Quintana Dead Blues eXperience – Interview

Le 3 juin dernier se tenait la 20e édition du Festival des Noctambules à Saint Aubin de Medoc. Un festival gratuit à partager en famille, avec une programmation sublimement éclectique. A l'affiche : Keziah Jones, Youthstar et Miscellaneous, Booboo'zzz All Stars, Zacharie Defaut, Rock & Suits et (surtout) Quintana Dead Blues eXperience. La Grosse Radio y était, et a profité de cette ambiance détendue pour vous ramener l'interview pleine d'authenticité de ce dernier. Vous le connaissez ?

Quintana, l'eXpérience

LGR: Bonjour ! Je t'ai découvert dans un des nombreux mails que l'on reçoit, avec une description comme "Piero Quintana est seul sur scène avec une guitare à fond, et une vieille groove box. Sincère et énergique, Piero vit chaque concert comme si sa vie en dépendait..."
Déjà je me suis dit "Qu'est ce que c'est cet alien ?!". J'ai écouté l'album, et j'ai trouvé le projet intéressant. Deux mois plus tard, je te découvrais dans un show endiablé sur le plateau de Musicalarue et j'en ai pris plein la gueule ! Du coup, aujourd'hui, je viens t'interviewer, juste avant ton concert au Festival des Noctambules à Saint Aubin de Médoc.
Tu es donc auteur-compositeur-interprète, plus de trente ans de carrière et plusieurs formations à ton actif (même si j'ai eu du mal à y croire !) avant de te lancer en solo en 2017.
Peux tu nous résumer d'où tu viens, musicalement ?
Piero Quintana: Oula ! Là on va passer 1h parce que effectivement, on ne dirait pas comme ça mais je suis vieux ! J'ai une bonne crème anti-ride ! En fait j'ai commencé dans le classique. C'est ma grand-mère qui m'a mis au classique quand j'étais petit. Ma sœur faisait du classique aussi et j'ai fait de la flûte traversière donc ça vient de là. Et pour faire court, vers 18 ans j'en ai eu un peu marre de ce côté un peu rigide du classique et j'avais envie de faire du rock. Je me suis mis à la basse en pensant que ça allait être plus simple, parce qu'il n'y a que 4 cordes, et finalement petit à petit à la guitare pour faire plusieurs groupes.

Et comment t'est venu l'idée de jouer tout seul ?
Alors, au bout d'un moment, quand le deuxième groupe s'est séparé, j'ai eu deux histoires un peu longues de dix ans. Des groupes qui ont beaucoup tourné, et je me suis retrouvé un peu tout seul comme un con. Et je me suis dit "tiens, je vais faire un truc tout seul, à fond, un peu radical, sauvage. Un truc un peu sans concession où je ne pose de question à personne et je fais mon truc, voilà", c'est l'idée.

Alors, c'est bien que tu aies parlé de la flûte traversière parce que j'allais te demander ce que tu en avais fait, du coup qu'est-ce qu'elle est devenue?
Euh, je vais rester poli (rires), c'est la référence à "C'est arrivé près de chez vous" ! Non mais en fait la flûte j'en ai fait pendant longtemps aussi dans mes anciens groupes où on mettait des effets saturés, etc. et on faisait des ambiances. Là sur le dernier projet, j'ai déjà pas mal de choses à faire entre la guitare, la machine. Il y a même une période où j'ai fait de l'harmonica, du coup j'ai vraiment laissé tomber. Bon elle est toujours là, mais pour l'instant ça ne se prête pas à mon délire un peu blues stoner.

Zoom sur le dernier album One of Us

Ton dernier album One of Us est sorti le 16 septembre dernier. Radical, sauvage, comme tu le dis. Comment se passe la compo quand on est seul dans ce registre là ?
Pour la compo, je vais pas vous cacher que je travaille quand même avec des gens. Parce que j'ai besoin d'un retour. Parce qu'au tout début quand j'ai démarré le projet tout seul, j'ai pu poser tous mes délires, mes idées et mes influences. Et puis au bout d'un moment on tourne un peu en rond quand il n'y a pas d'inertie et que ça ne rebondit pas avec d'autres musiciens pour dire ça c'est bien, ça c'est pas bien. Tu sais plus trop si c'est bien ou pas. Donc je me suis entouré un peu de gens que je connais, avec qui j'aime bien bosser, j'aime bien leurs influences. Il y a Rémi Guirao entre autres, et on écrit les albums souvent à deux. Soit c'est carrément des morceaux à moi qu'il me remodèle, soit il me donne des idées de riff, après il fait peut-être un texte... Voilà on a bossé, presqu'à 50%.

Tout au long de l'album, on sent un subtil mélange entre des émotions sombres et une furieuse envie d'aller de l'avant, comme le titre "I'm Here" qui succède "I Wish You Had Never Been There". Y a-t-il une suite entre ces deux titres?
Non, et c'est marrant que tu dises ça, j'avais pas fait gaffe donc il faudra que je revoie ça de plus près. C'est cool, c'est excellent. Effectivement il y a ce côté, au niveau des textes où je fais souvent des trucs très personnels sur des états d'âme. J'évite les chansons sur "je t'aime tu m'aimes t'es parti", des trucs comme ça. Et puis j'ai pas non plus de message politique ou revendicatif à faire. Enfin je ne me sens pas capable de le faire, et c'est plutôt des états d'âme, des ressentis. Il y a ce côté un peu noir, effectivement, mais il y a aussi ce coté "aller de l'avant". Et donc tu parlais de "I'm Here", c'est que je suis toujours ici. Ou de "Go Ahead", c'est qu'il faut aller en avant, qu'il ne faut rien lâcher jusqu'au bout.

Sur "Kill Me", ma deuxième préférée du live, tu nous offres un instant suspendu dans le temps, où ta guitare et toi ne faites plus qu'un. Un titre qui nous tient en haleine jusqu'au bout avec une intensité et une progression musicale incroyable. Tu dis "You wanna kill me, dance on me", à qui ça s'adresse ?
En fait c'est "tu veux me tuer, tu veux danser sur moi". C'est quelqu'un ou quelque chose, un truc qui a une emprise sur toi, qui joue sur ta vie et sur ton quotidien. Ce n'est pas destiné forcément à une personne, ça peut être une situation, un truc qui se passe dans la vie.
Alors effectivement, (je passe du coq à l'âne), mais ça me fait plaisir que tu dises que la guitare et moi ça ne fait qu'un. C'est qu'effectivement mon projet aujourd'hui, c'est vraiment ce côté guitare en avant. Comme je le dis sur ma bio, d'ailleurs, que j'ai beaucoup raccourcie. Avant on me demandait 20-25 lignes. Maintenant je ne mets plus qu'une phrase : un mec tout seul avec sa guitare à fond, et une boîte à rythme. Parce c'est vraiment un truc qui me tient à cœur. Que ça soit vraiment l'élément principal de ce projet : c'est cette guitare et moi en avant. Comme si on ne faisait qu'un. Et faire ces passages justement dans les concerts un peu à la Doors, un truc un peu plus planant, où il y a une émotion qui passe, une osmose avec la guitare.

Et bien ça se ressent bien !

L'émotion du live

Mon plus gros coup de cœur sur le live, "I will be myself", (qui ne fait pas partie du dernier album), est cruellement scénique. Il faut dire que tu donnes tout, debout sur ta grosse caisse au milieu du public. Que représente ce titre pour toi ?
Alors c'est plein de choses. C'est toujours lié à cette histoire de sincérité, d'authenticité etc, d'être soi-même. Et l'histoire de cette chanson, c'est un petit 4 titres que j'ai fait pendant le covid, et qui est en téléchargement sur internet. Comme on était tous enfermés comme des cons, j'avais ma grosse caisse et ma guitare, et j'ai fait un petit 4 titres pour patienter, chez moi, sans machine, sans rien.
Après je l'ai intégrée au set, où ça me permet d'avoir un moment sans les machines, un peu plus tranquille. Parfois je descends dans le public , où ça permet d'aller plus loin. Enfin voilà, c'est un moment encore plus intime avec la guitare et la personne. Puisque je ne me planque plus derrière des grosses machines qui foutent le bordel et qui remplissent l'espace sonore. Je suis vraiment tout seul.

Alors c'est intéressant parce que je vais rebondir là-dessus ! Tu as dit dans une interview que l'idée d'être seul et à poil te plaisait. Pour "pousser le concept de l'émotion d'une voix, d'une guitare à fond, sauvage, crade, avec une groove box froide et rigide le plus loin possible". Comment on fait pour capter le public aussi fort et aussi loin quand on est tout seul ?
Ben c'est gentil ça, de dire ça. Ben je galère et puis je suis quelqu'un de très stressé. Peut être que sur scène ça ne se voit pas trop. Après c'est un moment où j'essaie de me lâcher totalement. Et comment je fais, en tout cas comment j'essaye de faire... Avec le temps je me suis rendu compte qu'il faut être, encore une fois, le plus sincère et authentique, pour toucher les gens. Mais surtout se faire plaisir. C'est à dire, qu'il y ait une personne ou 1000, il faut vraiment te faire plaisir pour pouvoir faire plaisir. Si tu te fais chier, les gens ils vont se faire chier. Donc moi le concert, c'est vraiment un amusement, même si je rentre en me chiant dessus (rires), mais le but c'est de se faire plaisir. Ce n'est que de la musique, on ne joue pas sa vie, et on n'a pas un cancer quoi ! C'est vraiment : il faut en profiter à fond, faire partager le truc et justement aller loin dans "se lâcher dans le truc", je ne sais pas comment dire...
C'est généreux !
Ouai, j'essaie de me faire plaisir pour pouvoir chopper les gens et faire plaisir !
Et bien ça marche !
Après, ce n'est pas calculé non plus, ça devient naturel avec le temps.

Les projets à venir

Des nouvelles du tremplin du V&B fest' ?
Alors oui, j'ai eu des nouvelles. Après, moi j'aime pas trop m'exposer parce que j'essaie de donner de la crédibilité à mon projet. Donc, j'aime pas faire voter les gens etc. Donc effectivement il y avait un vote sur internet.
Si tu veux on enlèvera cette question ?
Ah non, pas du tout ! Au contraire, c'est bien parce que ça reste dans mon concept justement de tout dire et d'être à poil. C'est que, moi, je ne veux rien cacher, je veux être le plus naturel possible. Et là effectivement, je fais des choses parce que je suis un petit groupe et j'essaye en me disant que peut-être je vais y arriver au bout d'un moment, à me retrouver sur une grosse scène comme ce soir. Et du coup je suis passé par ce biais là. J'ai passé les caps de sélection en jouant dans un bar, et puis sur les votes j'ai pas été pris mais c'est comme ça. J'en avais fait un autre pour Musilac et c'est pareil, ça n'a pas fonctionné non plus mais c'est pas grave ça !

Ok, quelques mots sur tes projets à venir ?
Oula, alors c'est toujours un peu délicat, surtout quand t'es tout seul. Tu sais jamais vraiment, même si t'essayes de voir le plus loin possible. Donc moi je fais vraiment de la musique pour faire des concerts. Les albums c'est souvent un prétexte, je ne suis pas un fan des studios. Je fais des nouveaux morceaux et des nouveaux albums parce que les programmateurs et festivals veulent que tu aies un nouveau truc pour faire un appel. Si tu joues tout le temps les mêmes trucs, les gens s'intéressent moins à toi. Et du coup, là j'ai quand même un disque qui vient de sortir. J'essaye de les faire durer un an, deux ans max. Entre temps donc, l'idée, pour répondre à ta question, c'est de faire un 4 titres, je sais pas quand, pour relancer le truc. De sortir un single encore de cet album, et beaucoup jouer. Là cette année j'ai fait à peu près 80 dates. Donc j'essaie de maintenir le cap, j'essaie de faire une tournée en Espagne cet hiver. Pour le moment, l'idée c'est de faire un album d'ici un an.
Mais d'abord de faire vivre celui-là.
De le faire vivre et puis surtout jouer le plus possible dans les meilleures conditions possible, et de rencontrer le plus de gens possible.

On me dit dans l'oreillette que tu adores le Sud Ouest et les Landes, n'hésite pas à revenir jouer chez nous et à passer faire un coucou.
Ben je veux bien dire un truc là dessus parce que justement, je sais pas où vous avez choppé cette info.
On me dit tout dans l'oreillette! (rire)
Non mais j'aime beaucoup cette région, j'habite ici maintenant. En fait je suis grenoblois, pour bien situer le truc, et j'habite ici depuis 3 ans. Je crois que je suis arrivé juste avant le covid. J'ai choisi cette région exactement pour ça. Pour l'océan, le cadre de vie. Les Landes, ses grandes lignes droites etc... J'en pouvais plus des montagnes et de la neige ! (rires)
Et bien je comprends, on est bien chez nous !
Voilà, donc c'est cool, je suis par là !
Un grand merci à toi, bon concert !
Et bien merci à toi!

Festival des Noctambules 2023
©Jessica Calvo Photographe



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