Fabulous Sheep : les Moutons noirs bitterois sont de retour !

Kids are back ! Après dix ans d’existence - ils se sont maqués musicalement au collège - les cinq Bitterois de Fabulous Sheep viennent sortir leur second album “Social Violence”. Plutôt que dans un rade bruyant, c’est dans l’appartement cosy du cousin de Piero Berini, en plein quartier du Sentier à Paname, que nous tapons la discute avec son alter-ego Timothé Soulairol, sous l’oeil bienveillant de leur RP Julien. Quelques heures plus tard, les deux chanteurs guitaristes iront récupérer en gare de Lyon la fratrie rythmique des Pernet et Gabriel  le clavier-saxophoniste. Et le lendemain, les Fab exploseront la Boule Noire, façon puzzle !

A l’écoute de “Social Violence”, un éminent collaborateur-photographe de LGR nous faisait remarquer que l’anglais de Piero s’est nettement amélioré depuis le premier album. Fort heureusement, il a conservé celui tout aussi chantant de sa région. Celui de Timothée est moins perceptible, mais durant l’entretien, sa voix se fera entendre tout autant. Tous deux ont un disque et surtout des idées, des idéaux à défendre, également partagés par les autres membres du groupe. Pour autant, ils ne revendiquent pas l’étiquette “engagé”. “On est engagés en tant que citoyen et en tant qu’artistes. Les travailleurs sociaux, ça, ce sont des gens engagés. Elle est là, la subtilité…” Et Piero de citer Intermède Robinson, une structure de l’Essonne qui mène un programme et des actions, en lien avec les pratiques et principes de la pédagogie sociale, et avec laquelle ils ont travaillé. Être natif de Béziers, ça aide pour qui se sent concerné par le monde qui l’entoure ? “On est aux premières loges d’une certaine bêtise humaine et cela nous inspire forcément. Il y a donc effectivement de la colère, de la frustration et c’est clairement le moteur de notre inspiration. “Parasite” par exemple est une critique assez frontale des politiques, des dirigeants qui stigmatisent le peuple, les pauvres… Alors que ce sont eux les vrais parasites, parce qu’ils rendent le système de plus en plus précaire.”

Social Violence” a été composé avant le Covid. Comme beaucoup, les Fab’ en ont profiter pour squatter leur studio de répet’ durant le confinement. Ils ont créé d’autres titres, matière au prochain disque, lequel sera forcément marqué au fer rouge par cette période délétère. Lors de résidences, ils ont également préparé leurs futurs sets. Sans savoir où et quand ils pourraient les jouer… Un an et demi sans le retour du public ; un calvaire pour ces forcenés de la scène. Mais lorsqu’on évoque ce second album, pour lequel ils sont forcément attendus au tournant, on les sent tranquilles. Piero est serein autant que réaliste ; ça arrive aux plus grands rockers de ne pas être à la hauteur des fulgurances du fameux “tout-premier”, souvent réputé être le meilleur. Et de citer Pete Doherty qu’il trouve moins bon que du temps des Libertines. Tim est catégorique : “non, pas de pression, parce qu’on savait qu’on pouvait faire mieux !”. Piero nuance et avoue tout de même appréhender le retour au live… Mais on ne le sent pas inquiet, il sait pouvoir compter sur l’alchimie qui les lient tous les cinq. Elle se traduit autant sur scène que dans la composition même des morceaux. “Tim et moi apportons souvent des suites d’accord, prémices d’une compo, mais si elles ne recueillent pas l’unanimité, on passe à autre chose. L’avis de chacun compte. Et on est cinq gros égos, y a pas de suiveurs parmi nous ! ” Et chacun chante le titre qu’il amène, c’est ainsi que Charles Pernet le bassiste prend le lead vocal sur “Run” et “Dogs”. Gabriel, le claviériste a aussi son mot à dire. Gab, une connaissance de Piero au départ et qu’une passion commune pour les Doors a fait se rencontrer. Saxophoniste de base - on l’entend sur “Believe in Gods” - Piero rigole lorsqu’il se souvient comment ils lui ont vendu le groupe. “On aimerait avoir un sax, qui sonne comme le violon du Velvet Underground”. Tim surenchérit ; “surVenus in furs” pour être vraiment précis..”. Son comparse acquiesce ; ils voulaient un saxo qui ait la même présence que celui des Sonics (le baryton de Rob Lind, dernière pièce d’origine du mythique groupe de garage des Sixties). “Gab’ s’est mis ensuite aux claviers et il contribue beaucoup à l’ambiance des morceaux, avec la palette de sons qu’il peut de fait proposer.

Si les Clash font l’unanimité parmi les cinq Fab’ et s’ils connaissent leurs classiques rock sur le bout des cordes, leur appétence pour la période anglaise post-punk est de notoriété publique. Et ça se confirme lorsqu’on leur demande de citer les groupes actuels avec lesquels ils sentent des affinités. Le nom de Idles fuse immédiatement “pour leur message, leur énergie scénique” - et puis sans surprise, Shame, Fontain D.C ou Squid. “Nous sommes de la génération Youtube. Gab écoute du classique, du jazz, de l’électro. Jacques notre batteur grignote de tout et son frère Charles est très hip-hop. Un style que personnellement je n’écoutais pas à l’époque du premier album, mais maintenant, on perçoit nettement des influences sur “Run” ou avec les choeurs à la Beasty Boys sur “Run”. Malgré quelques titres en français à leurs tout-débuts, l’anglais s’est vite imposé de par leurs influences musicale autant que par la “conviction d’une nécessité d’Internationale jeunesse indignée”, comme l’indique l’excellent texte de présentation de leur dossier de presse. Tim tient à préciser que sur scène, Piero explicite souvent leur propos entre chaque. Mais même avec un niveau de sixième, ceux de “Mediterranean Cemetery” sont aisément compréhensibles. “Cette mer, c’est la nôtre, celle de l’innocence de notre enfance, la plage avec nos grands-parents… Un jour, j’étais pile en face en train de siroter mon café, paisible. Mais le journal que je lisais, me renvoyait lui les milliers de morts. Je me suis rendu compte qu’il y avait deux mondes distincts de chaque côté de la rive de cette même mer, celui des touristes en famille et les autres…

Piero se marre lorsqu’on lui fait remarquer que le titre “The future is unwritten” peut renvoyer à la devise No Future du mouvement punk. “Les Clash n’ont jamais été No Future ; ils étaient d’ailleurs un peu plus conscientisés que la plupart des groupes de l’époque… En fait, c’est une référence à un documentaire sur Joe Strummer.1 Ce qu’a sans doute voulu démontrer avec ce titre Julien Temple son réalisateur, c’est que ton futur, ton destin, c’est toi qui l’écris. On n’a pas à se laisser dicter le chemin à suivre”. L’hommage aux Clash, c’est le morceau “Believe in gods”, un texte que Tim et lui ont co-écrit. “On avait ce riff de basse de Charles qu’il jouait avec son frère et lors d’une répet, Jacques a amené naturellement l’intro qui sonne effectivement comme une citation de “Magnificient Seven” et il nous a incité à assumer parce que ça collait naturellement pour le morceau. 

En 2015, inspirés par la situation en Grèce, les Fab’ chantaient la révolte dans les rues d’Athènes, la guerre en Ukraine leur inspirerait-elle une chanson ? Tim souligne que la situation est un peu différente. Il admet être encore sous le coup de la sidération et avoir besoin de l’analyser, sans pour autant juger celles et ceux qui ont besoin de réagir à chaud. Piero acquiesce. “J’ai immédiatement songé à “Athenians Streets”. C’est la même chanson en fait, suffirait de l’appeler “Kiev Streets”2. On chantait déjà à l’époque que nous sommes tous des enfants de l’Europe sans s’en rendre compte. Et sans avoir besoin d’analyse géo-politique, ce qui importe, c’est que le message envers le peuple Ukrainien qui se bat demeure le même. C’est celui de la solidarité”. En septembre, les Fab ont prévu de faire un concert dont la recette sera versée à des associations. Et ils n’en sont pas à leur premier action de soutien. A Béziers, pour collecter des fonds pour offrir des cadeaux à des enfants dont les parents n’avaient pas les moyens nécessaire, lors de l’entre-deux tours des municipales de 2014, ils avaient organisé un concert en soutien au candidat de gauche face à Robert Ménard et pour SOS Méditerranée. Récemment, le groupe a vécu une expérience extraordinaire avec des résidents handicapés dans un foyer de Castres, en travaillant avec eux pour monter un spectacle. “Des moments vraiment intenses pour nous cinq. Piero et moi avons l’habitude de ce genre de démarche, mais c’était une découverte pour Jacques par exemple et c’est lui qui s’est retrouvé à diriger une des séances de travail rythmiques”.

Désormais reconnus comme un groupe émergent, à la réputation scénique établie, l’intégrité qui transparait dans leurs choix musicaux, leurs textes, ne risque-t-elle d’être un frein pour l’avenir ? Réponse tranchée de Piero : “on ne va pas pervertir le fond de notre message pour faire carrière. On a envie d’en vivre, mais pas à n’importe quel prix”. Timothé surenchérit. “On est peut-être à contre-courant en ayant un style qui n’est pas formaté, suffisamment identifiable. Mais on a besoin de se surprendre mutuellement, de faire des choses différentes, nouvelles, c’est vraiment qu’on a besoin de faire, ce qui nous fait vivre et ce sont les pros que notre éclectisme dérange. Le public, lui a tendance à apprécier”.

1 “The future is Unwritten” de Joe Strummer et un film de Julien Temple (2007)

2 “We're closing our eyes, letting our brothers down …/… Morning faith is gone / with it some hopes now the hate comes / we don't feel it but we are all european sons.” “Athenians Streets” (2015)



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