Qui a peur des nouveaux talents?

Il est une race à par dans le monde de la musique.
Ils n'ont pas de noms et son désignés tantôt "nouveaux talents", tantôt "scène autoprod", tantôt "range ta guitare et passe ton BAC".

Cette alternative à la scène musicale majorisée n'est ni pire ni meilleure que les artistes qui passent en FM. Elle est juste là.

Pourtant, et malgré de nombreux avantages que nous oublierons d'énumérer ici, les chansons de ces artistes restent de coté et n'intéressent personne.

Les Nouveaux Talents n'intéressent pas les labels.

De tous temps, le travail d'un label a été de développer un artiste et de mettre au service du produit "musique" son assise financière afin de pouvoir mettre en place des plans promos et des tournées de plus de 20 dates.

Pourtant, comme toute entreprise, les labels ont besoin de gagner de l'argent et dans un pays comme la France où la culture variété est très implantée, et où les français achètent en moyenne moins de 1,5 disques par an, les sources de revenus se raréfient.

Afin d'espérer vendre des disques, les labels ont besoin de l'appui des médias, radio et télévision en tête.

Pourtant, les décideurs de ce secteur sont de plus en plus frileux et de plus en impliqués, d'où un certain paradoxe.

Les Nouveaux Talents n'intéressent pas les radios.

Le format "radio edit" est très particulier et répond à certaines règles.
L'intro doit faire 15 sec, le refrain doit arriver entre la cinquantième et la soixantième seconde, le morceau doit faire entre 3min et 3min15...

Face au casse tête que représente ces histoires de format, les programmateurs musicaux ont pris un nouveau rôle dans l'industrie musicale.

Régulièrement, certains d'entre eux sont invités en studio par les producteurs afin d'orienter la production du morceau.

Ils conseillent les tonalités, les temps, le tempo et contribuent à rendre le morceau diffusable en FM.

Cette nouvelle activité est née après l'évolution de la radio, qui veut aujourd'hui des produits clef en main.

On a commencé par faire réenregistrer les morceaux de rap avec le nom de la station dans l'intro, puis dans un couplet.

Aujourd'hui, les radios font réenregistrer les morceaux quand ils ne sont pas au format, exigeant au passage d'être citées dans un couplet. Et les artistes Pop et Rock n'y échappent plus.

Malgré toutes ces contraintes techniques, les morceaux élus qui auront droit à une diffusion radio sont rares.

Le matraquage qu'exerce les réseaux commerciaux contribuent pourtant à faire de ces chansons des tubes.

Mais les radios préfèrent ne diffuser que peu de titres, et en particulier les productions d'une poignée d'artistes pour concentrer leurs efforts marketing sur le moins de marques possibles.

Le nom de l'artiste est en effet une marque.

Les Nouveaux Talents n'intéressent pas les auditeurs.

C'est cette marque que les auditeurs viennent chercher sur une radio.
Les stations connaissent toutes la notion de promesse faite à l'auditeur.

Les études ont permis de déterminer qui écoute la radio, quand et pendant combien de temps.
On sait également ce que viennent chercher les auditeurs sur une radio.

La promesse faite à l'auditeur consiste donc à réussir à glisser dans le temps où on est écouté, tout ce que l'auditeur est venu chercher.

Par exemple, un auditeur vient pour écouter NRJ pendant 17 min.
Il faut que dans ce créneau de temps, il trouve 2 tubes, 1 nouveauté et 1 page de pubs.
Ecoutez la radio 17 minutes consécutives et vous verrez.
Ca fonctionne de 7h02 à 7h19, de 8h15 à 8h32, de...

Les auditeurs sont très versatiles et ont appris à zapper.
Si la radio ne correspond pas à la promesse, ils zappent.

Les nouveaux talents, par essence, ne sont pas encore des marques porteuses.
Et personne ne se connecte à une radio pour entendre le nouveau titre d'un artiste dont il ignore l'existence.

Les radios comme Radio Néo, KillTheFm ou même La Grosse Radio ont choisi de défendre les artistes alternatifs.

C'est donc la promesse de la radio.

Pourtant, si à la première écoute, un auditeur n'entend aucun titre auquel il adhèrera immédiatement, il ne reviendra jamais.

Il s’agit donc de programmer des titres d'artistes alternatifs, mais surtout des titres commerciaux et qui accrocheront le public.

Cette logique va plus loin.

Sur une radio comme La Grosse Radio, la promesse faite à l'auditeur est, entre autre, un programme rock, très axé nouveaux talents et avec peu de spot de pub.

Pourtant, une programmation 100% nouveau talents fait fuir des auditeurs qui ne nous écoutent que pour ça.

Le programme musical de La Grosse Radio perd de l'audience si il ne diffuse pas, entre deux artistes alternatifs au moins un morceau fédérateur, et donc un tube rock le plus souvent issu de majors.

Les auditeurs, qui sont pourtant venus sur une antenne thématique comme la notre, ne supportent pas, eux non plus, de ne pas avoir leur tube rock toutes les 10 minutes.

Les Nouveaux Talents n'intéressent pas les nouvelles formes de promo.

Avec l'avènement d'Internet, les plateformes d'autopromotions d'artistes se sont développées.

Elles s'appellent MySpace, Wat, TousEnLive ou CQFD.

Les artistes signés ou non y sont sur un même pied d'égalité.
Pourtant, les audiences des pages des artistes signés et majorisés sont plus fortes que les audiences des groupes autoproduits.

Les nouveaux talents ont misé sur le bouche à oreille.

Etre présent sur MySpace, c'est l'espoir de créer un buzz et qu'un internaute passe le lien de la page d'un artiste à 2 potes, qui le passeront à 2 potes et ainsi de suite.

Les internautes n'échangent pourtant pas de musique sur le net.

Les "recommandations" LastFm.fr finissent avec les pourriels dans les corbeilles de spams, et les internautes s'envoient les liens des "Têtes A Claques", ou des "2 minutes du peuple".

Le buzz passe par l'humour et pas par la musique.

Du coup, les fiches artistes sur les plateformes communautaires se multiplient, et ces sites deviennent infréquentables car l'internaute, submergé par l'offre, préfèrera au final choisir de ne pas choisir.

Questions:

Pourquoi le public accepte de s'intéresser à une nouveauté uniquement si il sait que c'est le nouveau titre d'un artiste qu'il connait ?

Tant il est vrai qu'on n'achète pas un téléphone portable pour la musique qui est dedans, pourquoi le Nokia N81 8Go est-il vendu avec les sons du nouveau Maroon 5 et pas avec des morceaux de la scène alternative ?

Pourquoi les platesformes comme MySpace mettent-elles en vitrine les pages d'artistes qui connaissent déjà un engouement ?

Pourquoi les auditeurs de La Grosse Radio zappent-ils quand on enchaîne les nouveaux talents ?



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