants du dub.

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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