Voilà un Ovni de la scène ragga reggae actuelle, il s'appelle Biga Ranx et il a seulement 24 ans. Il est pour la première fois programmé au Cap Festival, ce super festival de l'Aveyron ( le Vibal) et en plus en tête d'affiche.
Avant de le rencontrer, je ne connais finalement pas grand chose de lui si ce n'est ce fameux gros buzz qu'il a fait sur le net avec Joseph Cotton, et quelques morceaux de son premier et dernier album On Time.
Un million de vues sur You tube en un rien de temps. Alors là moi j'émets des doutes sur l'égo du jeune homme. Vingt quatre ans, énorme Buzz, invité au Garance Festival, à priori ça sent le boulard (comme on dirait part chez moi, plus communément appelé la grosse tête, non non je ne vous dirais pas d'où je viens).
Mes « à priori » s'effacent complètement quand je le vois : une nature simple, un grand sourire, ce petit truc qui te met tellement à l'aise et qui te donne l'impression de passer un moment avec un pote.
Ktoo: Yo BIGA!
BIGA: Yo ktoo ! tu bosses pour qui déjà?
K: la grosse radio reggae!
B: Big up à la grosse radio reggae , ils passent mes tunes, c'est cool !!
K: Merci! On prend, mais en même temps , avec le buzz que tu as fait , c'est un peu normal ( même si la Grosse Radio Reggae est réputée pour sa prog hors norme)
Tu sais que j'ai failli t'interviewer en anglais, d'où te vient ce flow jamaïcain?
B: c'est gentil, merci, j'ai toujours écouté énormément de musique jamaïcaine, j'ai tenté de reproduire ce que j'écoutais, à ma sauce.
K: comment se fait-il que tu écoutais ce style de musique, qui t'as initié?
B: Tout petit, c'est d'abord ma soeur qui m'a initié à la musique reggae à UB40, Bob Marley, etc, et c'est plutôt mon frère qui m'a fait connaître le ragga, dance hall.
J'écoutais pas mal de Hip Hop à l'époque, je voyais cette nouvelle mouvance vers le reggae arriver , et puis il y a eu Big Red, l'album Big Redemption qui a été une vraie révélation, j'étais plus accès hip hop mais j'avais un grand amour pour le reggae.
Et puis un jour ,adolescent, je me suis rendu compte que ce que j'aimais le plus dans la musique c'était la mélodie , et le reggae, ça t'offre ça, des mélodies imparables, du groove , c'est magique.
Je suis tombé sur un compilation qui s'appelait re-roots, avec du bon vieux reggae Roots, avec John Holt , Dennis Alcapone, Phil Pratt, du vieux roots avec une touche blues soul.
Ensuite, je me suis mis à collectionner les 45 T, quand j'arrivais à m'en acheter.
Et puis à l'école, je me débrouillais pour faire tous mes stages en entreprise chez les disquaires reggae. ( Bon tuyau pour les lycéens qui nous lisent)
K: et comment tu en es venu à prendre le micro?
B: c'était lors d'une soirée entre potes, il y avait du bon son, un micro, mes potes ont insisté, alors je me suis lancé et après je suis devenu "addict".
Au début je jouais plus avec des styles de Dj groovy Ruba dub (I-roy, Alcapone) et après je me suis tourné plus vers le Dance hall avec Super Cat, j'essayais de suivre l'évolution jamaïcaine.
Et puis aujourd'hui voilà, je me suis nourri de pleins d'influences différentes et ça s'entend dans ma musique.
K: Mais tu suis quand même une ligne directrice?
B: Le flow ça s'adapte sur pleins de trucs, le dance hall t'ouvre à tout ça .Il y a des chanteurs Dance Hall qui font des reprises de rock, ils adaptent leurs flow à plein de style , riddims différents, dubstep, soca, RNB , hip hop , Reggae, c'est un peu un 4X4 qui roule sur du tout terrain.
Quand tu bosses ton flow, ça te donne une cohérance, une identité, et ça t'ouvre vers pleins d'horizons différents, le Dance Hall apporte cette ouverture là, c'est différent du Reggae.
Il y a certaines personnes dans le reggae qui restent strictement « roots » qui n'écoutent que du reggae, qui ne jouent que sur du reggae, je trouve ça enfermant, alors qu'avant ,dans les années 70 les styles musicaux se mélangeaient plus. Il y avait les clashs jamaïcains, un partage avec des artistes qui n'avaient rien à voir, maintenant le milieu du reggae a changé .
K: Tu parles d'artistes jamaïcains?
B: Pas seulement, chez les français aussi, on a parfois l'impression qu'ils adhèrent tellement à la culture jamaïcaine qu'ils en oublient d'où ils viennent, hormis le fait qu'il chante en français. Je pense que l'important c'est de rester soi-même et d'adapter ton flow à qui tu es. Pourtant le reggae parle d'authenticité!!
K:Parlons un peu du Buzz sur Internet avec Joseph Cotton, ça t'a fait quoi?
Vous l'aviez prévu?
B: Non pas du tout, c'était quelque chose de totalement spontané, on a réveillé le caméraman en pleine nuit « filmes nous on va faire un free style ! ».
Le lendemain il l'avait mis sur You Tube, et nous dit « il y a déjà 100 vues! ».
Et en même temps, Cotton dit pour déconner« là il va y avoir un million de vues », moi j'y croyais pas vraiment.
K: Et pourtant, il y a un million!
B: ouais je sais c'est ça qui est extraordinaire, à l'époque où on a fait ça , on galérait un peu, on squattait les studios pour dormir, j'étais vraiment dans un univers sound système, tu vois, aller chanter pour 30 euros à droite et à gauche. C'est arrivé vraiment d'un coup, j'ai reçu pleins de messages, pleins de gens m'ont contacté pour faire pleins de dates, ce qui m'a permis de commencer à vivre de ma musique. Au début j'avais une sphère amicale, mais quand c'est devenu trop important, j'ai du faire appel à des personnes du métier.
Biga Ranx & Joseph Cotton
K: Maintenant tu as un producteur, c'est ça?
B: C'est mon producteur, mon bookeur, maintenant c'est souvent lié parce qu'avant les maisons de disques, producteurs, avaient la première place, maintenant, les lives sont aussi importants voir plus. La tendance c'est totalement inversée depuis le téléchargement. C'est pour ça que maintenant, beaucoup de bookeurs sont également producteurs.
K: Biga, maintenant que tu rentres dans la cour des grands, que penses tu de ta participation à Garance (en tout cas nous on a eu des supers retours)?
B: Ouais c'était chouette, de partager les loges avec des grands monsieurs, et puis l'ambiance est cool, ils se connaissent tous, j'ai beaucoup apprécié, c'était une belle expérience, même si on passait super tôt.
K: Tun' as jamais pensé à chanter en français?
B:Non, j'écris des trucs des fois en français , mais pffffffft ça me fait pas rêver.
Moi j'aime la puissance du mot, quand tu écoutes Burning Spear, tu as trois mots qui sont d'un telle puissance. J'aime l'alchimie de l'anglais avec le reggae, je trouve ça un peu moins valable en français, même si je respecte le travail de chacun, c'est pas trop mon truc.
K: Quels sont tes nouveaux projets?
B:J'ai plein de projets, je sors des vinyls, j'en ai sorti déjà deux :un avec Maffi, le deuxième avec ODG(OneDubGround), on en prépare un avec Mungo's Hifi et Kanka.
Suite à ça , on va ressortir le premier album On Time totalement remixé et revisité avec des featurings, chaque titre avec artistes et Dj différents.
Et puis je suis aussi sur le projet du prochain album, qui devrait sortir au printemps 2013.
K:Comment tu te sens sur ce deuxième album, tu te sens attendu, tu as la pression?
B: Je le fais toujours par amour et passion de la musique, je fais mon truc, j'évite de me prendre la tête avec des angoisses, je kiffe, et c'est l'essentiel.
J'essaye de pas trop penser à ce que veulent les gens, car il faut rester soi-même avant tout.
Il faut juste cultiver son univers, l'enrichir de pleins de trucs, mais que ça reste cohérent.
K: Et toi tu l'enrichis de quelles manières ton univers? Le voyage?
B: J'écoute pleins de trucs, je regarde des shows, j'essaye d'apprendre les trucs qui me plaisent.
K: T'écoutes quoi comme style de musique?
B: Tout style , bon j'avoue j'écoute peu de métal, parce que c'est un style vraiment à part même si j'ai vraiment un profond respect pour eux, car les musiciens de métal, ils plaisantent pas, certains sont vraiment des pointures.
Je pense que la musique mérite le respect de chacun, et que plutôt que de critiquer facilement , il faut plutôt essayer de se mettre à la place de l'autre, d'essayer de comprendre son art, c'est beaucoup plus enrichissant.
Bon c'est clair, il y a des trucs que j'aime pas mais je vais pas aller le clamer sur les toits, le dire gratuitement, ça apporte rien.
K:Tu as déjà souffert de critique?
B: Jamais directement, mais par exemple, tu retrouves des trucs sur les réseaux sociaux, après il y a tellement d'amour à côté que tu prends le meilleur.
K: Et le fait que tu sois blanc, comment c'est perçu dans ton milieu?
B:Honnêtement, ça a jamais été vraiment mal perçu, parce que j'ai toujours réussi à m'intégrer facilement.
Je me suis retrouvé dans des soirées ou j'étais le seul Whiti (Blanc), quand tu partages la musique, la couleur ne compte plus, t'es sur la même vibe.
Comme en Jamaïque, il y a des clichés comme quoi c'est raciste, alors que c'est pas du tout le cas.
K: Il est dit dans ta bio que tu as eu un déclic en Jamaïque, que ça t'a donné plein d'inspirations, c'est vrai?
B: Oui et non car ça avait commencé bien avant! Je m'exerçais sur des sound Clash ou tu as 90% de parlote et 10 % de musique au final, mais c'était super pour voir les expressions et les termes employés, je mettais ça en boucle, ça m'a permis d'apprendre le patois jamaïcain.
Après, la Jamaïque, ça m'a énormément nourrit, ça m'a permis de rencontrer du monde, de démarrer des projets.
Mais je pense sincèrement que les artistes n'ont pas besoin d'aller là-bas pour créer quelque chose de bien dans le reggae
.
K: Tu t'exerces beaucoup au niveau du flow?
B: Ouais tous les jours, c'est du travail mais je ne vois pas passer le temps c'est aussi du bonheur.
K: Il y a toujours une part d'improvisation dans tes lives?
B: Et bien, avant en tant que MC, oui, je faisais ça continuellement, c'était un bon kiff, j'aime le fait d'être acteur et spectateur en même temps, ça te met dans une sorte d'effervescence.
Maintenant avec le groupe, c'est plus structuré et il y a beaucoup moins de part à l'impro mais c'est un autre kiff, et j'aime bien ça aussi.
K: Bientôt l'heure de te préparer pour monter sur scène, alors merci beaucoup pour ta présence, la grosse radio reggae et moi te souhaitons, un longue, très longue carrière!!
B: Yes I !!
Résultat des courses, super contente d'avoir conversé avec un jeune homme très sain de corps et d'esprit, qui sait exactement où il en est et qui prend sa tache très à cœur.
Le concert a été une vraie performance artistique, Biga a une présence scénique incroyable, du groove , avec un mélange de styles surprenant mais toujours le flow de notre ami.
Biga Ranx reste simple, trace sa route et il croit en lui, la recette parfaite pour aller loin !!! alors continue de nous enchanter !!! Peut-être un exemple pour une génération qui se cherche et qui parfois ne croit pas suffisamment en elle.
Un énorme BIG UP au Cap Festival (thanks Arnaud) avec tous ces gentils et efficaces bénévoles, à Simon le photographe, Jessie (photo) à Alex (producteur Biga) et bien sûr à BIGA RANX!!