Ca bouge dans l'univers d'Arjen Lucassen, la tête pensante à l'origine d'Ayreon et Star One. Pour ce nouveau projet, point de science-fiction ni de voyage spatial, mais un voyage temporel dans les années 70. Avec son groupe Supersonic Revolution, le géant néerlandais a voulu rendre hommage à The Golden Age of Music (d'où le nom de son album), c'est à dire la décennie de Deep Purple, David Bowie, du glam et autres styles qui influencent encore aujourd'hui bon nombre de groupes.
Arjen a voulu orienter le style musical de l'album vers le bon vieux hard rock classique de Deep Purple. En résultent plusieurs compositions qui sonnent comme le groupe de Ian Paice. Enfin pour être plus précis, nous devrions dire le groupe de Jon Lord tant l'orgue hammond est un élément central. Imposé directement dans l'introduction intitulée "Prelude", le jeu du claviériste Joost den Broek, qui collabore depuis longtemps avec Arjen Lucassen, rend hommage à cet instrument et ramène à un temps où les claviers pouvaient largement rivaliser avec les guitares électriques sans être indus, symphoniques ou kitschs. Ca ronronne dans les graves, c'est percussif dans les arpèges, l'orgue hammond est définitivement le MVP de cet album.
L'influence Deep Purple ne s'arrête pas là puisque le Néerlandais, dans son concept d'hommage aux seventies, va même jusqu'à composer une chanson sur la création de "Smoke on the Water", intitulée "Burn it Down". Dans un style proche du morceau d'origine, il évoque l'incident du point de vue du spectateur pyromane. Ironie suprême, ce dernier termine en espérant qu'un jour, on lui dédie une chanson.
Les paroles et les références sont la vraie force de cet album car au niveau musical, on est en terrain connu : on oscille entre compositions prog épiques du type Ayreon et morceaux plus musclés avec un combo guitare/orgue hammond comme dans Star One. L'album commence par faire référence à la vague glam des années 70 avec des artistes comme Alice Cooper, Marc Bolan, Sweet et David Bowie. Sous cette évocation assez directe des influences d'Arjen, on sent une vraie volonté de se livrer personnellement et de se mettre pour une fois un peu à nu. Il faut dire que l'artiste a basé sa carrière sur des histoires fantastiques, inventées ou tirées du cinéma, mais n'a jamais parlé vraiment de lui. Même son excellent album solo Lost in the New Real l'imaginait cryogénisé et ressuscité dans le futur. Avec "The Glamattack", on a l'impression d'être avec lui, sur son lit, à écouter les vinyles que nous connaissons tous. Même constat pour "Golden Age of Music" qui s'attaque aux gros groupes de l'époque comme Rainbow, Deep Purple ou Pink Floyd. On regrettera néanmoins les références amenées de façon peu subtiles.
Les paroles d'Arjen n'ont pas souvent été très implicites mais cet album nous permet d'apprécier le potentiel émotionnel de ses textes. Dans le morceau "Odyssey" qui se base du point de vue d'un astronaute de la mission Apollo 13, on se met littéralement dans la peau de ce père de famille qui va quitter son foyer. Et au fur et à mesure que l'accident arrive, une certaine tension, et dans les textes et dans la musique, se fait sentir. C'est définitivement l'une des réussites de l'album. Autre morceau émouvant et visuel : "Golden Boy" qui évoque les films de Steven Spielberg. En prenant le parti de décrire quelques plans, Arjen Lucassen nous ramène directement dans le passé et nous fait vivre ses émotions : la joie de la découverte des pochettes d'albums de Storm Thorgerson avec le très ELP et Led Zeppien "They took us by storm" mais aussi la tristesse de la séparation des Beatles avec "Holy holy ground".
Ce dernier est une bonne surprise puisqu'il tranche un peu avec l'ambiance Deep Purple en amenant un clavier Rhodes et un groove proche de "Lovin' Touch'in Squeezin' ". Arjen a toujours su mettre la musique au service des paroles et ce n'est pas "The Fight of the Century" qui dira le contraire. Cette ode au combat du siècle entre Mohamed Ali et Joe Frazier possède un gros riff très couillu et un joli échange entre la guitare et les claviers.
Il faut dire qu'Arjen a toujours su très bien s'entourer pour exécuter ses compositions. Le chant est assuré par John Jaycee Cuijpers, que les fans d'Ayreon connaissent déjà bien. Le chanteur est hyper à l'aise dans n'importe quel style : tantôt émouvant, tantôt puissant en rappelant Russell Allen. Point de grosses stars derrière la guitare mais Timo Somers fait le travail parfaitement en retranscrivant l'atmosphère des années 70 tout en modernisant son jeu avec des soli qui tirent plus vers Eddie Van Halen que Jimi Hendrix. Déjà évoqué plus tôt, Joost Van Den Broek rivalise d'intelligence avec Jon Lord et on se surprend à retrouver les grands duels improvisés de la paire Blackmore/Lord.
Le groupe se permet même quelques digressions avec le très jovial "Came to Mock, Stayed to Rock" qui célèbre les plaisirs coupables de nos metalleux adorés : ABBA ou l'opéra. Entre début très bluesy et refrain hard rock, on se surprend encore à se souvenir de nos réactions lorsque nous avons découvert certains "guilty pleasures". Comme pour illustrer plus clairement son propos, Supersonic Revolution nous propose quatre reprises bonus : "Children of the Revolution" reste assez classique avec une atmosphère plus heavy, "Heard it on the X" a toute sa place dans la tracklist puisque dans ce morceau les ZZ Top évoquent leurs découvertes musicales grâce aux radios mexicaines qui émettaient jusqu'aux Etats-Unis, "Fantasy" de Earth, Wind and Fire est peut-être la plus surprenante et pour finir le groupe entonne le très joyeux "Love is All" de Roger Glover. C'est sympathique mais pas forcément révolutionnaire.
Arjen Lucassen nous livre un opus pas forcément surprenant au niveau musical : les fans d'Ayreon et Star One ne seront pas surpris, contrairement à l'album "polémique" Transitus. La force de cet opus réside vraiment dans les paroles et les thèmes abordés. Nul doute que ceux qui ont connu les années 70 se retrouveront dans les textes. Les plus jeunes pourront redécouvrir cette époque cruciale pour le rock et le metal. Globalement, les compositions sont efficaces et pourraient bien passer la barrière du live ... Enfin si Arjen se décidait à aller au delà des Pays-Bas et faire une vraie tournée.
L'album est déjà disponible ici.
Images : DR Mascot Label
Tracklist
01) SR Prelude
02) The Glamattack
03) Golden Age Of Music
04) The Rise Of The Starman
05) Burn It Down
06) Odyssey
07) They Took Us By Storm
08) Golden Boy
09) Holy Holy Ground
10) Fight Of The Century
11) Came To Mock, Stayed To Rock
12) Children Of The Revolution (reprise de T-Rex)
13) Heard It On The X (reprise de ZZ Top)
14) Fantasy (reprise de Earth Wind & Fire)
15) Love is All (reprise de Roger Glover)