Deux ans après s'être perdus dans l'espace avec un Lost In Space (la grosse chronique ici) qui nous avait globalement laissés sur notre faim, il est temps en cette période très troublée de retrouver les Gentleman's Dub Club via la sortie de leur tout dernier album, Down To Earth, paru le 19 mars chez Easy Star Records.
Down To Earth. Les GDC sont ainsi redescendus sur Terre après leurs pérégrinations intergalactiques et leurs voyages intersidéraux. Comme nous le martèlent en effet les différents commentateurs de nos malheurs actuels, et qui surtout ne savent plus quoi inventer comme rodomontades et autres inepties, il paraîtrait que cette crise a engendré un retour aux choses simples et naturelles, toussa toussa quoi. Il semblerait donc que les GDC aient emboîté le pas à cette mouvance prônant une revalorisation du terroir, de le territorialisation, de la relocalisation, toussa toussa quoi.
Par conséquent, l'heure n'est plus aux velléités de constructions de châteaux en Espagne et encore moins dans le ciel. C'est pourtant en héritière de Miyazaki que l'équipée de Leeds ouvre son Down To Earth avec un "Castle In The Sky". Mais alors, quelle mouche les a piqués ? Que diable sont-ils allés faire dans cette galère ? Pour avoir un élément de réponse, il suffit d'observer la pochette avec tout son lot de champignons et de papillons et qui renvoie directement à une esthétique fin 60's/début 70's (cf Iron Butterfly justement et le Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles).
En somme, le voyage ne s'est pas effectué dans l'espace, mais plutôt dans le temps et ce "Castle In The Sky" amorce parfaitement la tonalité générale de ce Down To Earth qui sonne comme un Back To The 70's. En effet, "Castle In The Sky", avec ses tendances psyché et sa tonalité funky/disco, rappelle autant le "Papa Was A Rolling Stone" des Temptations que le "Sabebe" de Light Of Saba, tout comme le solo de guitare en fin de morceau qui évoque ce procédé usité de manière innombrable et interminable dans certains des titres les plus emblématiques de l'époque.
En outre, le groupe a mis le paquet sur la soul et sa façon bien à lui de revisiter le genre phare de la Motown et de la Stax. La présence de Hollie Cook sur "Honey" n'est d'ailleurs pas étrangère à ce parti pris, d'autant plus qu'on aurait très bien pu entendre la fille du batteur des Sex Pistols sur l'excellent "Moonlight Dreams" qui lui conviendrait à merveille. Les violons si caractéristiques de la soul et du disco des 70's marquent ainsi de leur empreinte ce "Moonlight Dreams", sans compter cette pléthore d'effets dub qui entre en symbiose avec la trame psyché du tune (King Tubby et Pink Floyd, même combat !).
De même, sur "More Than Memories", les claviers fleurent bon cette ambiance rétro et où l'on se surprend même à entendre un Jonathan Scratchley avec un timbre très soul et suave ;et similairement, les chœurs, en début de morceau, nous remémorent les trios vocaux soul ou reggae de cette époque. Quant à "Smile", là aussi, les violons cités plus haut, et représentatifs du son psyché et soul, se superposent à des claviers qui s'imposent comme des marqueurs tout autant emblématiques des 70's.
Cette analyse ne sied cependant qu'à une certaine partie de l'album. En effet, les GDC ont refait, une fois de plus, ce qu'ils savent faire de mieux, à savoir du reggae à l'anglaise (normal) ; on se permettra ainsi de réitérer le même constat que pour Lost In Space, à savoir un certain classicisme, quoique moins prononcé ici, eu égard aux prises de risque citées plus haut et qui pourtant font mouche et avec brio. Il y a même un contraste saisissant, d'un strict point de vue musical, entre la douceur et la force tranquille des morceaux soul et la tonalité beaucoup plus brute du reste de l'album. Comme sur la pochette, où les gentlemen ont conservé leur dress code à la Specials ou Madness dans un univers plus propice aux pattes d'eff et aux costumes bigarrés et farfelus à la George Clinton.
Par classicisme, et bien évidemment sans remettre en cause la qualité des riddims, on entend une inscription dans la tradition so british du reggae, du rockers au stepper. L'intégralité des titres dont nous n'avons pas encore parlé rentrent en conséquence dans cette catégorie avec plus ou moins d'efficacité et d'originalité.
Ainsi, selon nous, il y a véritablement deux pistes qui arrivent à se démarquer ici, dont la très bonne combinaison avec Gardna sur "Night Shift" qui ne manquera pas de mobiliser les foules en concert, mais aussi et surtout le last tune, "Last Chance", un gros dub stepper qui tache au mix impeccable et qui n'a rien à envier aux productions des compatriotes de GDC, qu'il s'agisse de Vibronics, Dougie Wardrop, Zion Train, ou encore de leurs colocataires de Leeds, Iration Steppas. Et là encore, on exprimera la même désolation qu'à propos de Lost In Space : pourquoi les GDC ne se lâchent-ils pas plus en matière de dub, d'autant plus qu'ils sont capables du meilleur ?
To dub or not to dub ?
TRACKLIST
1. Castle In The Sky
2. Down To Earth
3. Honey (feat. Hollie Cook)
4. Sunshine Revolution
5. Moonlight Dreams
6. Night Shift (feat. Gardna)
7. More Than Memories
8. Sugar Rush
9. Smile
10. Last Chance
Artiste : Gentleman's Dub Club
Album : Down To Earth
Label : Easy Star Records
Date de sortie : 19/03/2021