Beverly Jo Scott, le blues arc-en-ciel

Amis du tube moderne déjà mort quand il sort, addicts du chébran technoïde sans âme, accros de l'overcompression glaciale, passez votre route. Aujourd'hui on va causer roots et blues, on va jacter fleurs jaunes sur pantalons violets, on va bavasser vieilles chansons françaises, on va dégouliner de sentiments, et on va envoyer paître la hype de bon coeur !

Beverly Jo Scott est une chanteuse et guitariste qui se définit elle-même comme une française d'adoption. Née aux Etats-Unis en Alabama, et nourrie très jeune au bon grain du blues, du rock, de la country et du gospel, elle décide de sillonner son pays puis d'aller vers le vieux continent, où elle finira par s'installer en Belgique au début des années 80, pour entamer une carrière artistique fructueuse en Europe. 

Artiste chaleureuse et communicative, BJS a opéré une véritable fusion de son style avec la musique francophone ; en témoigne son travail avec de très nombreux artistes tels que Maurane, Francis Cabrel, Alain Souchon, Bernard Lavilliers, Axel Bauer, Jacques Higelin, Louis Bertignac, Adamo, Eddy Mitchell, Deep Forest, Alain Chamfort, Matmatah, Arno, etc... Il faut bien sûr citer également Paul Personne, qui apparait tout d'abord sur l'album Divine Rebel en 2003 pour une composition en duo, "Sublime Guérison". On le retrouvera ensuite à plusieurs reprises avec BJS sur scène ou pour des albums, bel exemple d'accordage entre deux artistes qui s'entendent comme des larrons en foire et prennent visiblement beaucoup de plaisir à jouer ensemble. La "petite française d'adoption" a par ailleurs sorti en 2008 un album de compositions intégralement en français (sur lequel on trouve aussi une reprise de "Comme un petit coquelicot" de M Mouloudji).

BJS live

Dans la composition et l'interprétation de BJS, on trouve des ingrédients expliquant sa longévité artistique et sa crédibilité : une très grande sensibilité, des réserves de nuances vocales inépuisables sur toute la gamme des émotions, et de manière générale chez elle et ses musiciens, un sens mélodique et rythmique remarquable. Cela donne par exemple un "Great White Ghost" plein de finesse, un "Rip the Sack" groovy à souhait, un "Tolling" country bien trippant, ou bien un "My soul's on fire" taillé dans du blues pur beurre. Je ne peux décemment pas oublier de citer "Little girls", une super claque rock à la montée irrésistible, simplement génial. Certains ne se sont d'ailleurs pas trompés sur son talent vocal et artistique, puisqu'elle est devenue depuis 2011 coach pour l'émission télévisuelle The Voice Belgique, et y a acquis une notoriété bien méritée ; Beverly a d'ailleurs fait intervenir des chanteurs de son équipe de l'émission, lors de certains de ses concerts.

BJS est également connue pour avoir fait de nombreuses reprises. On pouvait déjà trouver "C'est extra" (Léo Ferré) sur son premier album Honey & Hurricanes en 1991. On lui connaît aussi un célèbre "Mona Lisa" (J Higelin), ou, plus inattendu, une "Poupée qui fait non" (M Polnareff). Son travail avec Arno débouche en 2009 sur une reprise bien barrée de "La Fille du Père Noël" de Jacques Dutronc ("Jean Baltazaarrr"), accompagnée d'un clip OVNIesque visible sur le site (psychédélique) de BJS. Elle a aussi repris des standards anglophones, comme "Nights in white satin" de The moody blues.  En 2010 parait l'album live Planet Janis, suite à la tournée du spectacle monté pour les 40 ans de la disparition de Janis Joplin ; on y trouve, outre les reprises de Janis Joplin, des chansons de Bob Dylan, Georges Gershwin, et Otis Redding. Janis et Beverly... une rencontre assez évidente tant les univers se frôlent. Voilà, maintenant, vous pouvez enfiler le pantalon violet à fleurs jaunes !

Il est donc un fait saisissant chez BJS : elle utilise des classiques à contre-courant en les plongeant dans un bain électro-acoustique parfumé au blues-rock à sa façon. Les puristes chatouilleux s'en tiendront aux originaux (en tendant tout de même l'oreille en cachette) ; ceux qui, comme moi, sont par exemple des truffes en classiques français, ou n'ont pas peur de redécouvrir les chansons autrement, apprécieront. Les chébrans de la hype, eux, sont déjà partis bouder en coulisse, ce qui ne nous dérangera pas. De manière générale, la critique et le public sont assez unanimes sur le fait que BJS sait reprendre ces chansons avec goût. Je cite au passage sa reprise saisissante du "Sud" de Nino Ferrer, présentée sur l'album Cut and Run ; il fallait oser toucher ce monument de la chanson française... le résultat est à la fois délicat et douloureux, du genre à coller des frissons dans le dos.

BJS Cut and Run

Je me suis trouvée en difficulté pour illustrer cet article avec un clip reflétant complètement la qualité du travail de BJS : la majorité des vidéos sauvages sur le net sont de piètre niveau, et les clips ou vidéos officiels sont rarissimes. Le meilleur moyen de découvrir l'artiste reste évidemment d'aller à ses concerts et d'écouter ses albums. BJS tourne régulièrement en France et en Belgique, les dates de ses concerts sont disponibles sur son site. Votre servante mettra pour sa part son plus beau pattes d'éph' et ses santiags pour le concert d'Anglet en février prochain, avec bien sûr un petit live report en prévision.

Aux néophytes assoiffés, ou à ceux qui n'auront pas la possibilité d'aller à un concert (pleurage et désespération), je conseille forcément le double live Cut and Run sorti en 2005, véritable compilation des "tubes" de BJS agrémenté des pépites précitées ; en plus de nous installer au coeur de ses prestations comme si on y était, on ne pourra que noter l'extrême habileté de Beverly et ses musiciens à monter des morceaux qui prennent tout leur sens sur scène, et à les jouer avec un professionnalisme bluffant. Pour ceux qui tomberont sous le charme et voudront tout connaître, BJS compte 10 albums à son actif depuis 1991, dont trois lives, une production très honorable mais assez logique en regard de son implication créative et scénique. Vous pouvez aussi la retrouver tous les dimanches pour son émission BJ's Sunday Brunch, sur la radio Classic 21 de la RTBF, ou suivre ses actualités sur sa page facebook.

Les interventions parlées de BJS en concert sont aussi assez caractéristiques ; elle y explore sa vie, ses sentiments, parle de l'amour, de la tolérance et du partage, avec un style direct et charnel bien personnel ; Beverly doit d'ailleurs une bonne partie de son succès à The Voice pour son franc-parler et ses expressions imagées. Le kitsch de son univers coloré et décalé est donc totalement assumé, comme le bric-à-brac d'une maison pleine de vie et de visiteurs amicaux. Au final, sa musique réconciliera même ceux qui trouvent que le jaune et le violet ne vont pas bien ensemble : bien plus que du blues-rock de haute qualité, c'est véritablement de la musique du fond du coeur, de la chaleur humaine transcendée en notes, que nous sert BJS. Une vraie leçon d'authenticité.

 


 

Toutes les photos sont issues du site de Beverly Jo Scott.



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