Big Red – Smockaz

Depuis qu'il a pris son virage vapor avec l'album du même nom (la grosse chronique ici) en 2016, force est de constater que les pochettes des galettes de Big Red ont de la gueule ("Moi ma gueule et ma sensi"). Car le MC ne s'est pas uniquement renouvelé musicalement, il l'a fait artistiquement au sens large du terme. Avec Vapor, entouré des activistes de Brigante Records, il optait pour un son stratosphérique et l'artwork suivait par conséquent cette logique où l'artiste rentrait en symbiose avec l'espace et le cosmos.

Cette année, et plus précisément le 7 février, Big Red récidivait dans cet univers planant, une nouvelle fois dans le giron du label tourangeau (mais aussi de Bendo Music), association qui s'est concrétisée par l'album Smockaz. Et là encore, le toaster a dévoilé une pochette originale, très bigarrée, signée par le graphiste NoeTwo, qui oscille entre le graf et quelque chose à la Pollock. Celle-ci apparaît d'ailleurs comme l'autre versant de Vapor, puisqu'on peut y voir les reflets du ciel dans les lunettes de l'artiste et toujours muni de son spliff ("Moi ma gueule et ma sensi"). Tout un symbole. En effet, si, d'une certaine manière, ce Smockaz poursuit le travail entamé sur Vapor, il s'en démarque néanmoins avec une approche beaucoup plus urbaine, plus hip-hop ; la référence au graf trouvant tout son sens ici.

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Il aurait été effectivement vain de refaire deux fois de suite le même album ; Big Red ne mange pas de ce pain-là. On le sait et on ne compte plus les expérimentations musicales du MC, lui qui est capable de se poser sur du dancehall comme sur du UK Garage, sur du hip-hop comme sur du dub, du grime comme sur du metal. Du metal, tiens, tiens. Souvenez-vous, il y a plusieurs années de cela, Big Red s'acoquinait avec ses voisins dionysiens et métalleux de L'Esprit du Clan pour plusieurs morceaux dont le bien nommé "Smockaz", reflet d'une époque où le raggamuffin et le hip-hop faisaient front commun avec le metal, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre, via des groupes comme Body Count ou Skindred.

L'Angleterre a ainsi souvent été un terrain de jeu favori pour Big Red avec tous ces groupes, artistes, MCs ou DJs qui se contrefichent des règles musicales et qui n'hésitent pas à mélanger différents styles dans leurs compositions, ainsi qu'on peut d'ailleurs s'en faire une idée sur ce Smockaz. D'autant plus que Big Red a invité en renfort le rappeur anglais Adam Paris sur l'ultime track de l'album, "Freezer", qui allie tradition et modernité avec son beat à la fois boom-bap et trap et le flow quasi spoken word d'Adam Paris. Ce dernier n'est pas un inconnu de nos services, puisque l'on vous en parle régulièrement dans nos colonnes étant l'un des acteurs majeurs de Brigante Records. Big Red et lui avaient par exemple pris part au Double Trouble (la grosse chronique ici) de Supa Mana en 2016.

Ainsi, comme signalé plus haut, Big Red a de nouveau fait appel au label tourangeau pour cet opus et notamment l'un de ses fondateurs, Biga*Ranx, ou plus précisément Telly*, son pseudonyme de beatmaker, et Lil Slow, le producteur du tout jeune groupe Damé, dont Big Red se réapproprie le dancehall chill "Slow Down", paru sur l'EP Bye Bye (la grosse chronique ici) en 2018, pour un "Slow Down 2" où son flow s'entremêle à celui de la chanteuse Belkis FDB. De dancehall, il en est également question sur "Novemba" (à grands renforts d'effets dub et vapor, de percus et de chœur féminin sous l'impulsion de Blundetto) et sur le très suave et sweet "Light Goes Down" qui ferait presque écho au "French Wine" de Biga*Ranx sur son 1988 (la grosse chronique ici) sur lequel avait justement participé Blundetto.

En effet, les riddims ici présents rejoignent ceux du Tourangeau sur son dernier album, l'OP-1 marquant ainsi profondément de son empreinte la prod de "Belle Etoile", à la croisée du hip-hop, du dancehall et du rub-a-dub. Telly* est également à créditer sur le hip-hop aux parfums old school à la KRS-One, "Glock In My Eyes", l'un des titres les plus addictifs de l'album (qu'il s'agisse de l'instru ou du flow millimétré de Big Red) et les plus organiques. A contrario, avec "Ton Ennui" ou "No Title No Name", les notes se font plus planantes avec un skank très aérien sur un beat où se télescopent le trap et le dub.

Mais si sur "No Title No Name", Big Red adopte un timbre grave et scandé, on l'entend limite chantonner sur "Ton Ennui", situation qui sera poussée à son paroxysme sur le très beau "Tornado", un dub qui aurait très bien pu sortir des studios de Zenzile. En effet, sur ce morceau, le MC se mue en chanteur, posture qu'il avait déjà prise sur Vapor et notamment sur "J'ai pas le temps", de même que sur sa somptueuse reprise de "La Nuit Je Mens" d'Alain Bashung. Big Red sait tchatcher, toaster, mitrailler et même chanter, il n'est pas simplement un couteau-suisse musical, c'est un équilibriste vocal.

TRACKLIST

1. Bad Road feat Kid Charlemane
2. No Title No Name
3. Slow Down feat Damé
4. Glock In My Eye feat Telly*
5. Ton Ennui feat Telly*
6. Light Goes Down
7. Novemba
8. Tornado
9. Belle Etoile feat Telly*
10. Freezer feat Adam Paris

Artiste : Big Red
Album : Smockaz
Label : Bendo Music
Date de sortie : 07/02/2020

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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