Arrivée dans le Gros Mix à l'automne dernier, sur les conseils charmés de Mme Mallis, Victoria Tibblin, m'avait immédiatement séduit avec le titre "Make Me Pretty".
Un rock bien solide, une voix chaude ou stridente à volonté, un texte lui aussi bien rock'n'roll.
Je m'imaginais alors une solide bonne femme, grosse rockeuse avec des années de route au compteur.
Et non, Victoria Tibblin ressemble à un petit poussin jeté prématurément du nid, un oisillon qui aurait dû se démerder tout seul à coup de pelle, une sorte de canari élevé par Bernie !
Victoria Tibblin est suédoise, a 21 ans, a vécu in London pour s'établir à Paris.
Elle est complètement autodidacte, écrit ses textes (dans la langue de Shakespeare ou de Molière, à volonté), compose ou co-compose ses musiques, et les crache sur scène.
Car voilà, l'occasion a fait que j'ai découvert la miss en concert ce samedi 2 février dernier à l'Usine à Chapeaux de Rambouillet. En effet, la première partie étant tenue par Sheeduz qui fera le Gros Boeuf le 7 mars prochain, nous avons décidé d'aller voir ça dans la vraie vie !
Je reviendrai sur Sheeduz dans un autre papier, car le groupe est digne de gros intérêt.
Victoria TIbblin arrive sur scène dans une tenue inqualifiable, un bustier sans forme un peu lâche, des collants foncés qui laissent apparaître sa petite culotte, et des botillons rouges. Un peu comme si elle avait été attirée sur scène sans qu'on lui laisse le temps de mettre un jean ou une juppe !
Le concert commence, je me dis secrètement que la fille a effectivement une putain de voix, mais en regardant le look des 3 lascars zikos qui l'accompagnent (costards noirs, chemises blanches, cravates frippées, mal rasés et cheveux en bataille) j'ai un peur peur que tout ça ne soit du marketing, de la provocation made in Universal (on ne se refait pas lol), et qu'avant de m'emballer je vais attendre un peu.
Après deux morceaux Victoria s'adresse enfin à nous d'un air détaché :
- "Bonsoir la Suisse" (moi ça me fait rire)
- "Nan c'était hier la Suisse" balance quelqu'un dans le public
- "Ta gueule" conclue Victoria
Ca m'a fait rire, mais ça continue d'attester ma thèse de la provoc préparée, même si la fille assume 100% sa connerie et qu'elle a l'air bien solide dans ses pompes rouges.
S'en suit un set hyper rock, et il faut mentionner ici la présence, le feeling et l'inventivité du guitariste qui colle des ambiance épousant parfaitement les textes, il faut mentionner le jeu du bassiste, lui aussi inventif (notamment avec un son de basse bluffant sur un morceau parodiant la tektonik si chère à TF1).
Il faut aussi rendre hommage au batteur, un type à l'allure de bon père de famille quadra qui a visiblement passé plus de temps en salle de répète qu'à faire les courses à l'hypermarché.
Il tape bien en tous cas, très bien même.
Victoria aussi gratte à donf, elle s'énerve tellement sur scène qu'elle désaccorde irrémédiablement sa guitare ! Après le morceau elle tente de la réaccorder, en vain, en fait elle a l'air préocupée. Le public n'est pas super chaud même s'il applaudit bien. Elle finit par nous dire qu'elle n'arrive pas à accorder sa gratt", que c'est pas pro, qu'elle n'est qu'une merde, le tout en se marrant avec un naturel et un "applomb fragile" déroutant. Elle change de gratte et ça repart, on ne lui en veut pas.
A cet instant, je crois que le public lui a ouvert ses oreilles en grand.
On en arrive au titre phare "Make Me Pretty", aussi bien chanté que sur le disque, bien joué, mais sans fioriture, comme si elle en avait marre qu'on la résume à ce titre. Elle a d'ailleurs arrosé le public avec sa bouteille d'eau après. Pour qu'on garde la tête froide ?
Pardon pour la qualité de la photo prise sur le vif
S'en suivent deux titres tristes, des ballades magnifiques. Après le premier, (don't cry baby) elle pleure, et tente de ne pas trop le montrer, elle enchainera avec une autre ballade, deux titres qui ont l'air de la perturber. On se rend compte aussi à ce moment que ses musiciens sont des vrais potes, ils sont autour d'elle, chacun a leur poste, pour l'accompagner bien sûr, mais on le voit, pour la protéger, elle qui a l'air si forte à d'autres moments.
Victoria Tibblin passe des voix chaudes et chaleureuses à des voix d'hyper tête en une fraction de seconde, de la sensualité à la tristesse, du sourire à l'utraviolence, et des pleurs à la provocation au gré des messages qu'elle est venue nous délivrer, à volonté.
Les applaudissements sont nourris, il faut un peu ramer pour le premier rappel mais le groupe revient au complet.
Et puis ça s'arrête, et moi je suis sur le cul. Je prends conscience que je viens de prendre une grosse baffe dans la tête (et dans les oreilles aussi d'ailleurs car les ingénieurs du son aiment les aigües dans cette salle...). J'en veux encore, alors je gueule "une autre" en bon fan, Mme Mallis et Matt aussi en veulent encore, et le public nous suit dans nos applaudissements, on insiste, on insiste et... elle revient !
Elle revient toute seule, un peu désorientée, très seule, elle attrape la guitare du gratteux, la sono est déjà coupée. Elle tente de rallumer l'ampli guitare, sans succès, pas de son.
Alors, Victoria s'approche au bord de la scène, et chante, sans micro, s'accompagnant d'une guitare électrique débranchée, elle s'en fout, elle nous fait ce cadeau, parce que je crois qu'elle ne s'attendait pas à ce 2ème rappel, et parce que cette fille a à l'évidence beaucoup à donner, parce que c'est vital pour elle. (Voir vidéo d'un spectateur tout en bas de cette page...)
Les cris et applaudissements qui ont suivis ont été énormes.
Pour conclure ce papier élogieux, je voudrais vous inviter à découvrir cette grande artiste, à écouter ses titres sur son site victib.com (ils sont écoutables intégralement et gratuitement dans la rubrique "discographie"), je ne saurai trop vous inciter à acheter son album (ce que j'ai tenté de faire hier, mais Planète Saturne ne connait pas la dame...), et surtout, surtout à aller la voir sur scène, allez-y c'est du très bon.
Je ne comprends toutefois pas trop le silence des médias. Victoria Tibblin est jouée sur OUI FM (bravo), mais je vois pas de trace d'elle ailleurs, absente du classement Ferarock, on peut cependant voir une vidéo de son passage à Taratata sur le net.
Pourtant Victoria Tibblin est signée chez Universal/Mercury, mais visiblement, l'usine de l'industrie musicale a d'autres priorités que de promouvoir le talent de cette jeune artiste, qui pourtant, à mon sens pourrait être une sorte de fer de lance de la vraie nouvelle scène rock.
Alors, du Tibblin vous allez en entendre sur la Grosse Radio !
Merci Victoria, merci à vous les musiciens, merci pour ce moment fort, dans une MJC de Rambouillet remplie d'une centaine de personnes à tout casser.
Visiblement, Victoria a choisi de défendre son art sur la route, à la force du poignet et des cordes vocales, l'âme à nue, les tripes à l'air, la rage au vent, le naturel au galop et le talents comme seul cocon.
Gros respect.
PS : J'adresse un gros coup de gueule aux quelques abrutis du public qui se permettent de papoter pendant que des artistes se donnent sur scène. Qu'on aime ou pas, quand on assiste à un concert on ferme sa gueule ou on sort.
Merci pour les artistes et merci pour les spectateurs qui les respectent...
Victoria Tibblin - Make Me Pretty - [C) 2007 Mercury
Victoria Tibblin - Don't leave unplugged en deuxième rappel à Rambouillet