Ca commence fort…L’auteur de ce communiqué se doute-t-il un seul instant que ce lundi 19 novembre sera précisément celui de MON double grand kif intersidéral ? Eiffel à l’Olympia avec (temps de pause) Victoria Tibblin en première partie ! Non bien sûr, il s’en fout…
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Jour J. Les conditions de circulations sont les plus execrables de ces quarante dernières années. D’autant qu’il pleut. A 18h30, la question n’est plus “ a quelle heure allons nous arriver? ” mais “ allons nous arriver? ” Bagnole à l’arrêt, essuies-glaces, France-inter… J’enrage. Pour me motiver l’optimisme je pense à cette phrase de Romain:
Quoi qu'il arrive, malgré le manque de diffusion, malgré les grèves (complètement légitimes d'ailleurs...), ça sera une chouette soirée, que l'on se retrouve à 3 ou 2400.
Oui, le manque de diffusion… Car desormais ils sont seuls, (…)avec tout ce que cela comporte de difficultés pour la tournée et la promo(…) La maison de disque les a lâché quelques semaines plus tôt. La raison? TANDOORI= 12000 exemplaires vendus. Je ne vois que ça… Et ils le font quand même... La vache!
Et là, dans cette voiture, au moment même ou je sais que je loupe magistralement Victoria Tibblin, je le chope l’optimisme, en plein vol ! Faut y aller ! Ce soir, plus que jamais! Ce concert est symbolique: on va leur montrer bordel, qu’on a pas besoin d’eux! Ce soir !
J’aime la grêve, j’aime la pluie, j’aime Eiffel ! On fonce !
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Devant l’Olympia, un paquet de gens qui fument. La première partie est terminée, Victoria est sans doute dans sa loge, je l’imagine en sueur - STOP. Je retournerai la voir c’est sûr, alors qu’Eiffel…
Oui, Eiffel. Ca y est, c’est là, c’est maintenant. La salle est presque pleine. Tout le monde a chopé l’optimisme au vol on dirait. Ca commence.
Et tout de suite, malaise. Romain assis, commence une version de Shalom un peu molle pour une entame de concert, la lumière est blafarde, l’atmosphère est lourde. C’était à prévoir. Les morceaux s’égrennent vite. Très vite. Trop? Ca ne va pas. Qu’est-ce qui me gêne bon sang? J’ai l’impression d’un contre rythme. Romain est dans l’urgence, Estelle semble sur la réserve, je trouve le son brouillon (quasi absence de basse en façade) et les lumières beaucoup trop "cheap" pour l’occasion. C’est moi ou quoi? Une reprise de Girls wanna have fun et un véritable massacre vocal sur Tu vois loin (le monument) me font sortir: j’ai besoin d’une bouffée d’air et d’une bière.
J’interroge une amie:
- Alors?
Même impression…
Bière. J’y retourne.
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Fin du premier set: salle en feu, ovation, joie. On en veut encore sincèrement. Qu’ils reviennent ! Que s’est-il passé?
On a senti poindre quelque chose au milieu du premier set, avec Belle de jour. Et puis Bigger than the Biggest a été le déclic. Morceau de bravoure les enfants! ! Il a duré combien ce morceau? 10 minutes? 15 ? Plus ? Hors du temps… Chargé a souhait, Romain en transe éructant, exultant, sortant de scène, revenant, déclamant des vers, du Férré !
Puis s’enchaînent Te Revoir , qui arrive comme un flash back sentimental au meilleur moment, qu’Ai-je donc à Donner et surtout Sombre, ce concentré d’énérgie pure, petite bombe sur le quart d’heure des ahuris.
Oui, oui, oui, c’est ça que nous sommes venus voir ! Messieurs Dame, nous en voulons encore !
Et nous sommes servis. Fin du premier rappel: la salle est en délire. Le groupe et le public confirment, s’étreignent enfin et de la manière la plus explosive. C’est bon ! Inverse moi, Avec des Si et Hype ont fini de nous vriller les capteurs sensoriels. Les lumières semblent plus chaudes, rouges, mauves, suaves, éléctriques… C’est moi ou tout le monde se détend?
C’est pas fini.
L’apothéose sera ce bijou de dernier rappel: une reprise de Boris Vian, Je voudrais pas crever, véritable symbole évidemment de cette fin de concert. Romain s’approprie magnifiquement ce texte, l’interprète comme un chanteur de cabaret, executant par-ci par-là quelques pas de deux d’une élégance toute particulière. Sa voix déclame, chante, puis déclame à nouveau, s’échouant dans des intonations d’une désinvolture de Dandy. Il est maître à bord.
Que ça ne se termine jamais bon sang…
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Ils sont là…Les quatre, bras dessus bras dessous, regardant la salle qui le acclame, de ces yeux qui disent à la fois: “L’Olympia…On l’a fait bordel !” et “ C’est trop con tout ça...”. Ils prolongent l’instant. Ils veulent en prendre un maximum dans les yeux, les oreilles et le coeur. Et nous, on leur donne.
Le “A bientôt peut-être… ou pas” lâché par Romain parachève cette ambiance Cendrillonesque: il est minuit, les enfants, le rêve se termine.
Et moi aujourd’hui, avec le recul, je me dis qu’il ya des concerts comme celui-ci qui ont une histoire, un cheminement, un developpement propre, et ce petit plus tragique qui leur donne LA dimension d’un concert exceptionnel. Car même si le groupe déclare : On ne chiale pas, ce n'est pas la fin du monde (...), les circonstances foireuses étaient bel et bien dans la salle, présentes avec nous ce ce soir là. Et croyez moi, le public qui a vu un groupe, faisant son premier et peut-être dernier Olympia, se déployer au fur et à mesure de la soirée, et s’affranchir de la pesanteur de ces circonstances, comme l’a fait Eiffel ce 19 novembre, est vraiment un public chanceux.
Ce concert était symbolique. Fallait qu’on leur montre qu’on avait pas besoin d’eux, les marchands. Et on leur a montré, bordel. Ce soir. Eiffel et nous.
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