L'entretien Quelle Vie avec Uman
Encore plus depuis cette pandémie mondiale et ces mesures de confinement, bon nombre de personnes se demandent Quelle Vie nous attend dans ce monde de demain. Moment qui est aussi propice à la réflexion sur l'impact de notre passage jusque là sur cette terre. Ce constat d'une vie, Uman l'a transposé dans son dernier album intitulé Quelle Vie sorti chez The Bombist, le jour de ces cinquante ans (le1er février).
On voulait de notre côté en savoir un peu plus, on a donc échangé avec Uman et on lui a posé quelques questions. Un entretien que je vous invite à lire maintenant.
La chronique de Quelle Vie à (re)voir ici
LGR : Salut Uman. C'est Mamats de la Grosse Radio, c'est un plaisir de t'avoir au téléphone
UMAN : Enchanté
LGR : On va parler de Quelle vie ton album sorti le 1er février, le jour de tes cinquante ans sous le label The Bombist formé par Bost&Bim. De ton côté, tu as connu le duo parce qu'en 2007, Bim a travaillé sur ton album L'aventure c'est L'aventure.
UMAN : Effectivement c'est ce qui s'est passé. On s'est croisé deux, trois fois avec Jérémie Bim et j'écoutais aussi les mixtapes The Bombist. En 2007 j'ai réalisé un album ou j'ai eu l'opportunité d'inviter des musiciens et Bim m'avait fait un petit jeu de guitare sur l'album L'Aventure c'est l'Aventure.
LGR : Ok, top. Et donc là, tu as contacté Matthieu pour des instrus. C’était comme un clin d’œil, une sorte d’hommage à leur travail ?
UMAN : On va dire que cela fait longtemps que je suis leur taf et regarde ce qu'ils font. Quand l'idée de refaire un nouvel album est venue, Bost faisait partie des gens que j'avais contactés au départ pour récupérer des instrus. On ne s’était jamais rencontré avec Matthieu auparavant.
LGR : Nous en avons parlé avec Matthieu lors de notre échange il n’y a pas longtemps. Ta venue sur Paris est l’occasion pour remédier à ça.
UMAN : Ouais c'est ça, c'est la première fois que l'on se rencontre en fait. A la base, j’avais contacté Bost qui m’avait envoyé deux-trois instrus. C’était un peu avant le confinement, on avait les morceaux " BLM " – " Le Boulevard du Temps " et " Bye Bye ". Dans un second temps, Bost m’a renvoyé des riddims et quand il te fait un envoi, c’est du très gros pack avec pas mal de riddims. J’ai été inspiré et prolifique du coup.
Uman
" Quelle Vie "
Version acoustique
LGR : Il m'avait en effet dit que vous étiez partis pour un EP et à la vue du nombre de morceaux que vous aviez, sortir un album a vite été évoqué.
UMAN : Ouais, on s'est vite retrouvé sur un format album. Pour te dire, on était tellement content de ce que l'on fait ensemble que l'on va même sortir une version deluxe sur laquelle il y aura plusieurs featurings et notamment avec Mory.
LGR : J’ai vu sur les réseaux sociaux que vous avez clippé le morceau avec Mory.
UMAN : C’est exactement ça. On en profite d’être à Paris en ce moment.
LGR : Concernant ce projet Deluxe, vous en êtes où ?
UMAN : Il est bien avancé, il est à 65 - 70 % fini.
LGR : Ok, cool. On va parler un peu plus du contenu des chansons. C'est un album assez autobiographique comme on a l'habitude un peu de l'entendre généralement dans tes chansons. Pour Quelle Vie, on a noté que c'était un album entre fragilité, choix difficile de la vie, expérience… Enfin que tu nous parles de toute la vie à travers ce projet. Pourquoi avoir fait le choix d'un album aussi personnel, comme on peut l'entendre dans le titre " Le prince de la Ville " par exemple ou tout au long de l'album ?
UMAN : Je ne parle pas que de mes fragilités dedans, je parle aussi de cynisme, de mon positionnement. Après l'album, le titre de l'album " Quelle Vie " il en dit déjà long. Tu as vu, il n'y a pas de point d'interrogation, pas de point d'exclamation, ce qui veut dire que cela peut être perçu comme " Wouah Quelle Vie " ou toutes autres perspectives différentes.
LGR : Effectivement, on peut interpréter ce titre de nombreuses façons.
UMAN : Ouais, je trouvais que c’était pertinent pour un album qui sort le jour de mes 50 ans. Au-delà de ça, je pense effectivement qu'à mon âge dans la vie on grandit plus, on vieillit (rire). En fait, on grandit toujours et donc c'était l'opportunité de faire une espèce de bilan, tu vois ? Faire un constat…Mais cela n'est pas arrivé comme ça, je veux dire aussi qu'il y a une grande partie qui s’est faite en confinement et le confinement c'est aussi une période d'introspection.
LGR : Moi je ne l'ai pas vécu ce confinement. Dans la vie, je suis chef de cuisine en foyer pour adultes handicapés donc je ne l’ai pas vécu le confinement. Il n’y avait pas le temps pour se poser des questions, j’ai passé les trois quarts de mon temps à penser boulot, cuisine, commandes, stock, etc….
UMAN : Ha bah, c'est bien que tu ais des trucs à faire car moi je suis un artiste, je vis seul. J'ai des histoires d'amour mais vis seul. De ce fait, j'étais déjà naturellement confiné si tu veux. Pour moi, la vie sociale c'est quelque chose d'important. On ne va pas se mentir, j'ai quand même un cercle assez étendu, j'ai vu des amis et tout mais bon voilà, c'est quand même beaucoup de moments où tu es seul. Quand tu n'as rien d'autre à faire, que tu n'as pas envie de bosser, il arrive à un moment où tu commences à cogiter et plutôt que de cogiter et de se ronger, bah autant écrire des chansons et avec ses sentiments, tu vois ?
LGR : C'est clair que cette situation, le confinement, l’isolement… est propice pour se poser bon nombre de questions.
UMAN : Après cela a été favorable aussi. J'ai rarement autant bossé que pendant le confinement
LGR : Il est vrai que pour une personne qui aime s’exprimer tel un artiste peut le faire, cette pandémie et ce qui l’entoure doit être inspirant. On continue sur ton album. Mag, une des rédacs cheffe sur le webzine trouve que dans cet album, tu nous emmène dans un univers différent de ce que l'on a l'habitude d'entendre. Il est moins rap, moins révolté qu'à l'accoutumée. Est-ce qu'à 50 ans cela correspond à une entrée dans ta vie d’une envie de calme, avec plus de douceur ?
UMAN : Tout d'abord il y a dessus un morceau qui s'appelle " BLM " où dans le refrain en anglais dit " Jeune fille, je sais que tu te demandes ce que tu vaux dans cette société. Jeune homme noir, tu sais, tu connais ta valeur dans le ghetto etc....". Il y a aussi " Ce Jour Viendra " qui est quand même en positionnement par rapport aux choses qui se passent actuellement. Le morceau qui arrive avec Mory est plutôt revendicateur. Je suis très content de l'effet qu’a eu " Pas de Justice " sur un certain public et je suis assez fier que l'on joue ce morceau dans les manifs des Gilets Jaunes. Ils le reprennent, je reçois régulièrement des images de manif et tout. Moi je suis un anar, je ne me pose pas vraiment dans la militance, ce qui veut dire qu'aujourd'hui, moi j'ai un problème avec l'intersectionnalité, le fait que la lutte d’un n'est pas la lutte des autres, j'ai plutôt tendance à croire à une convergence des luttes pour arriver à un résultat. Là, moi je suis un peu en porte à faux avec une société où chacun y va de sa petite lutte et il est tellement égocentré sur sa lutte qu'il en oublie que la lutte est globale. Personnellement se définir dans une militance, je n’ai pas envie, je trouve que j'en ai fait assez tout au long de ma carrière et il y a assez de points de repère pour reconnaitre mon point de vue critique sur la société mais je n’ai pas envie que ce soit ma seule et unique spécialité, je sais faire d'autres choses aussi.
Uman
" Ce Jour Viendra "
LGR : Cet album là nous le démontre. Tu es moins brutal dans tes lyrics je dirais.
UMAN : C'est un peu le même traitement politique que dans L’Aventure c’est L’Aventure, un peu détourné, par des chemins de traverse, plutôt qu'en frontal, je dirais. Sur Umanist, il y a en fait, des chansons beaucoup plus ancrées et qui vont dans un certain sens. On pourrait presque dire que c'est consensuel par rapport à celui qui écoute. C'est à dire en général les gens qui écoutent Umanist et qui kiffent, cela rejoint un peu leur idée politique et tout en étant rebelle. Pour moi, il y a plus de rébellion dans le fait de pouvoir exprimer tout ce que l'on ressent personnellement que le fait d'aller dans le même sens que tout le monde.... Je voulais un album riche.
LGR : Il est réussi.
UMAN : Merci beaucoup mais c'est aussi la différence. Tu vois, quand je travaille avec Selecta Killa qui est mon partenaire avec qui j'organise des soirées, etc… Le gars avec qui je suis sur le starter on va dire. Tu vois lui c'est un beatmaker donc quand il fait une instru, c'est différent d'un producteur. Bost, il a plusieurs capacités au niveau de l’instrumentation parce que c'est un musicien. Je voulais tirer parti au maximum de travailler avec lui du fait que c'est un vrai producteur. Par exemple, les moments de musicalité à la fin de " Prince de la Ville " quand il y a la partie sax, c'est moi qui lui ai dit : Vas-y, rajoute de la musique mec, aère – aère. J'ai envie d'air, tu vois. Donc oui, peut-être du fait que cela correspond à mon âge mais c'est un album qui correspond bien à ce que je ressens et à ce que je suis aujourd'hui.
LGR : Pour continuer à parler collaboration. Matthieu intervient aussi sous le blaze Camille Murray pour un dub.
UMAN : C’est parce que la collaboration pour moi, c'est vraiment du 50-50. Je suis parti dans ce travail avec lui en me disant qu'il avait autant d'importance que moi dans ce projet.
LGR : On va continuer sur les collaborations. Yema est présente sur " BLM" et sur " Smoke and Fuck ". Tu peux nous parler de cette artiste ?
UMAN : Ouais, on a 25 ans de différence, c’est une amie et je pense que l’on s’apporte quelque chose en fait mutuellement. Elle m'apporte de la jouvence, de la fraicheur, de la modernité. Bien que je ne manque pas de modernité, on va pas se mentir, mais elle m'apporte beaucoup de choses et moi de mon côté j'essaie de lui mettre un peu le pied à l'étrier et aussi de bénéficier de son grand talent parce qu'elle est aussi vraiment talentueuse.
Uman x Yema
" SAF "
LGR : Et comment s'est faite cette rencontre ?
UMAN : C'est une amie, c'est quelqu'un que je connais depuis 5 - 6 ans maintenant. On s'est rencontré dans l'une de mes soirées. On a pas mal de centres d'intérêts, de points communs à partager et puis il y a une grande complicité qui s'est développée. On échange pas mal, on philosophe beaucoup ensemble, on refait le monde au cours de nos discussions. Sur mes chansons, elle amène de la fraicheur, de la sensibilité, elle amène de l'air, de la féminité. C'est la cerise sur le gâteau et c'est aussi la fenêtre ouverte sur le ciel et le soleil quoi.
LGR : C'est cool, c'est joliment dit
UMAN : MERCI
LGR : On retrouve aussi Sara Lugo aux chœurs, sur le titre " Est-ce que l’on en parle ou pas ", pourquoi cette artiste en particulier
UMAN : Alors parce qu'elle est très connectée avec Bost et que j'avais besoin de chœurs
LGR : D'accord
UMAN : j'ai dit : tiens pourquoi on ne mettrait pas des chœurs de meuf et il m'a dit : Tiens je vais demander à Sara.
Uman
" Est ce que l'on en parle ou pas ? "
LGR : Laurent Masta pour le deuxième dub
UMAN : Alors ça, c'est un titre dont l’instru avait déjà des versions dub. C'est moi qui ai dit à l’équipe : Vient, on le met sur l'album et on l’a adapté à l’album. Je pense que Laurent Masta, il est co-compositeur de l'instru, là mon avis avec Bost.
LGR : Dans Quelle Vie, tu nous parles d'amour comme dans "Bye-Bye" ou " Mille et une nuit "
UMAN : Ouais, ça c'est un peu mon point de vue libertaire, je n’ai pas d'enfants. Je comprends les gens qui construisent de l'amour à partir du moment où ils se construisent un futur, des enfants, de l'éducation… Moi je ne suis pas tenu par ces contingences là donc j'ai assez une forme de liberté. Je tiens beaucoup à ma liberté, je travaille la nuit, je suis peintre aussi à côté de la musique et j'aime beaucoup travailler la nuit. Je suis plutôt une bête de travail, par contre mon rythme n'a rien à voir avec le rythme de production classique sociale. Donc aujourd'hui bien sûr, j'accorde beaucoup d'importance à l'amour et au partage mais ce n'est pas la deadline de ma vie. J'ai tendance à dire que dans une relation c'est 50 – 50 donc si cela a foiré et si cela refoire, il y a 50 % de responsabilités des 2 cotés. Ce qui est intéressant de considérer en tant que personne impliquée, c'est plus sa responsabilité qu'il faut réussir à reconnaitre et non rejeter celle-ci sur l'autre.
Je me suis beaucoup laisser porter par la passion, par l'emportement, par la folie et par le feu, et j'en suis ravi parce que j'ai une vie amoureuse bien remplie mais aujourd'hui, j'ai d'autres attentes que des portes qui claquent et le matin chagrin.
LGR : Cela me fait penser au titres " Boulevard du Temps " et " No Futur ". De quelle façon, tu l'entrevois notre avenir ?
UMAN : " Boulevard du temps", je n’évoque pas vraiment l'avenir, c'est plutôt une chanson sur des destins croisés qui se sont ratés et sur le départ impromptu et soudain. C'est plus un morceau sur la mort des autres, pas la mienne, (rire). " No Futur ", c'est quand tu disais qu’il n’y avait pas de militance et cela rejoint ce que je disais tout à l'heure. Je suis un punk et un anar, dans mon esprit en tout cas. Je m'habille hip-hop, mais mon esprit est punk à mort tu vois ? Et voilà, il n’y a pas de futur et au-delà de ça, c'est aussi une réalité " No Futur", c'est à dire pour le moment cela fait un an que l’on ne sait pas où il est le futur. Cela fait un an qu'il n’y a plus de concert, plus de terrasse. Ils nous ont donné un peu de terrasse entre le printemps et l'été, mais cela a été refermé. Il n’y a plus de vie sociale, plus de liberté et on encaisse, on accepte que notre liberté soit réduite au fur et à mesure, sans trop broncher. Moi, je suis assez étonné de la résignation et de l'acceptation des gens et parfois sidéré par cette soumission mais je peux comprendre. Parce que le virus, il est actuellement là et la peur, elle circule effectivement donc je comprends le process mais il y a des constats à faire. Par exemple que l'autre s'adapte très vite même à la privation de liberté. Donc voilà, donc tout ça fait que je trouve que le futur n'est pas de bon et meilleure augure.
LGR : Ha non c'est clair et plus de luttes possibles.
UMAN : "No Futur" c'est ça. Cet été je faisais une expo et cela faisait 2 ans et demi que je bossais dessus, et que je travaillais à base d'images d'émeutes, de répression, de corps partout sur la terre entière.
LGR : C'était une expo photo ou peinture
UMAN : Peinture. En fait, j'ai eu le nez fin parce que je sentais que quelque chose se passait et on l'a vu avec les Gilets Jaunes. Mais cela a été neutralisé d'un coup. Les luttes sociales, elles sont totalement neutralisées.
LGR : Il y en a plus, plus le droit.
UMAN : Tu n’as plus le droit de lutter. Donc tu vois, je ne remets pas en cause les distances du virus, je remettrais plus en cause la gestion de la crise sanitaire, mais surtout derrière ce que je vois, c'est l'atteinte aux libertés qui elle me fait vraiment flipper.
Uman
" No Future "
LGR : Pour revenir sur tes talents de dessinateur, de peintre, tu as réalisé les artworks des singles qui sont sortis, elles sont de toi ?
UMAN : Depuis Umanist, l'artwork autour de Uman c'est moi
LGR : D’où te vient cette passion ?
UMAN : Ce sont les études que j'ai faites, j'ai fait les Beaux-Arts
LGR : D'accord, je ne savais pas
UMAN : Ouais j'ai fini les Beaux-Arts en étude supérieure et avec plutôt une belle réussite. J'ai la peinture en moi depuis toujours et je trouve que c'est assez. Moi, bon à part faire l'amour, faire la java, il y a trois trucs que j'aime vraiment bien c'est manger, cuisiner et peindre. Ce sontt trois trucs qui sont assez proches l'un de l'autre.
LGR : C'est de l'art
UMAN : C'est ça, de l'émotion et de la sensibilité, de la méthode, c'est pas mal de choses en commun effectivement. Et de l'évasion
LGR : Merci Uman.
Uman : Merci à toi.
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